mercredi 24 octobre 2012

Baseball de gars, une histoire




Notre terrain de baseball squatté par une gang de piste et pelouse.
Ça arrivait une fois durant l'été, un concours...


Quand j’étais jeune, on avait un chalet à Notre-Dame-des-Laurentides et on jouait au baseball tout l'été. C’était la campagne, dans ce temps, là, et non la banlieue comme aujourd'hui. Avec une rivière pleine de truites, des champs de fraises, de framboises et de bleuets sauvages, d'autres champs où l'on faisait les foins avec des chevaux. Des vaches partout. Pis le zoo à côté.

Aujourd’hui, c’est la banlieue de Québec, avec des maisons de banlieue partout, des édifices pas beaux et un boulevard aussi laid que tous les boulevards de banlieue d'Amérique du Nord. Plus aucune trace de la campagne. Ce que je vais vous raconter est donc une histoire qui commence à être ancienne.

Comme je le disais, à Notre-Dame-des-Laurentides, on jouait au baseball. Pas à la balle molle de vifs, comme on disait. Non, au vrai baseball, comme dans la ligne nationale et de la ligne américaine. Jeune comment? Entre 8 et 15 ans mettons. Ouais, 15 ans, à l'âge ou j'ai commencé à lorgner d’autres sortes de balles.

Journée type de balle d’un été de vacances de 1965. Lever à 7 heures, quand un rayon de soleil se faufilait entre le cadre de porte et le rideau qui "fermait" notre chambre, à mon frère et moi.  Je m’habille et mets mon gant de baseball avec une balle de caoutchouc bleu, blanc, rouge dedans, comme dernière pièce de vêtement. C’est mieux une balle de caoutchouc pour  lancer sur le mur du chalet. Ça rebondit plus au retour et c'est moins bruyant qu'une vraie base de baseball. La vraie, elle, je la gardait pro le patro.

 Ma mère n’aimait vraiment pas ça, se faire réveiller par le boum de la balle sur le mur extérieur de sa chambre. C’était pas long qu’elle se lèvait et m’intimait l’ordre de rentrer et de venir déjeuner au lieu "...d'énarver le monde de même". Pas que je voulais l'énerver, mais qu'elle se lève, oui…

À huit heures moins quart, je partais, boîte à lunch dans une main et gant de baseball dans l’autre, vers l’arrêt de bus qui m’emmènerait au camp de jour du patro de Charlesbourg. Au coin de la rue Deschênes (on habitait au 36) pis de la Route 54 (aujourd'hui le boulevard Henri-Bourassa), mes chums sont là, une dizaine, à attendre eux aussi. En attendant l'arrivée du véhicule orange et beige de la compagnie d'autobus de Charlesbourg, on se lance la balle sur le chemin de traverse, deux par deux, ou un par deux si on est un chiffre impair.

Dans le bus, on cause baseball. Pas des Expos, ils n’existent pas encore, mais de Willie Mays, Willie McCovey, LouBrock, le meilleur voleur de buts de la ligne nationale, mon héros parce qu'il jouait au champ centre et que comme moi, c'était un fatigant de voleur de buts. Il venait d'arriver à Saint-Louis. Déjà, on haïssait les Yankees, même si Sandy Koufax, le merveilleux gaucher lançait pour eux. Moi aussi je suis gaucher, mais je frappais de la droite. Le baseball, on connaissait ça.

Arrivés au patro, on se lançait la balle avant le rassemblement et l’organisation des activités de la journée. Évidemment, il y a du baseball prévu dans toutes les catégories d’âge. Le match commençait à neuf heures et demi le matin pour finir vers 11 h. C’est ensuite la piscine et le dîner. Puis la deuxième partie match reprenait à une heure et quart pour se terminer à trois et quart et demi.

D’habitude, on gagnait, surtout quand les frères Lepire, les meilleurs, étaient avec nous autres. Mais  pas tout le temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je me rappelle qu’on perdait surtout quand le ciel était gris et qu’il ventait. Comme si ça me tentait moins ces journées là, pis mon équipe aussi. Mais c’était rare parce qu’il faisait presque tout tout le temps beau, l’été, dans mon enfance.

Fait qu’à trois heures et demi, on a un autre épisode de piscine puis, c’est l’histoire de Ti-Ken Lifeboy, que le frère Paquet racontait en attendant les autobus qui nous ramenaient à la maison à quatre heures et quart. Moi, je ne manquais l’histoire aventureuse de Ti-Ken pour rien au monde, surtout qu’il y avait toujours des prix de présence à gagner. Alors, on s’installait, un chum pis moé, derrière les estrades qui font face au frère Paquet, pis on se lançait la balle en écoutant religieusement  l’histoire.

De retour à la maison vers cinq heures où le souper nous attend déjà. Je m'assois, mon gant sous ma chaise m’attendant impatiemment. Aussitôt la dernière bouchée de dessert avalée, je courais chez le grand Rhéaume pour attendre les gars, deux ou trois Duchesneau, les frère Martineau, le grand Derome aussi, pis quelques autres dont je ne me rappelle plus les noms. Là, les chefs, c’était toujours Rhéaume et un des Martineau, se lançaient le batte tête en bas, trois fois. Le dernier qui l’attrape s’avance vers l’autre et, chacun son tour, empile sa main au-dessus de celle de l’autre. Celui qui arrive juste au pommeau du batte sans le toucher, a le premier choix. Qui n’était jamais moi, sauf si j’avais fait plein de coups sûrs la veille.

