dimanche 26 février 2012

Il pluie du bleu



Le diable et sa victime, Robert De Niro et Mickey Rourke


Viens d’écouter, pour une troisième fois, « Angel Heart », ce film géant où le diable est roi, le Voodoo omniprésent tout comme le sang. C’est sûrement à cause de ce film hors norme que Mickey Rourke, le « héros », a viré sur le top pour une longue période de sa vie. Pour de vrai. Il est revenu, il y quelques années, totalement transformé, en monstre physique pour obtenir un oscar d’interprétation, dans le film « Le Lutteur ».
Parce que ce film, « Angel Heart », est une véritable descente aux enfers, et ce n’est même pas un pénible jeu de mots. C’est la vérité, et toute crue encore, avec du blues, des poulets, de la pluie et des incantations à rendre fou le plus saint des héros, surtout quand le diable est joué par nul autre que Robert De Niro et que la prêtresse Voodoo, s’appelle Lisa Bonet. Fiévreuse qu’elle est, rien de moins et tout en plus.
Partie au cœur de Brooklyn et de Harlem, l’action se déroule principalement en Louisiane et à la Nouvelle-Orléans dont les images sont inouïes autant que la violence qui y couve.
Ray Bonneville
Et c’est ici qu’on arrive au titre de cette chronique, cette phrase merveilleuse prononcée par un musicien né ici, qui a fait le tour de l’Amérique du Nord, avant de s’installer à Austin Texas. C’était vendredi soir, à la maison de la culture de Donnacona, il y avait sur scène cet homme seul avec une seule guitare et une ribambelle d’harmonicas qui a passé la soirée à nous chanter des blues et des folk songs de son cru, énergiques syncopés comme lui seul en a le secret, à nous raconter des histoires de gens et de lieux qu’il a connus. Je parle de Ray Bonneville, auteur compositeur interprète né à Hull (aujourd’hui Gatineau, tout comme Daniel Lanois), qui a pratiqué 36 métiers, dont celui de pilote de brousse avant de choisir celui de musicien solo. Un vrai baroudeur qui a quitté le Québec en 1962 (c’est ce qu’il a dit) pour Boston et tant d’endroits par la suite qu’il ne les compte plus. Reste qu’il affrime avoir repris son français à Paris avant de revenir s’installer à Montréal au milieu des années 1980.
Quelle soirée étonnante! En ce soir de tempête, nous nous sommes retrouvés, ma Loulou et moi, à l’avant-scène d’une petite salle d’une centaine de place devant de musicien chaleureux qui a été accueilli comme un ami qu’on invite dans son salon. C’est exactement l’impression que nous avions, Loulou et moi, d’avoir invité le bon Ray chez nous, impression partagée par toute l’assemblée qui n’a pas hésité pas à discuter avec le musicien durant le concert et plus particulièrement à l’entracte. Au début du seconde set il a eu ce mot : « vous êtes très gentils, je me sens bien ici ». Et notre homme d’y aller de ses plus belles mélodies pour nous faire plaisir, nous qui le lui rendions bien. Ainsi, on a entendu plusieurs extraits de son dernier album intitulé Bad Man’s Blood, dont les belles Blonde of Mine, Mississippi et River John, en hommage à l’ami et à sa famille qui l’ont accueilli à son arrivée à Boston il y a quelques décennies.
Nous avons passé la soirée le sourire aux lèvres, épatés par le "picking" unique de Ray Bonneville et de son jeu virtuose à l'harmonica. Fascinés aussi par cette langue qu'il continue de réapprendre d'où cette "pluie de bleu" pour désigner l'éclairage bleuté dont l'inondait le sonorisateur. Une fichu de eau moment de vie!

Brillante leçon d'histoire du Québec en chansons


Raconter différentes facettes de l'histoire du Québec en 11 chansons folk comme vient de le faire Alexandre Belliard était inespéré en ces temps de désintéressement de notre identité collective. Ce disque remet non seulement les Québécois en lien avec leur passé, mais il le fait d'une manière passionnante en nous rappelant quelques-uns des événements qui ont contribué à notre affirmation en tant que peuple : les exploits d'un Pierre Le Moyne d'Iberville, le caractère d'une Marie Rollet, la grande paix de Montréal de 1701, l'asservissement des populations amérindiennes, la  prise de parole d'un Québec rapaillé. Les Louis Fréchette, François Xavier Garneau, René Lévesque et autres Louis-Joseph sont mis à contribution tout au long de ces histoires fort racontées simplement et sans emphases mais conviction, soutenues pour la plupart par la seul guitare et, de temps à autres, un violon ou quelque instrument rythmique. Inespéré, dis-je. Ah oui, ça s'intitule "Légendes d'un peuple, Tome 1". Le prochain tome paraîtra à l'automne et portera sur les francophone de toute l'Amérique.

