samedi 30 décembre 2017

2017(2), jazz

Les coups de cœur jazzistes m’ont été rares en 2017; quelques titres sur, comme d’habitude, une pléthore d’enregistrements trop souvent redondants ou remplis de lieu communs. N’empêche, il y a d’irréductibles défricheurs et défricheuses, chercheurs de sonorités rares, voire poétiques qui savent retenir l’attention.



En tête de liste, une réédition de 1960, la trame sonore que Thelonious Monk enregistra des pour la version du cinéaste Roger Vadim des Liaisons dangereuses, version Roger Vadim. En fait, on doit plutôt parler d’édition parce que travail de Monk pour ce film n’a jamais paru sur disque et dans le film, on n’entend que de cours moments de ce que le grand pianiste compositeur a enregistré… sans se préoccuper du minutage du film. Sur l’album nouvellement paru, on découvre de magnifiques versions de Crepuscule with Nellie et de Pannonica, la première pour sa femme bien-aimée, la seconde pour son amie et mécène la baronne Nica de Konigswater, deux des artisanes de cette enregistrement comme le raconte Alex Duthil sur France Musique.



Puis l’incomparable Cécile McLorin-Savant qui, avec Dreams and Daggers, nous offrent la grande leçon de jazz chanté que nous n’espérions plus depuis l’extinction des grandes chanteuses classiques du genre, les Ella, Sarah, Billie. Album double très concept qui oscille constamment entre rêverie et angoisse, bonheur et tristesse,  douceur et angoisse, swing débridé et ballades suaves, Dreams & Daggers propose des compositions originales de la chanteuse et des interprétations d’œuvres de Kurt Weill, Irving Berlin, Ida Cox, notamment, le tout dirigé de main de maître par Aaron Diehl, le pianiste et chef d’orchestre de la dame... du grand art.



Dernier des géants du saxo ténor avec le tutélaire Sonny Rollins, Charles Loyd, 79 ans, n’en continue pas moins d’être créatif, vif, puissant, poussée par un « new quartet » d’enfer mené par le pianiste Jason Moran qu’accompagne les contrebassiste Reuben Rogers et le batteur Eric Harland.  Ce Charles Lloyd new quartet, plus incantatoire et coltranien que jamais, a fait paraître, sur Blue Note, Passin’ Thru, un album enregistré en concert en 2016, à Montreux et à Santa Fe. C’est, pour résumer en un mot : géant!



À l’opposé, Fred Hersch, ce pianiste de l’intime et de la douleur, ce mélodiste pétri de Bill Evans, ce créateur de liberté, a fait paraître sur l’étrange label Palmetto, un solo inspiré  intitulé (open book) . L’album s’ouvre sur une réminiscence du long coma qui l’a affecté alors que le VIH l’envahissait de toutes part; the orb, que ça s’appelle, et c’est diablement beau. Suit une longue improvisation du plus de 19 minutes intitulée through the forest, dans un style jamais entendu, me semble-t-il, chez Hersch. Face 2, édition sur vinyle, on trouve une réappropriation d’œuvres de Benny Golson (whisper not), d’A.C. Jobim (zingaro), de Billy Joel (and so it goes) et eronel de ce Thelonious Monk si cher à Hersch.


   
Ambrose Akinmusire est un jeune trompettiste d’une énergie redoutable doublé d’un sens poétique indéniable, comme en font foi, les tires de ses albums : When the Heart Emerges glistening ou the imagined savior is far easier to paint. C’est lui qui, avec son quartette, a donné le plus époustouflant concert de l’édition 2017 du Festival international de jazz de Montréal. C’est avec ce même band qu’il a enregistré, pour le compte de Blue Note, A Rift In Decorum, Live at the Village Vanguard, paru en cours d’année.  Akinmusire, c’est le jazz (acoustique!) dans toute sa contemporanéité, fait d’envolées instrumentales intenses, parfois retenues mais toujours virtuoses, bien au-delà du hard bop ou de quelque qualificatif que ce soit, et qui compte sur la participation égale de tous les membres du quartette.  L’avenir du jazz, c’est lui…





mardi 12 décembre 2017

2017, ma musique en résumé (1)



