mercredi 6 septembre 2023

D’Oss à Peau-de-Sang, l’univers féminin libérateur d’Audrée Wihelmy

 

Anne Hébert, Monique Proulx, Dominique Fortier, Francine Noël comptent parmi mes autrices fétiches de la littérature québécoise. Toutes ont su mettre au monde des univers marquants, des personnages forts qui résonnent longtemps, souvent des années après que l’on ait refermé leurs livres. Il en va de même pour Audrée Wilhelmy qui vient de faire paraître, en ce six septembre, Peau-de-Sang, son sixième ouvrage si je me fie à ceux que j’ai en main. 

 

Tous, depuis Oss en 2011, mettent en scène des femmes fortes, libératrices, au-delà des sévices qu’on leur fait subir, et qui vivent au cœur de bourgades où la nature, omniprésente, est toujours un personnage central, que ce soit au bord de la mer, ou au cœur d’un territoire jamais nommé. Comme Noé, l'orpheline qui dompte la mer (Oss, Le corps des bêtes, Plie la rivière); comme Daa dans Blanc résine qui naît de 24 femmes; comme cette Peau-de-sang plus grande que nature qui soigne les uns et libère les autres, sorcière bienveillante et toute puissante qui règle la vie de cette ville rurale du 18e siècle. Chacune vit donc dans un univers au-delà du temps et des lieux, portée par une écriture éminemment organique, savante des choses de la nature où elles puisent leur force et leur science.

 

Bon, loin de moi l’idée de faire dans l’analyse littéraire, j’écris ces quelques lignes uniquement pour donner à chacun/chacune le goût d’y plonger et de s’en imprégner. 

 

Pour en savoir plus :

 

-       Les éditions Leméac

-       Lettres Québécoies, no 167   

-       Le Devoir, 2 septembre 2023

samedi 12 août 2023

Le doux amer, la beauté, l'amour

 


Je l'ai déjà dit et écrit, je ne suis pas vraiment un fan de Paul et de ses histoires du quotidien. Il n'a d'ailleurs pas besoin de moi pour assurer son succès michel Rabagliait . Mais attention, s'il s'aventure sur mon Île, alors là j'ouvre l'oeil et le bon! Parce que dans ce fort beau livre illustré, le bédédiste amène son héros et sa fille au paradis de l'Île-Verte, là où Loulou et moi avons fait fleurir et grandir notre amour jusqu'à un point de non retour, pas tellement loin de l'éternité.

Dans Rose à l'île, l'auteur pousse même le bouchon au plus profond de mes émotions parce que la fille de son héros (c'est elle qui l'y amène) a loué la même maison dans laquelle nous avons séjourné en septembre 2019, et dont nous gardons un souvenir puissant...


Louise et moi avons découvert l'île au début des années 2000, alors qu'elle n'était connue que de ses habitants et de quelques rares personnages comme le cinéaste Gilles Carle et de la comédienne/chanteuse/poète Chloé Sainte-Marie. Nous avons séjourné aux Maisons du Phare du temps que c'était un gîte, passé des heures et des jours dans son anse à observer oiseaux et rorquals, traversé si souvent l'île du bout d'en haut au bout d'en bas sur une vingtaine de kilomètre, nous arrêtant à l'occasions, et même faire l'amour sur les crans de roche au rythme du ressac des vagues et du vent doux qui faisait murmurer les arbres de bonheur sous un ciel du bleu le plus pur. On ne pourrait plus se permettre une telle liberté aujourd'hui, l'île étant beaucoup fréquentée.  Nous y avons séjourné seuls, avec des amies aussi, mangé dans ses quelques restos du temps (L'Entre-deux marées et son agneau du pré salé, miam!), visité l'étonnant Musée du squelette du fascinant Pierre-Henri Fontaine aussi.

Ce sont tous ces souvenirs qui me sont revenus en feuilletant le beau livre de Rabagliati qui, en passant, n'est pas une bande dessinée mais une histoire très personnelle richement illustré de ses émouvants dessins. Nous retournerons encore et encore au paradis de l'île. Elle est mensuellement mystique.

Michel Rabagliati. Rose à l'île. la Pastèque, 2023, 247p. 

