lundi 20 octobre 2008

Dieu a été parfait


Comme d’habitude, notre petit-fils Gédéon, celui que nous surnommons affectueusement Dieu, a été parfait ce week-end. Ça faisait quelque temps déjà qu’il réclamait de venir passer quelques jours en notre compagnie. Dès qu’on mettait le pied chez lui, il disait : « aujourd’hui, je vais chez Loulou et Gilles. » Ce n’était pas une question mais une affirmation. Trop souvent à mon goût nous l’avions déçu.

Donc, jeudi en fin de journée, nous nous sommes pointés chez lui, Loulou et moi, après avoir demandé à ses parents la permission de le kidnapper. Si vous aviez vu le sourire qu’il arborait lorsque nous sommes entrés… Nous sommes donc partis à la maison et tout au long du voyage, il n’a cessé de babiller, de nous interpeller, de rire de nos réponses saugrenues, des grimaces que je lui faisais. Après le souper, après le bain, après la séance de yoga-dodo et l’histoire qui a suivi, le petit s’est endormi en serrant fort Balouk, son gros huskie de peluche, après nous avoir longuement embrassés, Loulou et moi. L’était en état de bonheur, je crois, Dieu.

À la montagne!
Le lendemain matin, nous avions programmé une sortie dans la montagne du Cap-Tourmente. La nature, ça le branche, Ged, et la rando, il connaît puisque ça fait quelque temps déjà qu’il grimpe les montagnes avec nous, bien installé dans son sac à dos…sur mon dos. Alors, dès qu’il a vu le mont Sainte-Anne à partir du boulevard du même nom, il s’est écrié : « Est là, la montagne! »

Bien sûr, elle était un peu plus loin la montagne, mais déjà il frétillait à l’idée d’y être. Premier arrêt, les marais du Cap et les dizaines de canards qui y barbotaient. Derrière, au pied des montagnes orangées, les oies avaient établies leur quartier général, tapissant les champs et le ciel des milliers de taches blanches. Mais ce n’était pas les bibites qui l’attiraient, Ged. « On s’en va dans la montagne, » a-t-il dit tout à coup, et de partir d’un pas décidé le long de la route pour s’y rendre.

Alors, on a sorti le sac à lunch, nos bâtons de marche et on est parti avec Dieu vers le sentier La Cime. Remarquez que ça n’a pas été de tout repos. Il est de plus en plus pesant et, content comme il était, il ne cessait de bouger dans le sac à dos. Pas besoin de vous dire que Pépé ahanait dans la longue pente qui ne semblait pas vouloir finir. Mais bon, un fois rendus en haut, sur la terrasse surplombant le fleuve, tout l’effort était oublié. Et nous voilà au-dessus du fleuve majestueux, tacheté d’îles, avec, loin à l’ouest, la silhouette de Québec, sous un ciel bleu-rêve agité d’un vent fou qui faisait voler les feuilles en une féérie de couleurs chaudes.

On s’est arrêtés pour manger parmi les quelques randonneurs guillerets qui, comme nous, étaient sous le charme de ce paysage magique. Sandwich, fruits, jus, Gédéon a tout bouffé et quand nous avons été prêts à partir, un groupe de Colombiens en immersion française (a-t-on appris par la suite) est arrivé. De me voir avec Dieu au dos, ça les a ébahis, les latinos, et pas à peu près. Nous avons dû, lui et moi, nous faire photographier en compagnie de chacun d’eux et ils étaient une quinzaine. À la fin, Dieu en a eu assez et il s’est mis les mitaines dans la figure. Alors on est redescendus et on a repris la route, tous hilares.

C’est Loulou qui a eu l’idée de s’arrêter pour manger une frite, son mets préféré et c’est là que nous nous sommes rendu compte que la chose suscitait la même passion chez son petit-fils. À genoux à côté de moi, il mangeait avec délectation, en nous regardant alternativement, les yeux rieurs. C’est là, qu’il m’a mis le bras autour du cou, se collant un peu sur moi, tout en mangeant ses frites. Là, c’est moi qui étais en état de bonheur intense.