Je ne suis pas tellement fervent de traditions à respecter scrupuleusement, mais celle-ci, de faire un court bilan des musiques que j’ai chéries toute l’année durant, persiste depuis longtemps. Alors, en ce 12 décembre de tempête, je m’y mets. Bien sûr, ces choix sont motivés, ou plutôt orientés, en fonction des émissions de radio que j’anime au 89,1, www.ckrl.qc.ca , Folk d’Amérique et Midi Jazz (les mardis) ainsi que la chronique de musique classique que j’y tiens le vendredi matin.  Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça, cette année, mon catalogue aura l’air d’une pub de Nonesuch…

Folk



Commençons par un trio d’albums, tous publiés sous étiquette Nonesuch, que j’ai aimé passionnément et fait entendre en ondes régulièrement. Le premier, Freedom Highway, est l’œuvre de la remarquable Rhiannon Giddens . D’une voix puissante et envoûtante, la chanteuse rappelle le passé esclavagiste de l’Amérique et la lutte de libération qui se poursuit depuis. Chansons originales et reprises de vieilles mélodies (Freedom Highway, par exemple, est un hymne écrit en 1965 au cœur de la lutte pour les droits civiques), accompagnées d’instruments habituels du folk américain (Giddens est une virtuose du banjo sans frettes) composent cette galette éloquente, bouleversante et essentielle.
Diplômée (en opéra!!) du prestigieux conservatoire d’Oberlin, en Ohio, la chanteuse a débuté sa carrière avec les Carolina Chocolate Drops. Remarquée par le producteur T-Bone Burnett, son talent sera particulièrement remarqué lors du concert donné la suite de la sortie du film Inside LLwein Davis, des frères Cohen. Freedom Highway est en lice pour un Grammy.

À écouter : Birmingham Sunday

Offa Rex est né de la réunion de la chanteuse écossaise Olivia Chaney et du groupe néo-trad The Decembrist, tous membres de l’écurie Nonesuch.  La parution de l’album The Queens of Heart a rapidement séduit tant les grands médias que la presse spécialisée. Mélange de chansons des traditions anglaise, écossaise et irlandaise, revisitées par les sonorités modernes des Decembrists et magnifiées par la voix chaleureuse et riche d’Olivia Chaney, le disque est un pur joyau folk.

À écouter : The Old Churchyard

Autre joyau, autre splendeur, la réunion du célèbre Kronos Quartet avec les deux chanteuses précitées, Rhiannon Giddens et Olivia Chaney, auxquelles s’ajoutent celles, non moins remarquables, de Natalie Merchant et  Sam Amidon. Le titre de l’album, on vous le donne ne mille : Folk Songs, question qu’il n’y ait aucune ambigüité. Même magie!!! Une vraie trilogie!!!

À écouter : The Butcher’s Boy



Ah, j’allais oublier Colter!! Colter Wall, ce jeune chanteur country-folk de la Saskachewan à la voix grave, écho de celles de Johnny Cash ou Greg Brown. Grand fan de Townes Van Zandt dont on retrouve des reprises sur You Tube, le jeune Mur vient de faire paraître un premier album éponyme. Guitare et voix, c’est tout. Et il n’en faut pas plus pour faire de ce disque entièrement constitué de ballades, une réussite. Colter raconte la vie dans les Plaines (et non, ce n’est pas plate!), y associant moult personnage fascinants. Merci à Alain Larose pour l’avoir (solidement) accroché à mon oreille.

Disque à compte d'auteur (facilement disponible sur plusieurs plateformes.)

 À écouter : Snake Mountain Blues

Classique
Je déteste ce mot qu’on associe, bien à tort, à un élitisme snob en musique. C’est vrai qu’il y a de drôles de cocos qui se pointent à des concerts dans le but de paraître, mais je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce n’est plus là qu’on retrouve les vrais snobs… Reste la musique, une musique de tous les temps, riche et souvent savantissime, qui nous raconte plus de 1000 ans de d’histoire occidentale (en ce qui me concerne) sous de multiples formes, du compositeur ou musicien seul en scène aux gigantesques orchestres et chœurs des 19e et 20e siècles.



Bref, deux albums ont retenu mon attention, plus particulièrement, cette année. D’abord, celui du quatuor formé de l’intense violoniste néerlandaise Janine Jansen, du jeune et brillant pianiste français Lucas Debargue, du violoncelliste Torleif Thedéen et surtout l’époustouflant et inspiré clarinettiste Martin Fröst. Ensemble, ils ont enregistré le Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen, œuvre composée dans un camp de prisonnier de guerre allemand en 1940, le Stalag VIII-A à Gorlitz, où le compositeur et quelques amis musiciens étaient détenus. L’œuvre, un avant-goût musical de l’Apocalypse biblique, est hautement inspirée et complexe, exigeant toute la concentration possible tant des exécutants que de l’auditoire.