Carolina Chocolate Drops


J'ai déjà parlé de ce fascinant "String Band" de la Caroline du Nord qui mixte joyeusement folk, blues, bluegrass, swing jazz du début du siècle dernier avec la signature unique de la négritude. Que ce soit des chants traditionnels ou des compositions, ils en offrent des lectures habituellement acérées, vives et dansantes qui ne sont jamais aussi bien portées que lorsqu'elles sont "poussées" par la voix puissante et chaude de la chanteuse Rhiannon Giddens. 

Sur ce nouvel opus intitulé Leavin Eden, on a droit cependant à quelques ballades saisissantes, dont la pièce titre et la dernière, Pretty Bird chantée a capella. Plus on écoute, plus on en redemande. C'est une drogue bienfaisante!!






mardi 14 février 2012

Au paradis avec toi... encore et toujours


En cette veille de Saint-Valentin, Loulou et moi avons soupé aux Délices d’Arianna, à la même table que je lui déclarais mon amour, il y a un peu plus de 18 ans. À l’époque le resto s’appelait Mon manège à toi. Du manège on est passé amoureusement au ménage et on ne s’est plus jamais quitté, mêlant étroitement nos vies personnelles et professionnelles, sans un seul instant de lassitude. On se regardait hier soir et on n’en revenait pas. Tout est allé si incroyablement vite. Comme si le bonheur effaçait le temps.

C’est pourquoi, ce paragraphe que je lui écrivais en 1996, je pourrais encore l’écrire aujourd’hui :

Au paradis avec toi

C’est de même depuis le premier jour. Je suis fou de toi, je t’aime et je t’admire tellement que j’en ai mal rien que d’y penser, que ça me réveille la nuit. Sauf que je ne sais plus de quand ça date, le premier jour. Pour moi, c’est comme ça depuis toujours. Je sais bien que j’ai l’air de me répéter, comme ça, mais ça me fait tellement de bien. J’écris que je t’aime et je deviens tout chose, remué jusqu’au tréfonds de mon âme, au cœur de mon corps.

Ma Loulou, ma douce, mon amour, tu m’as tissé, créé, animé et je demeure vivant par toi. Merci pour la vie!

vendredi 3 février 2012

Le paradis, ça se gagne!

Du coeur du sentier des Falaises, on aperçoit la chute Delaney,
juste en face. Une fois en haut, la vue est fantastique. Ce sera pour une autre fois!

Beau jeudi, mi-ensoleillé, mi-neigeux, pas trop chaud mais pas froid non plus. En face de Neuville, les glaces dérivent paresseusement vers l’ouest, poussées uniquement par la marée descendante. Le vent, pour une fois, est allé souffler ailleurs. « Tiens, me dis-je à moi-même (n’ayons pas peur des pléonasmes), depuis le temps que je m’en convainc, c’est aujourd’hui que je vais faire de la raquette à la vallée du Bras-du-Nord.

Hein? Mais pourquoi faire 50 km, dont une dizaine sur une route toute de glace pavée, alors que tu peux prendre le bord de n’importe quel champ et, qui sait, y voir un autour des palombe ou une chouette rayée? Réponse, parce que dans les champs portneuvois, il n’y a pas de sentier des falaises qui grimpe comme dans la face d’un singe sur plus de trois km au cœur du paradis terrestre. Point, à la ligne.

Je me suis d’abord rendu compte, que la vallée est plus loin l’hiver que l’été. Sur la dernière portion de route, celle pavée de glace et dont la vitesse maximale est indiquée à 80 km/h, on roule 60 km heure au lieu de 100 comme on le fait l’été. Et quand on rencontre quelques camions-remorque, chargées de pitounes ou de bois en longueur, qui n’ont cure de la glace, on devient tout à coup assez poli dans sa conduite. Mais comme on est relaxe, pas pressé par le temps, et que la nature est de plus en plus sauvage et majestueuse, on s’en tape pas mal des vans…

Le beau chalet de l'accueil Shanahan.