Ça fait qu’on jouait jusqu’à la noirceur… D’habitude on gagnait. Quand on perdait, on chialait. Y avait toujours un qui avait triché, on en était certain...

Le lendemain, bis repetita, pareil comme dans Sisyphe et son mythe. Tous les jours de l'été, jusqu'au retour en ville pour l'école. En ville, on pensait tu suite à la saison du hockey qui arrivait, mais ça, c'est une autre histoire.

Si j’étais bon au baseball? Meilleur qu'au hockey, ça c'est certain. Assez bon, à dire vrai. Me rappelle la seule fois où le patro de Charlesbourg a publié des statistiques, j’étais deuxième de toutes les catégories avec une moyenne au bâton de 455 sur 45 matchs joués! Soixante dix huit buts volés en 45 parties, deux circuits à l’intérieur, zéro « strike out ». Vous aurez compris que j’étais un petit vite, dont on ne se méfiait pas trop. C’est pour ça que j’héritais toujours du champ centre alors que je bavais d’envie de jouer au premier but.

Mais à 16 ans, de retour en ville l’été parce que mes parents avaient vendu leur chalet pour acheter un char, j’ai enfin joué au premier. On jouait avec la même routine, matin, et après midi, au Parc Victoria, et le soir rue Belleau, coin Christophe-Colomb…

J'ai arrêté de jouer régulièrement rendu au cégep. Mais, à l'occasion, on se retrouvait au parc pour une partie improvisée. Il est même arrivé, quand on entendait des balles claquées au stade municipal, qu'on se faufile par un trou de la clôture pour aller voir pratique les joueurs des Carnavals : Gary Carter, Ellis Valentine et Warren Cromartie entre autres. Même, que parfois, on courait les balles qu'ils ne voulaient pas attraper. Nous, on les attrapait!

Des filles? Ben non, y en n’avaient comme pas à notre chalet, on dirait. En tout cas, je ne m’en souviens pas d’une seule. Sauf ma cousine Hélène, si tellement belle. Mais comme elle restait à Chicoutimi… Pis au patro, y avait pas de filles non plus parce qu’il y avait un patro des filles qui n’était le même que le nôtre, même si on partageait la même piscine… mais pas aux même heures évidemment. On les voyait juste passer, en rang, entourées de monitrices et de bonnes sœurs… Mais on n'était pas sexistes. On ne savait même pas qu'il y avait des filles à la campagne. En ville, par contre, ça a été une toute autre histoire!

Jazz et baseball

Vous ne le saviez p't'être pas, mais il y a un lien entre le baseball et le jazz où il est démontré que les deux arts sont nègres. Un article du Pueblo Chieftain. Même que le baseball serait à l'origine du jazz selon le Boston Globe!!!


Et il y a le Great Jazz Trio, formé de trois des grands de la chose jazziste, le pianiste Hank Jones, son frère Elvin qui a fait les 400 coups avec John Coltrane, et le bassiste Richard Davis, un as de l'archet, qui ont concocté un album swinguant illustré par un terrain de balle. Merci Stéphane Picher! 

dimanche 7 octobre 2012

Que la vie soit!




Y a cette lettre qu’un père écrit à son fils, lettre que j’aurais bien aimé avoir écrite moi-même au mien qui a une petite Maëllie si vivante. Elle est courte, la lettre, et intense. La voici :

Cher fils,
Tu lis cette lettre aujourd’hui parce que c’est le jour le plus important de ta vie. Tu es sur le point d’avoir ton premier enfant. Cela signifie que cette vie que tu as bâtie aux prix de tant d’efforts, que tu as conquise et que tu as gagné, a atteint le moment où elle ne t’appartient plus.

Ce bébé sera le nouveau maître de ta vie. L’unique raison de ton existence. Tu lui abandonneras ta vie. Tu  lui donneras ton cœur et ton âme parce que tu voudras qu’il soit fort et assez courageux pour prendre toutes ses décisions sans toi. Pour que, lorsqu’il sera assez vieux, il n’ait plus besoin de toi.
C’est parce que tu sais, qu’un jour, tu ne seras plus là pour lui.

Quand tu accepteras qu’un jour, tu mourras, tu profiteras vraiment de la vie. C’est ça le grand secret. C’est ça le miracle. Ta vie ne t'appartient plus désormais tout comme la mienne, le jour où tu es né. 

Je t'écris cette lettre pour te féliciter et admettre que tu n'as plus besoin de moi.

Ton père



Cette belle lettre est tirée de Daytripper, une bande dessinée réalisée par deux frères aussi jumeaux que brésiliens, qui s’appellent Fabio Moon et Gabriel Ba, comme on ne s’y attend évidemment pas. Et elle raconte la vie et les morts de Bras de Oliva Domingos, apprenti écrivain qui gagne sa vie comme nécrologue dans un journal. Forcément, ça parle beaucoup de la mort. Le héros, d’ailleurs, meurt à chaque chapitre. Mais il est toujours là au suivant.