Le tour de Loulou allait venir le lendemain, samedi. Comme je fais de la radio tôt, elle a passé l’avant-midi avec son petit-fils à jouer dehors, à ramasser des feuilles, à faire une promenade sur notre petite route avec lui et le chat Vivaldi qui ne demande pas mieux que de suivre dans ces occasions. Ils n’ont pas cessé de jaser, de rigoler, de se faire du bien. Ce qui fait qu’à mon retour, vers midi, j’ai surpris deux tourtereaux assis à la table en train de manger et de rire.

Quand ils sont partis ensemble, en début d’après-midi, pour assister à une pièce de théâtre pour enfant à la bibliothèque de Charlesbourg, j’ai eu droit à un beau câlin de l’un et de l’autre. Mais il n’y avait rein à faire, il y avait un tel magnet entre eux-deux…

Musique
Vous ai-je déjà parlé de Catherine Major? Si oui, je ne m’en rappelle plus et je brûle de récidiver. Sinon, voici. Catherine est une jeune auteure-compositeure-interprète de haut niveau qui me passionne depuis la sortie de son second album, Rose Sang. J’ai toujours trouvé, et ce n’est pas par sexisme, que les gars remplissaient mieux cette fonction, tant chez nous qu’ailleurs. Il n’y a pas d’équivalent féminin à Richard Desjardins, Jean-Pierre Ferland ou Gilles Vigneault. À sa façon, Catherine pourrait bien le devenir.

Il y a, sur ce disque, des chansons dignes parmi les plus grandes que j’ai pu entendre en quarante ans. Abîme-moi, malgré son titre dérangeant, me semble aussi fort que l’éternel Ne me quitte pas de Jacques Brel et l’immense Avec le temps de Léo Ferré. J’exagère? Je ne pense pas. Rarement je n’ai senti une telle intensité, une telle force, une telle douleur dans l’interprétation d’une chanson au texte par ailleurs déchirant.

Sylvain Cormier, le critique du Devoir, n’en pense pas moins : « Allons, osons le mot même s’il est facile: Rose sang, le deuxième album de Catherine Major, est un album majeur. Tiens, j’en rajoute : c’est l’album qui ralliera à la Major la majorité. Qui la place dans les parages de nos meilleurs confectionneurs de chanson pop, oui, les Yann Perreau, Daniel Bélanger, Pierre Lapointe. Vraiment. Ce niveau-là. »

Là je suis d’accord pour ce qui de Daniel Bélanger, mais les textes de Major sont bien meilleurs que ceux de Perreau et Lapointe qui, à mon avis, n’ont rein à dire mais le disent bien. Poursuivons avec le sieur Cormier.

« Rose sang est d’ores et déjà dans ma liste des 10 meilleurs albums de 2008. C’est plus qu’une grande réussite, c’est l’accomplissement d’un destin, c’est l’album qui devait arriver un jour à Catherine Major. C’est un album où tout concorde, tout fonctionne, tout coïncide: l’album d’une série de rencontres heureuses qui ont permis à Catherine Major de se trouver. C’est le disque qui va imposer Catherine Major à la grandeur de la planète chanson. Une réussite absolue. »

Rien à ajouter!