Nous avons eu droit, en novembre, à une exécution publique de cet œuvre par ces musiciens, dans le cadre de la saison 2017 du Club musical de Québec. Ce fut un concert étonnant, peut-être encore plus frappant en direct que sur disque et la perfection était au rendez-vous; tant pour la performance des musiciens que pour l’attention du public.


À écouter : Présentation


Franz Schubert compte parmi mes compositeurs de prédilection. Son lyrisme, sa poésie, son humanisme, sa puissance créatrice me touchent personnellement. Je m’y reconnais. Ses cycles de lieder, particulièrement son Voyage d’hiver, le célèbre Winterreise, font le bonheur de plusieurs de mes soirées, comme celle qui s’annonce, dans la tempête. Ses œuvres pour piano, notamment les trois dernières sonates composées, durant sa 31 années, à quelques semaines de sa mort, sont des œuvres particulièrement fortes et expressives; œuvre que le compositeur n’aura jamais entendu. Aujourd’hui, les plus grands pianistes ont enregistré ces œuvres et plusieurs avec brio. C’est le cas de Krystian Zimerman qui, à 60 ans, propose sa vision torturée de ces œuvres que certains voient plus sereines. À ce sujet, le texte du critique du quotidien Le Devoir, le vénérable Christophe Huss, est éclairant. Cette version, celle de Zimerman, me rejoint totalement.

Disque Deutsche Grammophon

À suivre…







mardi 20 juin 2017

De bois debout, l’œuvre au noir de Jean-Francois Caron



Une fois, c’était l’histoire d’un gars qui voit mourir son père à quelques mètres de lui, dans « son » bois, tiré dans la tête par la police. Le gars, Alexandre, s’enfuit alors à travers branchages, roches, hautes herbes, fougères de cette partie sale de la forêt bois où il tombe, s’égratigne, se grafigne, se balafre, s’estourbit avant de déboucher, étourdi, sur le chemin qui donne juste devant la maison de Tison.

  •           La voix d’Alexandre : Alexandre que je m’appelle, et je suis le fils d’André. Il ne faut pas oublier mon nom, celui de mon père. Alexandre, c’est comme si le père avait son nom dans le mien. Alexandre : André. Comme s’il était un peu de moi depuis le début de l’histoire. Et quand on m’appelle Alex, c’est comme si le père disparaissait une fois de plus. Un trou dans ma vie. Une béance dans la tête. » (p.10)


Pour en revenir à lui, Tison, ce n’est pas son vrai nom. René qu’il s’appelle. Mais quand on a la face qui a péri dans un incendie, c’est le genre de surnom dont on hérite à son corps défendant. C’est lui qui va redonner vie, si on peut dire, à Alexandre. Et il y a aussi Marie-Soleil, l’amie d’enfance et douce voisine, Marianne, l’amoureuse et danseuse-boiteuse, l’Ours, homme immense à qui il fait la lecture, Denis la police. Et surtout, ce père écrasant, ce Broche-à-Foin, homme à tout faire dans le village de Paris-du-Bois, homme au passé secret qui, lui, déteste la littérature à en faire une maladie. André Marchant, de son vrai nom.

  •           La mémoire d’Alexandre : Chaque fois que j’ouvre un livre, j’entends la voix du père qui m’avertit : « La vie, c’est pas là-dedans, pas dans les livres. » (p. 134)


Et il aura cette sentence envers son fils de 5 ans : « Tu es un homme maintenant. Tu te tais et tu apprends. »

Ça se passe dans le Bas-Saint-Laurent, cette histoire-là, à Paris-du-Bois, pas loin de la frontière américaine. Ça fait que Tison qui, de sa maison en marge du village, aperçoit Alexandre sortir du bois drôlement amoché, le recueille et le soigne.  Et, dans les heures qui suivent, tous les deux s’apprivoisent à coup de littérature, littérature qui s’avère la sève de vie de ce roman, de presque tous les personnages. Tout est littérature dans ce roman hors norme, avec sa structure qui entremêle prose, théâtre (grec!) et poésie; action et intériorité, avec tous ces personnages qui, un jour ou l’autre, se rencontreront, à cause de ce territoire de bois (debout) habité comme une âme qui nous définit.

