vendredi 23 mars 2012

Cré Sam qui nous emmène au bout du monde!


Bon. Je suis en train de relire Arvida, de Samuel Archibald, le recueil de nouvelles qui fait qu'à le lire, on est chez soi comme nulle part ailleurs. En tout cas, c'est l'effet que ça me fait. Je lis Archibald et c'est moi qui écris les mots. Ils viennent de ma tête. Les lieux dont il parle sont aussi les miens et les personnages qu'il invente, je crois les reconnaître. Si je savais écrire, j'écrirais comme ça, j'écrirais ça, je pense. J'aimerais en tout cas.

Il écrit, dans la nouvelle intitulée Antigonish... " J'aurais dû dire : l'Amérique est une mauvaise idée qui a fait beaucoup de chemins. Une idée qui a produit des routes interminables qui ne mènent nulle part, des routes coulées en asphalte ou tapées sur la terre, dessinées avec du gravier et du sable, et tu peux rouler dessus pendant des heures pour trouver à l'autre bout à peu près rien, un tas de bois, de tôle, de briques, et un vieux bonhomme planté debout en travers du chemin qui te demande :

"- Veux-tu ben me dire qu'est-ce que tu viens faire par icitte? "


Ben, c'est à moi qu'il cause le bonhomme. C'est moi qui est au bout de cette route, dans mon char avec ma douce Loulou, à ne pas me demander ce que je fais là, mais avec un plaisir infini d'y être.

" L'Amérique est pleine de routes perdues et d'endroits qui ne veulent pas vraiment qu'on s'y rendent. "

Ben, je les prends pareil, moi ces routes. Je ne peux m'empêcher d'être aux anges, loin sur la 138, au delà de Franquelin, au delà de Sept-îles, au delà d'Aguanish, même, jusqu'au bout de Pointe-Parent. J'adore aller en Bibitibi, comme dit mon petit-fils Loïk, par le Lac-Saint-Jean, la réserve d'Ashuapmushuan, Chibougamau, virer à gauche vers Senneterre en passant devant le village cri de Waswanipi, Miquelon et Desmaraisville ...





Avec ma douce, on part, kayaks sur le toit, et on roule dans l'univers de Sam Archibald, parce que c'est chez nous et partout ailleurs dans l'univers. Et comme lui, bientôt, on prendra le chemin de la Cabot Trail pour aller s'y faire venter et qui sait, s'y noyer. En chemins, on écoutera Richard Desjardins, Richard Séguin, Florent Vollant, mais aussi tous les autres chantres qui ont hanté l'Amérique, les Bob Dylan, Neil Young, Lucinda Williams ou, comme je le fais en ce moment, Guy Clark.
En fait, je n'écoute pas Guy Clark, j'écoute l'hommage que lui rendent une trentaine de grands chanteurs du Sud, les Emmylou Harris, John Prine, Steve Earle, Shawn Colvin et autres James McMurtry. Ce sera l'album de notre printemps et de notre été, certain. Il y a trop d'amour, de tendresse, de compassion et de respect dans ces chansons, pour qu'on ne les fasse pas durer longtemps!!! Tiens, écoutez donc cette Cold Dog Soup ou ce Homeless qui laissent songeurs...

C'est un beau vendredi, j'écris devant la fenêtre qui donne sur le fleuve et je "vois" le vent fripper les eaux sous les rayons d'un soleil ardent... Beau moment de vie!

Bon, quand est-ce qu'on part?

jeudi 22 mars 2012

Un dimanche de mars à la campagne


Du kayak dimanche, à Neuville, sur un fleuve étale où ne subsistaient que quelques blocs de glace épars sous le soleil. Partout, sur l’eau et dans les airs, des bernaches hantent les lieux dans un piaillement incessant. En cette fin de journée, tout concourt à l’harmonie et à une sorte d’euphorie qui me gagne lentement malgré le départ de ma douce pour Iqaluit, au Nunavut. Ma Loulou sera partie toute la semaine durant et, après un court week-end, elle s’envolera de nouveau vers la Baie-James pour 10 jours. Heureusement, le bonheur a caressé notre dernière journée. Maëllie et ses parents sont venus déjeuner avec nous.