Amours réussies...

Ça parle d’amours tordues et d’autres très réussies, ça parle d’amitié dans les grandes mesures. Bref, plus que tout, ça parle de mots et de la vie. C’est ce que j’ai lu de mieux dans le genre depuis le magnifique Combat ordinaire de Manu Larcenet. Daytripper est un livre touchant, émouvant, le dessin est à l’avenant et les couleurs, chaudes et bienfaisantes. C’est publié chez Vertigo Urban Comics. Bonne lecture!

Vélo, sniff…

Bon, sniff, finie la saison d’exaltantes sorties de vélo avec le Club de vélo de Portneuf, les samedis matin. Quel bel été on a eu à rouler en (belles) gangs dans les rangs de Portneuf! Le soleil et la chaleur criaient présents (!) à tous les rendez-vous, suscitant l’ardeur et le bonheur des rouleurs et rouleuses. Oh, il y a bien eu du vent; il vente toujours un peu sur le plateau portneuvois et le long du fleuve. Mais rien pour casser le cycliste. Juste assez pour lui donner un peu plus le goût de l’effort.

Tout un été à voir, sorties après sortie, les champs prendre toutes les variantes de vert et or possible, faisant croître à une vitesse étonnante, céréales, fruits et blé d’inde, renouvelant, enrichissant sans cesse le paysage. Et que dire de ce fleuve sur lequel le soleil mirait ses reflets d’argent pur et que nous longions sur des dizaines de kilomètres le long route 138, véritable autoroute à vélo durant les weekends!

Mais ce dont je  vais me souvenir le plus de ce premier été à rouler en groupe, c’est la gentillesse et la solidarité des membres de ce club. Pas question de laisser tomber un co-équipier en difficulté. Ça crie -1! aux rouleurs de tête et tout le monde ralentit. Le groupe se reforme et on repart pour la gloire. J’ai roulé tout l’été dans le groupe des 28/kmh et ça se défonçait allègrement, faisant régulièrement grimper la moyenne… surtout quand le parcours était plat. Tout le monde était toujours tout sourire durant les pauses et personne ne se prenait pour Armstrong ou Contador à vouloir faire chier les autres. Au contraire! Me semble que l’hiver va être long avant de pouvoir renouer avec ces belles sorties. Merci gang!!!!

Le Vivaldi de Riccardo Minasi


Les violonistes italiens, depuis une dizaine d’années, se sont réappropriés le riche héritage de leurs ancêtres musiciens des 17e et 18e siècles. Le prêtre roux, Antonio Vivaldi, est l’un de ceux qui bénéficient le plus de cet engouement. On a qu’à penser aux beaux enregistrements de Giuliano Carmignola avec l’Orchestre baroque de Venise, ou ceux d’Enrico Onofri avec Il Giardino Armonico. Et là, ne voilà –t-il pas qu’un autre jeune s’y met avec ravissement, subtilité et énergie. Il s’appelle Riccardo Minasi et dirige un orchestre qui s’appelle Il Pomo d’Oro.

Déjà, ce jeunot a toute une feuille de route : membre du concert des Nations de Jordi Savall, il fréquente aussi Il Giardino Armonico, le concerto Italiano, l’Accademia Bizantina et une dizaine d’autres tous aussi spécialisés dans les musiques baroques. Notre violoniste a même été le conseiller de Kent Nagano et de notre OSM en matière de pratique historique. Et alors?

Alors, la maison Naïve, qui est en voie d’éditer en musique tout le contenu de la bibliothèque de Turin qui recèle une quantité phénoménale d’œuvres de Vivaldi, a demandé à Minasi de réaliser le quatrième volume des concertos pour violon de la série. Ce sont, pour la plupart des œuvres de la dernière maturité du compositeur et c’est joué avec une verve et un amour, une passion pour cette musique qui pourrait bien être redondante si elle n’était si bien jouée. Un album qu’on écoute en boucle sans se lasser des découvertes qu’on y fait chaque fois. Ça s’entend ici!!

Julos, le balbuzard fluviatile!!
Il a 76 ans, Julos, et, plus que jamais il chante la bonté, l’amour, la tendresse, dénonce l’oppression, la violence. Il le fait avec une poésie rare qui lui est unique, reconnaissable à chaque mot, chaque tournure de phrase. On la connaît, mais on ne se lasse pas de la redécouvrir à chaque tournant, surtout lorsqu’il est question un peu de chez nous comme dans Le balbuzard fluviatile.
Il y est question du balbuzard qui fréquente notre fleuve, bien sûr, de Trois-Pistoles aussi. Il chante Vigneault (Je ne dirai plus je vous aime), récite Alphonse Allais, Baudelaire et l’immense Paul Éluard. Et on sourit, on est bien avec ces mots si beaux, même les plus terribles, avec cette voix si fragile et si forte à la fois. Julos est éternel… Une chance, parce que la bonté ne ferait pas long feu sur cette planète, s’il n’était plus là.