lundi 23 juin 2008

La grand-mère

Ma Loulou se promenait au Domaine du Maizerets, hier, avec son petit-fils Gédéon. Elle l’a amené dans les nouveaux jeux installés à l’intention des touts petits et qui sont vraiment géniaux d’après elle. Ils ont joué plus d’une heure, s’arrêtant de-ci delà pour prendre une gorgée de jus, pour observer des oiseaux ou juste pour rire. Depuis la naissance de son petit frère, Gédéon apprécie encore plus être seul avec nous, avec Loulou plus particulièrement. Ils ont beaucoup ri ensemble…

Au moment du retour, trois petits monstres à vélo, entre 10 et 12 ans, sont brusquement arrivés sur eux au détour d’un bâtiment. « Attention, a crié l’un d’eux, il y a une grand-mère! » Et ils sont disparus au prochain tournant. « Une grand-mère?!? », s’est interrogée ma douce, interloquée. Ben oui, chérie, t’as quatre petits-fils et un cinquième en route.

« En fait, m’a-t-elle raconté. J’ai été un peu secouée de cette rencontre impromptue. D’une part, j’ai trouvée sympathique que ce p’tit gars à l’air un peu baveux veuille faire attention à nous. Je me suis dit qu’il devait sans doute aimer sa grand-mère. Mais qu’il m’ait tout de suite vu comme une grand-mère, ça, ça m’a donné un choc. Un peu plus et je l’envoyais chier! »

À mon avis, ce n’est pas le dernier choc mon amour!

Un rêve
Je ne sais pas si c’est cette histoire qui a provoqué mon rêve, mais toujours est-il que cette nuit j’étais au bord de notre rivière à regarder l’eau claire couler doucement entre les roches. Plus loin, assis à la table de piquenique, il y avait la petite Amandine, deux ans environ, assise sur les genoux de son père… mon fils Jean-Philippe.

Et là, à un moment donné, une belle grosse truite mouchetée s’approche doucement du bord. J’appelle Amandine : « chérie, viens voir la belle truite, juste ici, dans l’eau! »

Excitée et riante, la petite glisse allègrement des genoux de son père et court vers moi. « Doucement Amandine, il ne faut pas la faire fuir… » lui chuchotai-je.

Elle ralentit le pas et viens me trouver sur la pointe des pieds toujours avec son sourire heureux. Tout à coup, une bête arrive à toute vitesse, bouscule presque ma petite-fille et plonge dans la rivière. C’est le chat Vivaldi qui se bat littéralement avec le pauvre poisson qui tente désespérément de s’enfuir. Mais le félin tient bon. Le matou trempé sort de l’eau tenant solidement la truite gigotante.

Effarée, la petite dit : « pas gentil ‘Valdi! ». Moi, plutôt fier de mon félin, je réponds le plus laconiquement possible : « Tu sais Amandine, les chats sont des chasseurs. Il ne fait que son travail de chat et en plus les chats raffolent du poisson. Viens, on va le laisser manger, parce que comme tous les animaux, il n’aime pas être dérangé durant son repas. » Et je la serre dans mes bras pour la rassurer. Mais elle n’a pas besoin de cela, Amandine. À deux ans, elle connaît la vie et elle aime trop Vivaldi pour lui en vouloir.

Les parents eux sont plus dubitatifs. Jean-Philippe me regarde avec un drôle d’air, se demandant peut-être jusqu’à quel point je suis sain d’esprit. La loi du plus fort, ce n’est pas son genre, ni à lui ni à son frère. Sont trop humanistes, mes fils. Yeah. M’enfin.

Pendant ce temps, la belle Marie-Pierre se contente de recevoir sa fille qui, tout doucement, vient lui flatter la bedaine. Eh oui, Marie-Pierre attend une autre fille.

C’est à ce moment que ce cadran sonne…

Cauchemar?
C’est quand même plus bucolique que le rêve de ma grande amie Claire avec qui j’étais, m’a-t-elle raconté, à travailler sur une scène à montrer les agrès d’un spectacle. C’est là qu’elle a assisté à ma mort en direct, en quelque sorte, alors que la foudre est tombée.