Il était 10h, la brume venait à peine de se lever quand ils sont arrivés, mon fils Jean-Philippe, sa belle Marie-Pier et Maëllie, ma petite-fille si gentille, celle qui a inventé la bonne humeur et le plaisir de vous voir. Et elle était en pleine forme, la Maëllie. Ça faisait à peine deux minutes qu’elle était entrée que déjà elle courait partout, riant piaillant, au grand déplaisir du chat Max qui, jaloux comme un pou, ne cessait de sauter autour de la petite, faisant mine de vouloir la chasser.

« - Bon, c’est les menaces, Max, allez au sous-sol pendant que nous, on déjeune! » Il ne s’est objecté, le noiraud, il adore cette cave, lieu de toutes ses découvertes…




Des crêpes aux pommes et au sirop d’érable, qu’elle a préparé, ma douce. Il y en a des tas! Et aussi des croissants et des chocolatines, des confitures et des fruits que Maëllie mange sans fin, le sourire aux lèvres et le jus au menton. Ça sent bon le bien-être et le plaisir d’être ensemble. Pour digérer le tout, on sort au soleil et on travers la 138 pour se mettre les pieds dans la neige, juste au bord du fleuve. C’est à ce moment que germe en moi l’idée de sortir en kayak.


La veillée des veillées

Mais pour l’instant, nous profitons du plaisir d’être ensemble. Je raconte alors ma soirée de la veille où je suis allé voir et entendre mon fils cadet Nicolas donner son spectacle annuel de la Saint-Patrick au Bal-du-Lézard, à Limoilou. Encore une fois en compagnie de ses amis, Audrey (voix et flûtes), Stéphane (accordéon), Alex (batterie) et Fred (voix), Nico y est allé de sa plus belle énergie à nous pousser les plus beaux airs trad irlandais. Voix puissante, guitare au diapason, le fils en a envoûté plus d’un dans une salle bondée qui ne demandait qu’à taper du pied.

L’apothéose est survenue lorsque la chorale de Limoilou est venue s’entasser sur scène et que Fred et Nico ont enchainé, tour de rôle, les chansons les plus syncopées et énergiques de leur répertoire, appuyés par les sept ou huit voix et les 14 ou 16 pieds du chœur. Le délire dans la salle que la belle Audrey avait réchauffée tout au long du concert en rappelant à tous qu’il était tout à fait permis de se saouler à la Saint-Patrick!!!

Loulou au Nord!
Après une séance de photos dans la neige avec Maëllie en vedette, la famille est repartie et Loulou a terminé ses bagages. Une semaine à des températures oscillant entre -16 et -40 demande une certaine logistique… et un courage certain en ce qui me concerne. Même qu’aux heures libres que lui laissera le congrès sur le tourisme nordique, ma douce a l’ intention d’aller courir!

« - Dehors? », que je lui demande incrédule.
« - On verra, » qu’elle me répond.

C’était tout. Lorsqu’elle m’a appelé, ce lundi après-midi, il faisait au moins – 40 et la petite marche qu’elle avait faite dans la ville l’avait laissé totalement transie.

« - Finalement, je vais aller dans le gymnase, » a-t-elle conclue, débonnaire.

J’ai hâte de voir comment se passera le reste de la semaine. Surtout qu’elle est là en pays de connaissance, elle, qui dans sa jeunesse y a vécu quelque cinq ans et en est revenu avec sa Rosemarie nouvellement née… Émotions en perspectives.

Pendant ce temps, outre quelques reportages que je vais pour le compte du ministère du Tourisme comme journaliste pigiste, je vais au concert. Celui d’hier soir, qui amenait sur la scène du Grand Théâtre de Québec, un des plus grands poètes du piano classique, Murray Perahia, fut des plus transcendants. Au programme, Bach, Beethoven, Brahms, Schubert et Chopin, la quintessence du piano romantique (sauf Bach, ben sûr) joués avec une délicatesse que les jeunes excités de la performance de la nouvelle génération ont totalement occultée. Il y avait du divin dans cette célébration, foi d’athée!