Bon, une fois arrivée à l’accueil Shanahan, il n’y a personne. Le beau chalet est fermé la semaine et on a mis un tronc indiquant aux clients d’y déposer leur obole : 7 $ la rando. Comme il n’y avait pas de système de carte de débit, je dois 7$ à la Vallée (t’as noté Frédéric?!!)

Me voilà donc au paradis des arbres chargés de neige, au cœur de ce fjord où gèle le Bras-du-Nord de la rivière Sainte-Anne. De chaque côté, la montagne qui nous invite au dépassement. Comme il est déjà 13h10, je ne me dépasserai pas, n’ayant pas le temps de grimper jusqu’en haut le sentier des Falaises pour jouir de panorama magnifique qu’offre, en face la chute Delaney et la mer de montagnes où elle prend sa source. N’empêche, j’ai les raquettes au pied et m’apprête à grimper les deux premiers km et demi les plus pentus que je connaisse. Une fois l’effort consenti, ce sera un plaisir de redescendre.

Tiens, voilà deux autres clients qui arrivent. « Vous allez où, coté chute ou côté cap? »

« - On s’en va coucher au refuge du sentiers des Falaises? C’est la première qu’on vient ici, » m’explique le jeune homme dont la compagne fourrage dans l’auto à la recherche de son matériel.

« - Alors vous prendrez tout l’après-midi pour y arriver. Vous verrez, ça grimpe pour vrai. Il y a six km jusqu’au refuge, mais faites-le comme si vous en aviez 10…»

À voir leur sourire gentil et bienveillant, je me rends bien compte que, s’ils me reconnaissent quelque expérience des lieux, eux sont jeunes…

Ne vous y trompez pas. Nous sommes ici au bas de la montagne...

Alors je pars et, contrairement à ce que je croyais, c’est encore plus difficile que l’été! Les raquettes à crampons et les bâtons sont absolument nécessaires dans l’épaisse neige et la pente, si abrupte à certains endroits, nous entrainerait irrémédiablement vers le bas sans crampons. Mais, au cœur de ce silence, sous cette neige douce qui tombe sur les arbres déjà chargés, je sues des bouffées de sérénité et de bien être bien plus que de sueur. Enfin, presque… En fait, c’est l’exaltation qui m’envahit. Je grimpe, prend quelques photos avec mon téléphone pas trop intelligent et redescend après avoir atteint le premier plateau. Ça me fera six ou sept km et ça me suffit.

Je rencontre mes deux loustics au milieu de mon chemin de retour. Bordel, vont-ils passer tout la semaine au Refuge? Z’ont deux sacs à dos de 60 litres minimun, plein à ras bord, des bidules, sacs de couchage et autres cossins, attachés à toues les sangles qui tiennent les dits sacs.

« - Ouf, me dit le jeune homme, t’avais drôlement raison, ça grimpe en tab… » Et sa douce de rajouter : me semblait que c’était plus facile en hiver?

Et elle a eu cette parole sage : « Bah, on met un pied un après l’autre, sans attente, jusqu’à ce qu’on arrive… »

Et moi de conclure : « le paradis. Ça se gagne, vous ne serez pas déçu, d’autant plus qu’on annonce un dégagement pour la nuit et que vous aurez droit à un coucher de soleil unique! »

Rêve de mort

Alors voilà, cette nuit j’ai été un condamné à mort (peut-être avais-je attenté à la vie d’un premier ministre canadien qui avait passé une loi rétablissant la peine de mort) amené par son geôlier dans un resto-bar. Là, il y avait un bar à nourriture, viande, fruits et légumes. Le maton me dit : « c’est ici. » Autour il y avait des clients, convives dont certains me semblaient familiers. Mais pas de potence, ni chaise électrique. Seulement un drap noir derrière le comptoir et de la même largeur que le dit comptoir…

« - On va derrière le comptoir, tu te couches dans l’espace, réservé à cette sous le comptoir. Deux secondes et tout es fini. Tu ne sentiras rien. »

« - Oui, mais pourquoi ici? »

« - D’où penses-tu que vient cette viande sur le comptoir, » répond-t-il?

