jeudi 12 mai 2011

Brèves amours éternelles


Le paradis de Saint-Adolphe, un autre brève histoire éternelle.

Ce titre, il est d’Andreï Makine. En fait, il aurait fallu l’écrire au long, Le livre des brèves amours éternelles. C’est le dernier roman de cet auteur russe, devenu français depuis quelques décennies déjà et qui, au cœur de mondes de désolation, compose des héros pétris d’amour, mus par l’amour… Toutes les œuvres que j’ai lues de lui sont ainsi : Le testament français, Le crime d’Olga Arbelina, La musique d’une vie, L’amour humain, La vie d’un homme inconnu et aussi, cette merveille intitulée La femme qui attendait. De Russie en Sibérie, de la France au Congo, au cœur des lieux les plus inhospitaliers et des environnements les plus sordides, Makine fait pousser et durer l’amour. Ainsi…

« Ce n’était pas la première femme qui m’a ébloui par sa beauté, par la force patiente de son amour. Elle était la première, en tout cas, à me révéler qu’une femme aimante n’appartient plus à notre monde mais en crée un autre et y demeure, souveraine, inaccessible à la fébriles rapacité des jours qui passent. Oui, une extraterrestre. » (p. 29)

Je ne vous en dis pas plus. Vous pourrez tout trouver sur l’Internet à propos de cet hypersensible que j’ai eu le plaisir de rencontrer il y a quelques années au Salon international du livre de Québec. Grand, mince, distant d’apparence, il devient vite confident pour peu qu’on connaisse son œuvre et ses mots. Un poète et, avec quelques autres (Kundera, Beaulieu, Poulin, Monique Proulx), un de mes écrivains préférés.

Ce « livre », aussi puissant que les romans précédents du fascinant Makine, égrène une série de souvenirs, réels ou imaginés, campés dans l’univers de l’Union soviétique. Il suinte l’amour et sent bon.

Le chant des oiseaux… et le mal du chat

En cette aube du 12 mai, c’est le chant si mélodieux du merle américain qui nous réveille. Étonnamment, c’est la première fois, puisque depuis la fonte des neiges, c’est le bruant à gorge blanche qui accomplissait cet office. Tiens, le voici d’ailleurs qui relance le merle. Ça c’est normal. Il en sera ainsi jusqu’à qu’en novembre prochain pour notre plus grand bonheur. D’ailleurs, si les sizerins flammés sont partis, les mésanges et les sitelles sont toujours ici, rejointes par les premiers chardonnerets et surtout les roselins familiers et leurs chants magiques, longues volutes qu’on dirait de longs solos de saxos qui se répètent à l’infini sans jamais être les mêmes. Hé, mais voici l'oiseau mouche, vite, la mangeoire!!

Dans notre antre des hauts de Stoneham, ces chants, mêlés au roucoulement incessant de la rivière La Loutre, enchantent les lieux, les entourent d’une aura mystique sans pareille. C'est le paradis…

Chat blessé pansant ses plaies...

…sauf quand un monstrueux saint-bernard vient attaquer et traumatiser mon vieux chat comme c’est arrivé hier, traumatisant du même coup, ma pauvre voisine Nathalie, la « mère » adoptive de mon pauvre Vivaldi. Le Gros, comme je l’appelle affectueusement, avait le poil arraché sur la queue et sur une patte. il a perdu une griffe dans l’inégale bataille. Nathalie est allée le chercher sur une roche, dans la rivière, sur laquelle la pauvre bête s’était réfugiée, tremblante, le regard hagard. Depuis hier soir, il s’est retiré dans la chambre du haut et, couché en boule sur le lit, n’a pas bougé d’un poil. Tout au plus s’est-il contenté de ronronner fort lors des mes quelques visites. Il panse ses plaies, prend son temps et bientôt redescendra. En passant, merci sainte voisine, d'avoir sauver mon Gros!!!

Quand au chien, s’il revient, je le recevrai avec ma hache, promis.

En attendant, la sérénité est revenue, chez nous. Et dire, que dans quelques jours, nous aurons peut-être vendu ce paradis. Heureusement, les éventuels nouveaux propriétaires me semblent des gens bien sous tous rapports, amants comme nous de la nature et qui trouvent merveilleux d’habiter un bois avec pas de pelouse. Pour moi, ce sera... une autre brève histoire d'amour éternelle que je pleure déjà.

Lumière d'un printemps pluvieux...

La fiction du quatuor Ébène

La formation de quatuor à cordes a ceci de remarquable qu’elle oblige ses adeptes, musiciens et mélomanes, à affronter les musiques les plus complexes et les plus riches des grands compositeurs, de Haydn à Ligeti, de Beethoven à Schaeffer. Et voilà t’y pas qu’un groupe de jeunots, après avoir enregistré un magistral triplé français (les quatuors de Fauré, de Ravel et de Debussy), se mêle de faire un album remarquablement éclectique qui touche au jazz, aux musiques de films et à quelques classiques de la musique pop.

Cet album, intitulé Fiction, (sans doute à cause de ce « Misirlou », musique thème du film Pulp Fiction), propose 16 mélodies qui ont fait les belles heures du 20e siècle, des Beatles à Bruce Springsteen, de Charlie Chaplin à Wayne Shorter. Pour y arriver, il se sont associé à un batteur (de chambre, disent-ils) et sollicité la présence de quelques pointures vocales : Fanny Ardent, Stacey Kent, Luz Casal et la soprano Natalie Dessay. Alors? Alors, ça oscille entre le diablement énergique et le très tendre, c’est imaginatif, virtuose et inspiré. Un de mes coups de cœur de l’année.

En hommage à Charlie

L’altiste Rémi Bolduc, bien qu’il soit un excellent instrumentiste, n’a jamais publié d’albums vraiment remarquables. Ça vient de changer avec cet Hommage à Charlie Parker qui vient de paraître sur Étiquette Effendi. Le jazzman québécois s’est entouré de deux complices de la même espèce, tout aussi saxo alto que lui, et d’une rythmique d’enfer. On y retrouve quelques grands titres du Bird, Moose the Mooche, Out of Nowhere, Relaxin’ at Camarillo et quelques ballades qui ont fait son renom, Embraceable You et, surtout, le merveilleux Parker’s Mood.

Étonnant comme trois saxophonistes disposant en principe du même instrument, réussissent à en tirer des sonorités différentes avec un phrasé différent mais avec une unité de swing tout à fait impressionnante. On n’est pas ici devant une musique d’avant-garde, mais devant un témoignage bien senti au plus de tous les musiciens qui ont fait l’histoire du jazz. Du bonbon et un plaisir d’écoute qui se renouvelle à chaque note

The Year Dolly Parton Was My Mom

Une musique de film pour finir. Celle du (premier) film d’une anglo québécoise de Montréal, film qui s’intitule The Year Dolly Parton Was My Mom (en français, ça donne quelque chose comme Dolly Parton ma mère et moi), a été réalisée par Luc Sicard. Comme il s’agit, paraît-il, d’un road movie, on a droit, à travers des musiques acoustiques d’ambiances (guitare, violoncelle, piano, banjo) à quelques chansons magnifiques, de la Dolly elle-même ou à des reprises d’une grande beauté interprétées par Coral Egan, les Wailin’ Jennys, Nelly Furtado et la superbe Little Sparrow chantée à la perfection par la manitobaine Geneviève Toupin. La cerise sur le gâteau, cependant, s’intitule Do I Ever Cross your Mind et est l’œuvre de nulle autre que Marhta Wainwright. À pleurer. C’est mon disque de char favori de ce mois-ci.