Ah, l'Île-Verte!!!














vendredi 14 avril 2023

Les O’Bomsawin (1), femmes de pouvoir et de savoir

 


Avant de prendre connaissance du programme de l’édition 2023 du Festival international de jazz de Montréal, je n’avais entendu le nom de Mali Obomsawin, jeune contrebassiste et activiste dont le premier album, Sweet Tooth, m’a drôlement impressionné. Dédié au peuple W8banaki, l’œuvre de jazz d’avant-garde s’éclate par sa puissance, sa richesse harmonique, sa créativité et sa poésie en langue abénaquise. Membre de la communauté d’Odanak même si elle est née et a grandi aux États-Unis, Mali se réclame en partie du travail des plus anciens comme la grande chanteuse et documentariste Alanis Obomsawin. D’elle, Mali à sa manière la chanson Odana parue sur son album Bush Lady de 1985. Alanis précisait que la chanson avait été écrite par un « vieux » du village, Louis Gill. La transmission…

 

Si je ne connaissais pas Mali Obomsawin, j’ai eu la chance d’interviewer, jadis, la grande Alanis; tout comme j’ai eu le plaisir de côtoyer l’ardente activiste et féministe Evelyn O’bomsawin (1920-2008), une des instigatrices de l’Association des femmes autochtones du Québec. J’ai aussi connu Nicole Nanastasis O’bomsawin, anthropologue, longtemps directrice du Musée d’Odanak qui est devenu la mémoire du peuple W8banaki. Nicole est membre influente de la communauté, une femme extraordinaire, d’une gentillesse inouïe. 

 

Enfin, il y a la jeune documentariste engagée bien connue, Kim O’Bomsawin, qui a fait moult séries télévisuelles pour faire connaître les réalités autochtones de de chez nous. Grâce à elles, la connaissance des univers des premiers peuples d’Amérique contribuera à tuer les préjugés.

 

Sweet Tooth, album conçu en trois mouvements comme autant rappels à l’histoire. Les critiques ont été drôlement élogieuses sur la scène internationale, dont celle du prestigieux Guardian. Pour en savoir plus sur Mali Obomsawin que j’ai tellement hâte de voir en juillet 2023 au Festival international de jazz de Montréal

 

(1)  Obomsawin a deux graphies, avec ou sans apostrophe. Autant que je sache, il s’agit de familles différentes. 

 

 

mercredi 5 avril 2023

Le rêveur du matin


 

Souvent, je me réveille tôt; bien avant l’aube, vers les quatre heures. Que faire, les yeux ronds comme des bines? Se lever, changer de chambre pour ne pas réveiller ma douce et lire, ce que je fais le plus souvent. Mais je ne résiste pas toujours à l’envie de consulter le monde sur mon cellulaire, ce qui est loin d’être salutaire, faut avouer. Malgré tout, cet épisode de veille involontaire a un effet bénéfique, celui de vouloir me rendormir et de rêver. Et ça fonctionne à tout coup !!!

 

Le processus est simple : après un moment de veille, lorsque la somnolence me happe à nouveau, je me tourne d’un côté ou l’autre et me dis que j’ai hâte de rêver. Alors, je me laisse aller… à la rêverie. Ça marche à tout coup! Je ne sais jamais quand la veille se transforme en rêve, comme ce matin où je me suis rappelé le voyage en Abitibi que Loulou et moi avons fait cet été. Mais je ne me rappelais pas la vieille Pontiac sport rouge que ma douce a acheté pour, disait-elle, aller camper dans la savane aux bleuets pour aller cueillir avec les Anishnabe. « On va monter deux tentes, une pour nous et une autre pour la bouffe, à côté, au cas où il y aurait des ours. » Je n’en revenais qu’elle me dise une telle absurdité, cette mère nature que j’ai trouvé sur l’instant dénaturée. Pourquoi attirer les ours avec une tente pleine de  nourriture, me disais-je pendant que nous roulions dans notre bazou sur la 117? Je ne savais que dire pour ne pas altérer son enthousiasme de retourner en terre natale.

 

« Entre ici, à gauche, je vais chercher ce qu’il faut, » me dit-elle à la vue d’un stationnement un peu tout croche de roches et de ronces, empli de véhicules parqués n’importe comment. « Va en avant du chalet, » m’intime-t-elle. Je n’en ai cru mes yeux en voyant qu’il s’agissait d’un cossu bâtiment d’accueil d’un club de golf!! 

 

Je n’en revenais pas de voir toutes les minounes brinquebalantes dans le champ transformé en parking et cette bâtisse rutilante où ma douce allait chercher du stock de camping. WTF! Dis-je à l’intention de l’ombre inidentifiable assise sur le siège arrière (ah, je ne vous ai pas dit que depuis quelques mois, il y a souvent un personnage fantôme qui me côtoie dans mes rêves… peut-être mon frère décédé?) et ça s’est arrêté là. 

 

Me suis réveillé avant que Louise ne revienne avec ses tentes et son idée folle d’aller coucher chez les ours…

 

J’ai hâte à mon prochain matin de rêves.