Alors, je fais comme il demande et, l’instant d’après je suis mort. Je n’ai plus de corps mais encore toute ma conscience. Et je vois des gens se présenter pour goûter aux nouveaux plats soudainement arrivés sur le comptoir…

Il y a là de drôles de clients et je me sens de moins en moins « là » au fur et à mesure qu’ils se servent. Mais j’ai quand même le temps, avant de disparaître, de voir Duke Ellington se pointer et discuter avec… John Coltrane et la pianiste Geri Allen. Deux morts et une vivante me dis-je et j’essaie de crier que c’est impossible. Trop tard, je meurs.

C’est ma douce qui me réveille en ouvrant les volets de la chambre pour laisser entre le soleil qui vient de se lever au-dessus du Saint-Laurent…

« - Bonne journée mon amour! », chante-t-elle…

Musique

Maux arts…

Mozart m’emmerde souvent, même dans ses quatuors à cordes. Sauf la série de six qu’il a dédié à son maître dans le genre, Joseph Haydn. Ces œuvres ont souvent été enregistrées et par les plus grands ensembles. Mais voici que les petits jeunes du quatuor Ébène, s’y sont mis à leur tour et avec panache, c’est le moins que l’on puisse dire. Intitulé « Dissonances », à cause de l’étrange intro du quatuor en ut K. 465, l’album réunit également le sombre quatuor en ré mineur K. 421 et un divertimento (k. 138), que le petit Wolfie a composé à 15 ans au moment, il commençait à jouer dans les bobettes de sa cousine Maria-Anna.

Quoiqu’il en soit, il s’agit, dans les trois cas, d’œuvres magnifiques portées à leur paroxysme par un ensemble passionné, qui joue avec une ferveur et une unité rares. La qualité de l’enregistrement me semble parfaite, permettant d’entendre les plus infinis détails de chaque voix. Si vous n’êtes pas familier avec le genre, cet album est une belle entrée en matière. On a droit, là, à une musique faite pour les musiciens, pour leur permettre d’échanger entre eux avec le plus grand plaisir et pour notre plus grand bonheur. En ce qui me concerne, ça fonctionne totalement!!! À vous de vous faire une idée!!!

Leonard…

Qu’ajouter à tout ce qui a été dit et écrit sur ces vieilles idées si uniques? « Old Ideas » est un album de poésie typiquement cohenienne, sombre, angoissée et pessimiste mais aussi inspirée par une profonde spiritualité et un épicurisme sans compromis. C’est dit ou chanté avec une désinvolture et une simplicité qui ne peut que faire des adeptes. J’ai adoré « Lullaby » pour son côté country-folk saisissant et « Crazy to Love You » parce que Cohen la chante accompagné de sa seule guitare, ce qui ne s’était pas produit depuis quelques décennies. Mais le plus belle, la plus importante des chansons de ce grand disque demeure « Amen », pas parce qu’elle est de loin la plus longue, mais parce qu’elle parle de l’époque de vengeance cheap qui est de plus la nôtre, incarnée par les Harpeur et Boismenu de ce monde. Bref, de la chanson comme il s’en fait peu…

Julie…

Lors de précédant ouvrage, « Now What », la pianiste de jazz Julie Lamontagne avait invité l’excellent saxo ténor Don McCaslin à joindre son trio. Le résultat en a fait le meilleur album de jazz québécois de 2009. Et alors, que penser d’Opus Jazz, ce nouvel album tout en solo et réunissant sous un même chapeau des relectures d’œuvres de Fauré, Bach, Chopin, Debussy, Ravel, Brahms ou Rachmaninoff? Tout le bien possible si on aime la tendresse et la délicatesse mêlées à la science de l’improvisation. Un album pour faire rêver en douceur.

…et Suzie

Suzie Vinnick est une sorte de Big Mama Thornton blanche qui chante le blues avec intensité à cette différence près qu’elle est aussi une merveilleuse guitariste acoustique, une véritable virtuose de la six cordes. Avec Me ‘N Mabel, son troisième album, la dame a mérité le titre de chanteuse de l’année lors de l’édition 2011 du Canadian Folk music Awards.