dimanche 27 septembre 2009

Pour la retraite de l’ami Gilles

Quand on m’a relancé dans ma tanière de nouvelle retraitée pour venir parler de Gilles, j’ai accepté d’emblée. Surtout que la journée où on a fait appel à moi marquait à peu de choses près les 40 ans de notre amitié.

Eh oui! On s’est connus au cégep de Limoilou en septembre… 1969..!

Oui, oui, l’année du Bill 63, une belle occasion d’entamer une joyeuse série d’occupations du cégep qui allaient nous permettre de nous familiariser avec des textes fondateurs… comme le Livre rouge de Mao, le Manifeste du FLQ et, surtout, le Code Morin, invoqué au minimum 100 fois au cours de toute assemblée générale qui se respecte!

We’ve come a long way, baby!

Toutefois, après mon élan d’enthousiasme, reprenant contact avec le principe de réalité, j’ai senti monter la panique et je me suis demandée dans quoi j’étais allée me fourrer.

Que pourrais-je dire d’un être… aussi secret, refoulé même, qui a mené sa carrière avec tant de discrétion, qui tient mordicus à la privauté de sa vie hors du travail si bien que nous ne connaissons ni ses amours, ni sa progéniture, ni ses amis, en plus de ne rien savoir de ses goûts et de ses loisirs …

Oh boy!..

Bien sûr, j’ironise!

Vous aurez tous compris que c’est plutôt le problème inverse qui m’a sauté au visage. De quoi pourrais-je parler dont il n’ait pas lui-même traité en long, en large… et en couleurs dans sa fameuse « chronique du lundi », devenue au cours des dernières années, puisqu’on n’arrête pas le progrès, son blogue?


Notre Foglia bien à nous ne cache vraiment rien : de ses coups de gueule à ses coups de cœur, de ses exploits sportifs à ses envolées contemplatives devant les « miracles de la Nature », voire même du contenu de la couche du petit-fils Loïk-Zorino (avec photo à l’appui) aux délices de sa couche auprès de sa blonde (avec photo bientôt?)

« Oh misère, oh malheur! » aurait dit un des maîtres à penser de Gilles : Jérémie. Non, non, pas le prophète, – très peu biblique notre Gilles, sauf lorsqu’il est en colère… ou qu’il parle d’un autre petit-fils, accessoirement nommé Gédéon – , non le Jérémie de Hanna et Barbera, qui, aux côtés de Yogi l’ours et de Roquet Belles-Oreilles, nous servait de belles leçons de vie, dans les années 60.

Bref, je constatais avec effroi qu’ « Y’en aura pas de facile, comme disait, bien sûr, Claude Piton Ruel »…, un autre des maîtres à penser de Gilles qu’il a contribué à nous faire connaître et apprécier.

Mais, bof, puisque Bis repetita placent, n’est-ce pas Gilles, j’ai décidé de plonger.

Forte de mes 34 ans d’expérience à la fonction publique, je fis donc ce que tout bon boss aurait fait à ma place dans les circonstances : j’appelai des consultants…

Donc, un midi, devant le gâteau aux carottes radioactif d’un estaminet vietnamien, Norbert Lafond, Pierre Castonguay et moi nous remuâmes les méninges pour trouver comment embrocher notre Gilles et le bien faire cuire… Imaginez, non seulement mes deux complices l’avaient côtoyé à Tourisme Québec, mais ils avaient même fréquenté la même école secondaire, en l’occurrence Cardinal-Roy (Je profite de l’occasion pour remercier chaleureusement mes deux collaborateurs qui, côté vacheries, sont pas mal plus prolifiques que moi…

puisque, pour ma part, je ne suis encore qu’une petite « bitch », euh!, biche… –.) Je te dis pas mon Gilles comme ça y allait. Heureusement que le resto était à peu près vide parce que, je sais pas, ta réputation… Ben non, tu le sais bien combien on t’aime tous les trois!

Au contraire, plus on parlait de toi, – tu vois, je n’ai pas dit « contre » toi –, plus on se rendait compte qu’on t’avait vraiment sous-estimé pendant toutes ces années. En effet, pour peu qu’on s’y penche avec la rigueur scientifique qui s’impose, on constate que le « Gillus Chaumelix », sous ses dehors tout d’un bloc, est une espèce pas mal plus complexe qu’il n’y paraît.

Voici donc quelques découvertes ornithologiques sur notre oiseau de… bonheur.