-       « Il y a le bois : la poignée de chênes qui dépassent d’une tête la canopée boréale rongée par le rouille de l’automne, les seuls qui ont encore une belle masse de feuilles au faîte. » (p. 64)

Il y a le bois partout parce que Broche-à-foin l’a voulu ainsi, y vivre avec le vrai monde comme il dit, pas comme un « ostie » d’intellectuel déconnecté. C’était sa hantise, à Broche, de ne pas vraiment faire partie du vrai monde, comme il le voyait.  Et, de fait, il n’y arrivera pas complètement. Broche à foin, c’est lui le père à qui rien n’est arrivé sauf cette mort spectaculairement idiote, lui qui n’est arrivé à rien, finalement, dans la vie. André, qu’il s’appelle, cet homme sans passé et sans histoire connue sauf celle du jour où il est arrivé à Paris-du-Bois.

Bref, à la suite de la mort du père, Alexandre le littéraire part en ville, à Québec, à la recherche du passé de cet homme qui l’a malmené, qui le hante au tréfond de lui-même et c’est cette histoire qui nous est contée. Une grande histoire fabuleusement racontée!

Quand à l’auteur, sachons qu’il est camionneur, poète, écrivain, auteur d’un autre roman remarqué : Rose Brouillard, le film.




Jean-François Caron. De bois debout. Éditions La Peuplade, Chicoutimi, 2017, 394 p.

jeudi 1 juin 2017

Le frère




Comme disait l’autre : Frères humains, laissez moi vous raconter comment ça s’est passé.

J’ai ouvert la porte au médecin qui venait de sonner chez mon frère. Il est entré et est allé s’assoir en face de Claude couché sur son divan. Claude s’est assis, péniblement.

-       - Alors, comment ça va aujourd’hui?
-      -  Mal, très mal, j’ai mal un peu partout.
-       - Qu’est-ce que vous pensez qu’il va arriver?
-       - Je vais mourir.
-       - Oui, c’est cela. Vous allez mourir. Mais nous ferons en sorte que ça se passe le plus doucement possible, sans souffrance.

Ça a été le début d’une fin très rapide pour mon frère cadet, victime consentante d’un fulgurant cancer du poumon. À 63 ans. Je dis consentant, parce que cette maladie devait couver depuis longtemps et il n’a consulté que lorsque se déplacer lui était devenu pénible, incapable qu’il était de respirer. Le diagnostique est tout de suite tombé, comme mes bras.

-       - Dis donc, Claude, il y a longtemps que tu avais des difficultés de respiration??
-       - Oh, trois ou autre ans…
-       - Euh, pis t’as pas eu l’idée de consulter avant??????
-       - Ben, ça ne me faisait pas vraiment mal, pas comme maintenant.
-       - Ben, tu vas peut-être en mourir!!!
-       - J’ai pas peur de mourir, ça ne me dérange pas.

Et il a tenu parole. Pas de chimio, pas de radiothérapie, juste une médication palliative. Deux mois. Et le voilà parti, résilient comme pas un, avec un détachement des plus zen. Décidément, ce frère n’a jamais rien fait comme les autres. Et ce n’est pas son ange gardien, ma sœur Christine, qui me contredira.

Une soeur et deux frères, Claude, Christine et Gilles.

Claude Chaumel était un être généreux, ténébreux, solitaire, mélomane fini comme son aîné avec qui il partageait sa passion musicale. Il aura vécu seul toute sa vie, sauf pour une courte période de deux ans. Serveur respecté du Château Frontenac où il a fait carrière (Il fallait voir la haie d’honneur que lui a réservée le personnel de la vénérable institution lors de sa retraite en 2013), ex-mécanicien dans sa jeunesse, et, un court temps,  artiste soudeur dilettante pratiquant au garage Ruelland de la rue Christophe-Colomb, dans le quartier Saint-Roch de Québec, résument son parcours.

Claude mon frère que j’ai si peu connu.


Gilles et Claude.

Je n’ai pas tant de souvenirs de notre enfance commune. Alors que je recherchais les amis et les activités les plus casse-cou, lui préférait jouer seul ou avec notre jeune sœur. Sauf les fois où on se bataillait… c’est à dire souvent. Je me rappelle sa passion pour les modèles réduits, les casse-têtes ou toute activité qui exigeait patience et dextérité. Impossible de trouver là un terrain d’entente entre nous.