Le lundi 20 octobre 2008

mercredi 15 octobre 2008

Lendemain de pas de veille

Ma Loulou prenait le train à 6 h en ce lendemain d’élections canadiennes. Ce qui fait que nous étions sur la route à 5 h, sans savoir si on aurait à subir un Har-peur con-servateur pendant encore des années. Que voulez-vous, je fais de l’urticaire à penser qu’un guerroyeur à tout crin, qu’un peureux obsédé par la sécurité au point d’envoyer des ados à perpète en prison, qu’un ignare qui veut faire partager son ignorance à la majorité pour mieux régner sur elle, qu’un champion de l’individualisme forcené… Y a un personnage dans le roman de Muriel Barbery, L’élégance du hérisson, qui dit : « La politique (…). Un jouet pour les p’tits riches qu’ils ne prêtent à personne ». Bien dit! Bref, au lieu d’ouvrir la radio, nous avons choisi la musique de ce bon Jean-Sébastien Bach pour nous tenir compagnie en cette fin de nuit. Une belle cantate qui mêle le hautbois et les cordes aux voix célestes des chanteurs.

Ce qui fait qu’après avoir embrassé ma douce qui était tout sourire au pied de la gare, je suis monté à mon bureau, arrivant même avant ma collègue Carolle Pelletier, la championne de la matinalité au travail. Quand elle est arrivée, j’étais encore sous l’emprise de Bach, le nez rivé sur mon écran. Elle me met la main sur l’épaule et me dit, après que j’eus ôté mon casque d’écoute : « Bonjour mon homme. Tasse ton store et regarde le ciel, il ne cesse de changer de couleurs depuis 10 minutes. C’est époustouflant. »

Houlà! Des roses, des mauves, des oranges éliminaient peu à peu les traces de la nuit au-dessus du fleuve et de l’Île d’Orléans. De toute beauté et de première grandeur. Du coup ça m’a ramené sur la Côte-Nord où nous avions passé les derniers Loulou et moi. Au camping de Mer-et- Monde plus précisément, sur les crans de roches, à deux pas de la mer comme vous pouvez le voir ci-dessous :




On dira ce qu’on voudra mais deux jours au paradis, c’est bien trop court! Que voulez-vous, il nous fallait revenir, nos enfants montréalais avaient choisi l’Action de grâces pour venir à Québec. Mais, comme l’a dit ma douce ce matin même, « …avoir su (que deux jours, c’était bien trop peu), nous serions restés à la mer. » Elle a raison, nous commencions à peine à nous détendre après quelques sorties vigoureuses en kayak, résultat d’un fort vent du nord. Ça houlait en masse, provoquant un brasse-camarade un peu éreintant mais tellement bénéfique pour l’esprit. C’est ans doute ce mouvement incessant de l’onde qui a fait que nous avons vu si peu de baleines, quelques petits rorquals et un grand commun tout au plus.

Pour moi, c’est sans importance qu’il y ait des baleines ou pas. C’est impressionnant bien sûr, et on ne se lasse pas de leur présence immense et calme. Mais ce n’est pas que qui m’amène ici. En fait, je pourrais passer des heures et des heures sans cesse balloté sur l’immensité mouvante de la mer, tantôt à pagayer à me broyer les abdominaux tantôt immobile contemplant l’horizon vide…

Faire le vide, rien de mieux pour s’emplir d’énergie et de sérénité. Faut dire que j’en avais besoin, faisant preuve de moins en moins patience au cours des dernières semaines. En fait, pour dire vrai, j’aurais bien pris encore quelques jours…

Musique
Dans ma dernière chronique (De la musique), je proposais quelques albums qui, pour moi, étaient à emporter sur une île déserte, des musiques dont on ne se lasse pas, des musiques qui nous nourrissent à chaque écoute. Quelle horreur, j’ai oublié le merveilleux Jaseur boréal de Julos Beaucarne. S’il y a un disque qui est un éloge poétique de la liberté, de l’amitié et de l’amour dans ce qu’il y a de plus vrai et de plus doux et de plus dur à la fois, c’est celui-là.

Je commence à écouter le dernier opus de la grande prêtresse du folk rock à l’américaine, dame Lucinda Williams, intitulé Little Honey. Comme toujours, des chansons d’amour indescriptibles et poignantes, des chansons violentes et désespérées. Je vous en causerai plus abondamment un autre tantôt.

Bonne semaine!

Gilles Chaumel
Chronique du 15 octobre 2008