En fait, m’a-t-elle raconté, elle avait le dos tourné lorsque l’éclair a frappé avec fracas. En se retournant, elle a vu un attroupement au centre duquel je me trouvais, agonisant. Je la regardais, semble-t-il, avec un regard paniqué et juste au moment où elle me touchait, j’expirais. Catastrophée, elle dit s’être tout de suite demandé comment elle allait annoncer la nouvelle à ma Loulou.

Scène suivante, Claire et son chum Christian se retrouvent dans une gare de train attendant Louise à qui ils apprennent la nouvelle de mon décès. Alors là c’aurait été la grande scène, Loulou hurlant et se jetant pas terre de douleur…

C’est à ce moment que le cadran a sauvé tout le monde de l’embarras. Y en n’aura pas de facile.

Musique
Johann Jakob Froberger, le Chopin du XVIIe, un musicien intimiste, savant, un humaniste qui refusait que qui que ce soit joue ses œuvres de peur qu’ils ne les dénaturent. Pas un prétentieux, un doux. Son instrument, c’était le clavecin à qui il confiait des œuvres étonnantes pour l’époque comme pour aujourd’hui.  Plainte faite à Londres pour passer la Melancholie, Lamentation sur ce que j’ai été volé, Fantasia Sopra Sollare, Tombeau fait à Paris sur la mort de Monsieur Blancrocher.

J’ai plusieurs disques de ce compositeur dont la musique m’émeut beaucoup. Mon préféré est celui de la claveciniste Blandine Verlet et il s’intitule Froberger ou l’intranquillité. Sur cet album grave, les danses lentes et graves se suivent avec noblesse et tendresse à la fois et qui culmine avec cette « Fantasia » riche et complexe.

L’enregistrement a eu lieu au Musée d’Unterlinden, à Colmar dans l’ouest de la France. Les fenêtres étaient ouvertes et, pendant que la musicienne jouait, on entendait sans cesse le chant des oiseaux que les micros ont captés et qui ajoute à la magie de la musique. (Disque Naïve).

Parce qu’il entreprend une tournée mondiale au Festival international de jazz de Montréal, je me suis mis à réécouter les disques de Leonard Cohen, le grand poète et musicien montréalais. À lui seul The Songs of Leonard Cohen  vaut son pesant d’or et compte parmi les plus grands disques de la chanson nord américaine : Suzanne, So Long Marianne, Sisters of Mercy sont autant de chefs-d’œuvre inoubliables.

...et lecture
Ah oui, j’allais oublier beau recueil de poésie du sieur Cohen qui vient de sortir aux éditions de l’Hexagone et qui porte un titre magnifique : Le Livre du constant désir. Le bouquin a été traduit avec grand art par le poète et metteur en scène Michel Garneau.

Le constant désir comme dans ce poème dédié à une Sandy qui a vécu de 1945 à 1998 et qui s’intitule À mille baisers de profondeur dont voici un extrait :

Je t’aimais quand tu t’ouvrais
Comme un lys sous la chaleur
Je suis juste un autre bonhomme
De neige dans la fondante et la pluie
Qui t’aimée de tout son amour gelé
Tout son corps de seconde main
Tout ce qu’il a été
À mille baisers de profondeur


En conclusion
Trois photos à vous proposer. Les deux première ont été prises le vendredi 13… juin, dans les îles de Kamouraska, en kayak de mer. Nous y retournerons pour y célébrer le solstice d’été…





La seconde, chez nous à Saint-Adolphe, le matin du 18 juin après les fortes pluies de la nuit. Notre ruisseau transformé en torrent...


Bonne semaine!

Gilles Chaumel
Le lundi 23 juin 2008.

lundi 2 juin 2008

L’aigle



L'aigle royal.
Photo : Yvon Troupin

Si vous êtes auditeurs de Première heure, l’émission matinale de la première chaîne de Radio-Canada à Québec, vous avez sans doute entendu parler de ce concours d’ornithologie où l’on doit raconter une observation qui nous a particulièrement marquée. Voici la mienne, en guise de chronique du lundi.