Je viens de parler de Cardinal-Roy. Qu’on ne s’y trompe pas : quand nos « tres amigos » l’ont fréquentée – pas le cardinal, puisque seul le cardinal rouge trouve grâce aux yeux de Gilles, j’évoque évidemment l’école – c’était bien avant que ça devienne Sport-Études. Heureusement : sinon, Gilles n’aurait sûrement pas été admis!


En effet, si on a maintenant affaire, malgré son âge vénérable, à un athlète de haut niveau, et ce, dans de nombreuses disciplines, – je m’attends personnellement à le voir rafler le triathlon du 3e âge incessamment – tel n’était pas le cas de l’ado de la rue Arago.

Pour vous dire, quand je l’ai connu, c’était un valeureux pilier de taverne, fumeur bien entendu, qui refaisait le monde autour d’une table de « drafts » avec les personnages les plus pittoresques de Saint-Sauveur tout en flirtant avec le Parti révolutionnaire ouvrier, d’obédience trotskiste, faut-il préciser!

On était loin… de la sonate au clair de lune avec les baleines au large de Grande-Bergeronnes, des 45 km de ski de fond du matin pour se préparer aux 15 km de raquettes en montagne de l’après-midi, des descentes de rivière sauvage pendant 10 jours consécutifs ou, tout simplement, de la sympathique centaine de km de vélo, un petit jour de semaine bien ordinaire, pour venir au bureau en partant de chez lui, à St-Adolphe..!

Dans un autre registre, c’est bien connu, Gilles, comme Desjardins, – pas Richard, non, son grand frère « Mouvement » – a la « passion des êtres ».

C’est ce qui lui a permis, au cours de toutes ces années où il s’est investi dans les communications internes, de, littéralement, renouveler le genre.

Il a su se mettre en valeur en mettant les autres en valeur : c’est-y pas beau ça?!

Mais, ici comme ailleurs, méfions-nous des raccourcis lorsqu’il s’agit de Chaumel. Oui, on peut sans conteste lui accorder le titre de « king » du superlatif. Mais c’est une arme à double tranchant. Parce que, côté appréciation, Gilles n’a que deux positions : la switch à On, ou la switch à Off.

Avec Gilles, y’a deux sortes de…, à vous de compléter la phrase…

Par exemple, deux sortes de « monde » : ceux qu’il adoooooore / et les cons finis (précisons à sa décharge qu’il s’est laissé apprivoiser par le faucon du bord de sa fenêtre au bureau);

Deux sortes de musique : la génialissime, – Bach, Coltrane, Emmylou, Beaucarne et autres Desjardins – / et la fanfare nulle à chier;

Deux sortes de littérature : celle qui décape ou qui transporte,

– comme Poulin bien sûr, mais aussi les polars islandais ou black– / et l’insignifiante.

Avec Gilles, c’est comme ça.

Engagé dans son travail, disions-nous de notre Chaumel?... S’il n’a pas de limites quand il croit à un projet… il n’en a pas plus quand l’enthousiasme n’y est plus.

Parlez-en à ceux qui l’ont côtoyé lorsque le Tourisme s’est retrouvé au MDEIE. Oup-a-laye!, Gilles peut déployer une inertie à la puissance 10… mais pas pour longtemps puisque, quand ça ne va plus, Gilles dé…ménage, et vite à part ça.

Toujours dans la rubrique travail, Gilles s’est aussi distingué par son incroyable capacité à joindre l’utile à l’agréable : pour y parvenir, il est devenu un expert ès contrôle d’agenda. Que voulez-vous?, comme dirait un ex-p.m. canadien que Gilles affectionne particulièrement… Y’a pas de mal à se faire du bien… pas plusqu’il y en a… à faire coïncider ses déplacements avec ceux de sa douce pour aller « tester » la qualité de l’offre de tourisme de plein-air! On a d'ailleurs remarqué que, dans tous les ministères où Gilles est passé, jamais les réalisations en milieu nordique n’ont été aussi bien couvertes.


En fait, quand on voit Gilles s’exciter autant pour tout ce qui existe au-delà du 49e parallèle, on sent bien que la fibre de l’ancêtre français vibre toujours.

L’enthousiasme proverbial de Gilles ne se manifeste pas qu’au travail :

qui n’a pas été touché par ses love calls à sa Loulou, par les fabuleux élans de fierté de ce père-coq, sans oublier, bien évidemment, l’expression du culte quasi mystique qu’il voue aux petits-enfants de la tribu : dieu en est témoin.