De retour à la maison, vers les 11h, je suis sorti de l’auto au cœur d’une brume épaisse qui ne permettait pas de voir à plus de 100 mètres. Mais c’était une brume vivante, pleine des bruits de la nuit. Aux cris multiples et ahurissants des bernaches inquiètes d’une telle gangue nuageuse, répondaient le croassement du corbeau et le chant flûté du merle, étonnés qu’on ne les laisse pas dormir à cette heure indue. C’était un peu  beaucoup magique comme univers, et plus je m’approchais du fleuve plus le bruit devenait assourdissant. Faut dire que cet animal de bernache n’émet pas moins de 13 cris différents pour communiquer avec ses semblables. En cela, il est le plus loquace des animaux… avec l’humain.

Après les sonates de Perahia, j’ai eu droit à la symphonie des oiseaux. Quelle soirée!!

Musique
Je suis tout à fait sous le charme de deux albums que je viens de découvrir, des albums de musiques douces et tellement rares. Pas rare au point qu’on ne les connaisse pas mais rares au point de ne jamais avoir entendues ces musiques interprétées avec autant de délicatesse et de pureté.

Le premier s’appelle « If Grief Could Wait » et propose des musiques d’Henry Purcell et du 17e siècle anglais. Mais attention, on trouve aussi dans ce programme des chansons de Leonard Cohen et de Nick Drake. Les chansons, qu’elles soient anciennes ou modernes, sont interprétées par une Susanna Wallumrod (avec une barre sur le o qui trahit son orignie norvégienne) à la voix pure comme du cristal, une chanteuse « pop » (si pas pop, pas classique en tout cas, pas soprano, ni rien de ça). Une voix aussi naturelle que possible.

Elle est accompagnée de la harpe baroque d’une remarquable musicienne suisse qui s’appelle Giovanna Pessi. C’est elle qui signe tous les arrangements qui nous mettant aussi en vedette une viole de gambe et une nickelharpe ancienne. Entendre « Who By Fire » de Cohen dans cet esprit est tout à fait saisissant, tout autant que de découvrir le célèbre et touchant « Music for a While » de Purcell chanté avec autant de simplicité, voire d’indolence. Tout, dans cet album, absolument tout est d’une ineffable délicatesse. (Disque ECM à la sonorité remarquable).



Le second disque met en vedette une harpe moderne, ou plutôt un musicien  d’une incroyable expressivité, Xavier De Maistre. L’album, initulé très justement « Nuits d’étoiles » prpose un récital de musique de Monsieur Croche, Claude Debussy, dont la musique pour piano se prêtre drôlement bien à la transcription pour harpe. On reste dans le même univers impressionniste avec une aura de magie et de délicatesse décuplées. De Maistre, qui accompagnait la soprano Diana Damrau lors de son passage au Club musical de Québec, avait fait si grande impression sur les auditeurs que mon ami Denis (Sillons le disquaire), qui vendait des disques dans le foyer, s’est fait solliciter pour des albums du jeune homme plus que de la vedette…

Bref, si l’onirisme vous sied, lancez-vous. C’est d’une splendeur!!  

lundi 12 mars 2012

Printemps Saint-Laurent…


Le calme plat à Neuville sur le fleuve...

Mon Saint-Laurent, à la hauteur de Neuville, se porte très bien ces jours-ci. Inondé de soleil en ce si beau dimanche, il venait tout juste d’entreprendre son virage baissant, charriant allègrement et dans un ordre impeccable les blocs de glace épars, lorsque je me suis pointé sur sa rive en milieu d’après-midi. C’est là que j’ai vu ma première bernache, calmement installée près de la rive, sur l’onde étale qu’aucune once de vent ne venait perturber. Ça sent le printemps. D'autant plus que les carouges ont commencé à faire entendre leur sifflement strident, que les quiscales et les merles sont aussi de la partie. Et c'est très bien comme ça...