Alors voilà. Il y a quelques années déjà (mais c'est comme si c'était hier tellement la séquence est restée marquée dans ma mémoire), ma Loulou et moi avions planifié un séjour à l'Île-Verte, dans le Bas-Saint-Laurent. C’était en mai. Ce vendredi matin-là attendait que nous soyons arrivés au village de l’Île-Verte pour secouer sa gangue de nuages.

Après quelques achats (on n’allait quand même pas partir sur l’Île sans homards ni vin quand même...), nous voici au quai, qui est aussi un lieu d’observation de choix pour les ornithologues assidus que nous étions alors. Nous sortons donc nos jumelles et installons notre lunette d’approche sur la batture, à la recherche de canards et autres oiseaux marins plus rares que les goélands et les eiders à duvet.

Déjà, pas très loin un grand héron, nous faisait rigoler à tenter d’avaler un poisson de bonne taille... sur la largeur. Il fallait voir le gosier distendu du pauvre animal, comme si on lui avait entré un bâton de travers dans la gorge. Nous étions certains qu'il s'étoufferait. Mais ces bêtes là, c'est fait fort et, au bout d'un quinzaine de minutes, la proie était avalée.

Il n'était pas seul le grand héron sur les berges, plusieurs de ses congénères pêchaient et volaient dans les alentours. Comme celui-ci qui arrivait droit sur nous, à très basse altitude. Vers nous? Mais c'est farouche ces oiseaux là. Ça ne vole pas vers les gens! Plus il approchait, plus il était évident qu'il ne s'agissait pas du tout d'un héron.

« Loulou, dis-je soudain, un peu énervé mais gardant l'œil rivé à la lunette. Loulou, ce n'est pas un héron qui s'en vient, c'est, c’est… un aigle!

L'immense oiseau volait à quelques mètres à peine du sol, d'un vol lent et majestueux, comme s'il était seul au monde et « fonçait » droit sur nous! Il était tout à coup si proche que la lunette devenait inutile, et même les jumelles, soudain, ne servaient à rien. Il arrivait! Il est passé juste au-dessus de nos têtes, si près que nous avons entendu distinctement le shwoosh puissant de ses ailes qui battaient régulièrement l'air. Une bête immense, sombre, magnifique, divine. Un aigle royal dont nous avons pu admirer, en détail et à l'œil nu, le moirage du plumage qui fait croire qu'au noir de ses plumes brille l'or de ses taches.

Et il a poursuivi sa route, glissant doucement dans le ciel, nous laissant totalement médusés. Une apparition que nous évoquons encore aujourd'hui avec émotion.

Le chant des oiseaux

Pendant des années, le grand violoncelliste catalan Pau Casals, jouait en rappel lors de ses récitals, une adaptation d’une musique traditionnelle de chez lui intitulée Le chant des oiseaux (el cant dels ocells). Cette œuvre empreinte de douceur et de tristesse, Casals l’interprétait en signe de dénonciation du fascisme qui a longtemps gangrené son pays, l’Espagne. Il la jouait comme une invitation à se souvenir des affres des dictatures fascistes, de toutes les dictatures. On peut l’entendre sur cette page Web dans l’intimité de sa maison où en musique de fond à l’occasion d’un émouvant discours qu’il a prononcé à l’ONU en 1994.

Le combat ordinaire

Houlà, y en n’aura pas de facile pour d’aucuns. Comme mon fils cadet qui vient de casser ménage avec sa blonde et qui est tout chagrin. Sa mère, ses amis et moi, on le ramasse à tour de rôle lorsqu’à tout moment, un coup de déprime le frappe. À 26 ans, comme à n’importe quel âge d’ailleurs, rien n’est perdu sauf un amour et des rêves de bonheur et de vie commune qui s’estompent douloureusement, temporairement. Heureusement, tout n’est pas noir. Ses notes académiques volent très haut dans le ciel universitaire, il a un bon travail de guide au musée des Ursulines, un travail qui convient parfaitement à l’historien qu’il est en voie de devenir.