Par contre, sous le coup de l’engouement, Gilles s’emballe parfois un chouia trop… Ainsi, si vous comptez faire du plein-air avec lui, soyez assuré d’être de son calibre et attachez votre tuque. Parce que dans l’excitation du moment, dans la griserie de l’effort physique, Gilles peut très bien partir la queue sur les fesses… et vous oublier derrière.

Aussi, il arrive que ce poète du quotidien, qui sait si bien voir la beauté en toute chose et qui sait si bien la partager… en met tellement que certaines personnes, marchant dans ses traces, penseront s’être trompées de destination en ne reconnaissant pas les paysages décrits avec la verve exaltée de notre ami.

Quelqu’un peut-il m’expliquer comment un épicurien comme Gilles qui peut écrire trois paragraphes…

sur la rosée qui perlait sur son pare-brise un matin de brume,

sur la splendeur des oiseaux qui viennent dans les mangeoires de Loulou

ou sur le gouleyant du vin bu avec des amis sur une plage de la Côte-Nord

peut passer autant d’heures

1) dans des vêtements humides, qu’il s’agisse d’un cuissard, d’un costume de ski de fond trempé de sueur ou, pire, d’un wet suit,

2) le cul sur une selle de vélo ou coincé dans un kayak exigu

3) pour finir par partager l’exquis repas préparé par sa douce avec une nuée de maringouins, de mouches noires et de brulôts?

Si c’est pas un gros « rush » d’enthousiasme ça….

Énergique comme pas un, curieux de tout, mélomane éclectique,

photographe accompli, plume agile, notre Chaumel porte plus d’un chapeau à la fois : voilà sans doute le secret de sa fabuleuse collection de casquettes…

Amant de la nature, écolo avant l’heure, chantre du développement durable, notre Gilles n’hésite pas à… sauter dans son char pour faire plusieurs milliers de km par année pour se payer une petite descente de rivière, explorer des lacs secrets, pagayer avec les bélugas… ou circuler entre son « refuge » d’amour à Saint-Adolphe et ses activités urbaines.

Comme il s’est aussi permis de tuer au sling shot, Mesdames et Messieurs, un écureuil qui s’était faufilé dans sa chaumière, comportement d’autant plus scandaleux que « mossieu » se prétend ami des polatouches.

Je m’arrête ici, mon Gilles, avant que notre amitié ne soit ternie à jamais… et en espérant d’ailleurs que je n’aie pas déjà commis l’irréparable…

Ben non, ben non, ben non : t’hais ça te faire prendre en défaut, mais t’as le sens de l’humour. Je le sais, on est pareils…

Donc, je m’arrête en te disant du plus profond de mon ford intérieur,

à toi qui approches de la fin de la vie professionnelle alors que tu as signalé à maintes reprises dans tes écrits que tu détestes qu’apparaisse sur l’écran de ta vie le mot « FIN » que, comme le disait le grand Yogi Berra, – non, non, pas l’ours de Hanna et Barbera, Gilles a d’autres références que les dessins animés des années 60, tout de même –,

non Yogi Berra, ce grand philosophe, incidemment joueur de baseball :

« C’est pas fini, tant que c’est pas fini! »

Bonne et longue retraite mon ami!

Claire Minguy,

Avec la complicité de Pierre Castonguay et de Norbert Lafond,

Le 1er octobre 2009

vendredi 11 septembre 2009

«Il est grand temps de rallumer les étoiles» -Guillaume Apollinaire

Loulou, Jo et Denis

Avec Jo et Denis, nous avons passé la fin de semaine dans le doux pays de la région de Kamouraska qui a porté son nom comme une auréole le dimanche. Mer d’huile, eau couleur d’émeraude, soleil puissant, atmosphère indolente et bon enfant au quai et des kayakistes par dizaines s’élançant à marée montante.

Loulou, Denis et moi, on rentrait. Il était 15h et on était sur l’eau depuis 11h. Il faut dire qu’on est parti dans des conditions un peu pénibles, marchant plus d’un kilomètre dans la vase, transportant ou tirant chacun embarcation vers un large hypothétique. Je ne voulais pas attendre trois heures pour profiter de la marée montante. Il faisait trop beau. D’ailleurs, arrivé au quai du village, ma douce qui, en principe, venait me reconduire, a décidé de partir avec moi. En appelant nos amis, j’ai appris que Denis venait nous rejoindre. Il quittait à l’instant, avec sa douce, le camping de la Sebka où nous logions.