Il détestait l’école. Il a toujours détesté l’école. S’il était efficace en maths, tout le reste lui puait au nez. Résultat, il avait 12 ou 13 ans lorsque, au beau milieu d’un après-midi des plus scolaires, à vélo et cigarette au bec, il tombé face-à-face avec… ma mère! Grosse commotion dans la famille, pas besoin de vous dire. Ma pauvre mère, qui se désespérait de son avenir et elle est allée elle-même l’inscrire, quelques années plus tard en mécanique à l’école technique de Québec, boulevard Langelier. Il en est ressorti diplômé et s’est empressé d’acheter un beau Chevrolet 1953 qu’il a entièrement remis à neuf, sauf pour une pièce que le service d’inspection du Bureau des véhicules automobiles, la SAAQ de l’époque, l’a obligé à changer. Comme, il ne la trouvait pas (et on ne peut pas dire qu’il fait des efforts incommensurables pour la trouver), il a vendu l’auto… et n’a plus jamais conduit. Un rêve en fumée.

À l’époque de notre adolescence, rue Arago est, nous avions quelques amis communs, les moins sportifs, à qui il avait trouvé pour chacun, un surnom. Murielle (Yéyelle), Jacques (Wayne, parce qu’il était toujours en train de se peigner au Brylcream comme le bellâtre qu’il prétendant être), Magella (Mina, du nom de sa mère, Malvina, un surnom vraiment cruel quand on sait que la mère en question ne cessait de couver jusqu’au harcèlement ce gros garçon athlète né), et bien d’autre encore dont je n’ai plus mémoire.

C’est durant vers le début de la vingtaine que nous avons été le plus proche, en tout cas, dans mon souvenir. C’était l’époque où l’on partageait l’électrophone de ma chambre, un peu buzzés au hasch, à écouter Black Sabbat, Grand Funk RailRoad, Blue Cheer, les Rolling Stones et surtout Jimmy Hendrix, à fond la caisse.

On mettait Crosby, Stills, Nash and Young, pour regarder ses photos, la photographie qui fut la seconde passion du frère. Toile de fenêtre baissée, drap blanc au mur, on regardait les magnifiques diapositives de la ville qu’il prenait à toute heure du jour, préférablement entre 4 et 7 h, les matins d’été. J’ai encore en tête ces images aux couleurs si chaudes du kodachrome 25 montrant les levers de soleil sur la terrasse Dufferin, les paysages sereins des Plaines d’agréable (sic), du Vieux-Québec libre de toute circulation, de toute présence humaine.

Entre 4 et 7, c’était l’heure où il quittait les bars pour sa quête d’images. Et à trop, trop fréquenter les bars… Claude a perdu tout son matériel photo et ses images dans l’incendie qui a affecté son appartement. Il aurait pu y laisser sa peau. Une cure de désintoxe s’imposait, il ne pouvait plus fonctionner. Et une seule a suffi!

Mais, et c’est tellement dommage, ça en fut fini de la photographie, lui qui avait monté son labo de développement et faisait de splendides noir et blanc. De tout cela, rien n’est resté. Quelle perte.

Le frère a toujours eu ce côté caustique et ironique qui lui permettant de se moquer de tout un chacun.



Dernier jour d'un carrière bien remplie avec deux sympathiques collègues.

Ces derniers jours, enlevant son gilet pour que l’infirmière puisque lui prodiguer des soins, il a eu ce mot de dépit, devant ce corps maigre, décharné, voir rachitique qui était devenu le sien : Auschwitz tabarnac. Personne n’a été surpris, peu de faiblesses avaient crédit à ses yeux. Et pourtant, c’était le plus généreux des hommes, mes fils, ses neveux, l’adoraient, ses collègues du Château Frontenac le respectaient haut plus haut point. Et s’il a fait quelques voyages de pêche avec quelques-uns d’entre eux, rien ne laisse croire qu’il ait pu continuer à les fréquenter. Mais qu’en sait-on??? Christine, notre sœur et son ange, n’en sait pas plus.



La pêche!!! S’il y avait une occasion de réunion familiale, c’était bien cette activité qui passionne tant l’autre Claude, ex-agent de conservation de la faune et mari de Christine, l’autre ange gardien du frère. Si ces deux-là adoraient la pêche, c’était souvent ma douce Loulou qui provoquait les occasions, de belles sorties sur les lacs de la réserve de Laurentides. Ô grands moments de sérénité!!!!
  La dernière photo.

La sérénité, voilà son état désormais et pour toujours. Salut, frère aimé!!! 


Ah oui. Oubliez les funérailles, y en n’a pas.