Bref, c’est le mythe de Sisyphe qui se perpétue. Roule ta pierre mon homme ou cent fois sur le métier, remets ton ouvrage bonhomme. Et ce n’est pas parce que c’est lancé sous forme de boutade que c’est plus drôle pour autant.

Bon, ce chapitre s’intitule Le combat ordinaire, non seulement à cause des histoires de vie de mon fils qui pourraient aussi être celles de bien d’autres et parfois des plus tristes encore, mais à cause d’une bande dessinée qui porte ce titre. Peut-être même que je vous en ai déjà causé. Cette semaine est paru le quatrième et dernier tome de ce roman (ça fait plus sérieux pour certains) illustré, une œuvre émouvante, poignante même, à bien des égards. Il s’agit de la vie un peu tourmentée d’un photographe et ce ceux qui l’entourent. C’est ce que j’ai lu de mieux dans le genre depuis, depuis… mon premier Astérix à l’âge de 7 ans. Voilà. Et si vous êtes gentils je peux vous prêter la série à condition que vous en complétiez la lecture en une semaine. Je ne saurais m’en séparer plus longtemps.

Ti-vieux 101
Cette semaine, avec ma Loulou, j’ai suivi mon cours de ti-vieux 101 ou comment devenir un ti-vieux responsable et heureux à la retraite. Bien foutu ce cours. T’apprends tout ce qu’il faut pour ne pas laisser tes proches dans la merde par ton inconscience, que ce soit en matière testamentaire, financière et tutti quanti. T’apprends même qu’à ta retraite, si t’as des goûts diversifiés et des désirs multiples, tu ne vas pas t’ennuyer et tu vas même faire des jaloux parmi tes ex-collègues toujours travailleurs. Même qu’avec la pénurie d’emplois annoncée, tu pourras continuer à travailleur un ti peu si tu veux, mais quand tu le voudras et comme tu le voudras.

Le paradis quoi! Le paradis avant la fin de vos jours. Pour un athée comme moi, c’est parfait. N’empêche, ce que tu retiens au bout du compte, c’est que t’en as un bon bout de fait et qu’il te reste à te préparer à mourir. Fait chier.

Pour être dans le ton, même la chronique de Foglia de ce week-end s’y met. Ti-vieux, ‘stie!

Quand même, à la fin du cours, j’ai lu à la demande de la gentille organisatrice ce texte d’un dénommée Jacques Brel :

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir
et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns.

Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer
et d’oublier ce qu’il faut oublier.

Je vous souhaite des passions.

Je vous souhaite des silences.

Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil
et des rires d’enfants.

Je vous souhaite de résister à l’enlisement,
à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque.

Je vous souhaite surtout d’être vous.

Amen.


Gilles Chaumel

Le lundi 2 juin 2008

P.S. Les geais bleus sont revenus en force après quasiment six mois de désertion. J’en compte une douzaine au moins dans les arbres entourant les mangeoires de la maison. Les roselins au chant magnifique sont aussi revenus, tout comme les chardonnerets jaune vif qui ont remplacé les sizerins flammés. Les colibris sont aussi au rendez-vous et les pics sont toujours là au grand plaisir de Gédéon pour ça semble être les oiseaux préférés.

P.P.S. Musique. Il s’appelle K (non, pas comme Kafka, il est Suisse mon K) et il chante. Il n’a pas 30 ans mais déjà, il a quelque chose à dire. Son album, L’amour dans la rue, est plein d’amour justement, et de tendresse aussi (Je suis bien, Zazi, L’amour dans la rue). Un disque comme un acte de foi en l’humanité mais non sans en dénoncer les abus (Les nantis, La cendre). Guitare sèche, piano, une rythmique parfois folle souvent douce, de la belle et bonne chanson qu’on réécoute à satiété.