Bref, l’effort a valu la peine. Une fois passée l’île-aux-Corneilles, qui est face au village, à deux kilomètres de la rive, nous longeons l’île Brûlée avant de prendre le large, c’est-à-dire de côtoyer de loin l’île de la Providence et la Grosse-Île. C’est là que sont apparus les bélugas. De loin d’abord, puis, comme s’ils nous avaient aperçus, de plus en plus près. Si près. En fait qu’à un moment donné une grosse femelle est sortie face à mon kayak alors que son rejeton, tout gris et curieux, sortait à l’arrière. J’ai pu en distinguer clairement deux autres qui sont passés sous mon bateau. Là, je dois avouer avoir été un peu inquiet, tout comme ma douce qui a vécu, à quelques dizaines de mètre de moi al même situation. Denis, stoïque et heureux, se contentait d’observer ce magnifique ballet qui l’entourait.

On est revenu un peu gaga sur une mer toujours étale, un ciel encore plus bleu et un soleil affichant son plus grand sourire.

Le doux pays
Il faut dire que le doux pays de Kamouraska a tout pour apaiser le citadin. Pourtant, le samedi et le lundi de notre fin de semaine, il n’était pas vraiment reposant, le pays. Samedi, Denis et moi avons fait une partie du trajet à vélo, à partir de Saint-Jean-Port-Joli, pour nous y rendre. Les 10 derniers km (sur les 70 du parcours, m’ont paru une éternité avec ce vent d’est qui ne cessait de forcir au fur et à mesure que nous avancions. Et tout le monde sait que l’éternité, c’est long, surtout vers la fin.

Le lundi, le vent soufflait encore plus fort, mais de l’ouest, cette fois. Alors on a fait de la rando. Ça valait aussi la peine comme en font foi les photos ci-dessous.


Le Bas-du-fleuve est aussi reconnu pour la beauté de ses couchers de soleil, soleil qui vient s’éteindre derrière les Laurentides. Évidemment, ce ne fut pas différent ce week-end.

Mais moi, ce sont les nuits qui suivaient qui m’ont marquées. Lune pleine, étoiles aussi innombrables que lumineuses. Les étoiles! Ce sont elles qui m’ont ramenées à ma Loulou, l’amour de ma vie, elles qui m’ont rappelées cette belle phrase de Guillaume Apollinaire : « Il est grand temps de rallumer les étoiles. »

Alors, il est grand temps que je redise à mon amour à quel point elle compte pour moi, que sans elle je serais sans ailes. C’est d’autant plus urgent que je suis à trois semaines de la retraite et que ça va drôlement changer notre quotidien. Plus qu’on ne peut imaginer parce que ma Loulou songe sérieusement à joindre les rangs l’Administration régionale Kativik, le gouvernement inuit du Nunavik, pour y développer le tourisme nordique. On passera des semaines sans se voir et des semaines ensemble… On s’en reparle!

Musique

Deus trucs splendides. D’abord, le toi dans ma tête de Luc De Larochellière, album intimiste qui conjugue l’amour à la tristesse et à la foi en la chose. C’est doux, tendre et beau, d’une écriture un peu chavirante comme le souligne ces lignes tirées de Tu m’as eu :

Tu m’as eu à coups de baisers
tirés en rafales combinées,
Là, direct au cœur, toute une nuit,
le matin m’a trouvé au lit
Cloué à toi, scotché, pantois…

Le second est un hommage à un folksinger américain du début du siècle du nom de Charlie Poole. Charlie et ses North Carolina Ramblers étaient l’un des plus fameux « string bands » des années 1920. Le coffret de deux disques qui le remet au goût du jour s’intitule High Wide & Handsome: The Charlie Poole Project et il est l’œuvre de Loudon Wainwright III, grand maître de la folk et père de l’imbuvable Rufus.

Loulou et moi, on l’a écouté de long en large durant notre périple kamouraskois et on a remis ça de retour à la maison. Guitare, violon, banjo, contrebasse accompagnent des histoires de personnages tantôt ordinaires tantôt fabuleux racontées tantôt avec tendresse tantôt avec un swing irrépressible. Irrésistible!!!