 Les pieds dans la neige fondante, je me disais que j’aurais été bien mieux dans mon « wet suit » à faire glisser mon kayak jusqu’à l’eau. Mais bon, la veille ayant été un peu trop prodigue en bon vin, je me sentais vraiment plus contemplatif qu’actif. Je me suis donc assis sur le coin d’une table de pique-nique qui dépassait du banc de neige pour reprendre la lecture de ce splendide roman d’atmosphère qui s’intitule L’Île aux chasseurs d’oiseaux et dont l’action se situe dans les Hébrides, ces îles sauvages du nord-est de l’écorce où l’on se chauffe encore à la tourbe et où le gaélique est toujours parlé. Bon, c’est un polar, mais c’est surtout la vie d’hier et d’aujourd’hui sur l’île de Lewis qui est racontée avec ses vents perpétuels, son monde de pêcheurs et d’artisans confronté aux rigueurs d’un climat rigoureux dans un paysage de pierre, un lieu où les sombres secrets du passé vont refaire surface pour le plus grand mal de tous. Ce Peter May, est un écrivain, un vrai. C’est le genre de livre dont on peut difficilement se retirer mais qu’on ne voudrait jamais avoir fini.

Bon, le soleil descend un peu, c’est le temps d’aller préparer le souper avec ma Loulou. Rosemarie et sa smala, Gédéon, Florent, Lionel et Célestine, vienne finir le week-end à la maison. Au programme, cinéma, souper, bain et retour à la maison, la leur, pour le dodo. On a bien rigolé, comme la veille ou l’autre fille de Loulou, Sophie est venue de Montréal avec son Pierre et le petit Loïk pour faire une sortie sur la glace. Super  bamboula de plaisir là encore.

Trentenaire

Et vous savez quoi? Nicolas, mon fils cadet, mon musicien, mon artiste, mon historien va voir 30 ans en avril. Glurp! Ça, ça vieillit un géniteur en tab… Mais bon, comme disait le sympathique Plume Latraverse du temps de sa jeunesse, faut s’assumer, pas s’assommer! Faudrait bien souligner l’événement d’une façon et d’une autre…

Sheila Jordan

La chanteuse de jazz Sheila Jordan a aujourd’hui 84 ans et elle chante toujours. La technique est toujours là et elle continue de donner des classes de maître, mais il faut avouer que la voix a pris un sérieux coup de vieux et est affligée d’un vibrato de … vieux, justement. Mais bon, voilà que la maison High Note, pour rendre hommage à la dame qui vient de recevoir une récompense quelconque (en fait,  le National Endowment for The Arts vient de lui remettre un Jazz Masters Award, pour l’ensemble de sa carrière), vient de sortir un disque live d’un concert qu’elle donnait en 1990 en compagnie de son inséparable contrebassiste, l’excellent Harvie Schwartz. Aucune mention du lieu, mais, putain, quelle musique!!! À 62 ans, la dame était dans une forme splendide et cet album intitulé tout simplement « Yesterdays », la montre dans toute sa modernité, son swing unique et perpétuel, capable d’étonnants scats (Lazy Afternoon) et d’un sympathique cabotinage (Fred Astaire Medley), de beaucoup d’intensité (The Very Thought of You) et d’une complicité de tous les instants avec le contrebassiste Schwartz qui est tout aussi inventif. Bref, ce disque est aussi bon que le mythique de 1977 qu’elle avait commis en compagnie d’Arild Andersen (Sheila, Steeplechase). Gâtez-vous!!!

La viole magique

Il y a bien des versions des trois sonates pour viole de gambe et clavecin de mon ami Jean-Sébastien Bach. Celle-ci met en vedette deux très jeunes interprètes, Arnaud de Pasquale au clavecin et la belle et brillante Lucile Boulanger à la viole, cet instrument magnifique à la voix grave et plus riche encore que celle du violoncelle. Le jeu de Boulanger est diablement expressif et les sonorités qu’elle tire de son instrument (copie d’une grande basse de viole allemande à sept cordes sont à la fois somptueuses et chaleureuses alors que le claveciniste se fait plutôt remarquer par les rythmes vivants qu’il imprime à la musique. Pour entendre et voir….

Bref un bien bel album, toujours soigneusement présenté chez Alpha avec des notes fouillées sur la musique, tant par les musiciens que par la musicologue Marie Demeilliez.