jeudi 27 février 2014

Folksingers vous dites...


Je suis d’une génération où la contestation était une valeur prisée. Plus souvent qu’autrement, cette contestation était portée par la voix de chanteurs et chanteuses engagés qui ont acquis, dans certains cas, une renommée qui a fait date dans l’histoire : Bob Dylan, Georges Brassens, Neil Young, Joan Baez, Léo Ferré, Félix Leclerc. Chez nous, en plus de Félix, Richard Séguin, Paul Piché, Pauline Julien, ont, entre autres, porté haut le flambeau. Aujourd’hui, il ne reste, me semble-t-il, que Richard Desjardins pour faire entendre la voix de la gauche. Pourtant, on parle d’une tradition plus que séculaire.

En effet, on peut facilement remonter au cœur du Moyen-Âge, chez les Goliards, pour retracer les premiers chants de contestation du pouvoir établi. En fait, la chose est présente de tous temps dans toutes les sociétés. Et le 20ième siècle n’a pas attendu les sus-nommés pour dénoncer les inégalités sociales. On l’apprend en long et en large dans la fascinante auto (?) biographie de Dave Van Ronk intitulée « Manhattan Folk Story », qui raconte le long parcours de la chanson de contestation new-yorkaise et, plus largement, nord-américaine.

Il ne s’agit pas là de l’histoire d’un quelconque quidam, mais du récit de vie d’un des plus authentiques troubadour de la folk nord-américaine, doublé d’un sacré conteur. Dave Van Ronk a passé pratiquement toute sa vie adulte au cœur de New-York, dans le quartier de Greenwich Village, à l’exception d’une courte période comme marin et d’un périple mémorable sur la Côte Ouest. Jack Kerouac lui-même, n’a pas fait mieux. C’est à ses côtés et avec son soutien actif que les Bob Dylan, Joan Baez, Joni Mitchell et consort ont lancé leur carrière. Et Dave, là-dedans? Dave était un homme de gauche pur et dur, un homme sans compromis, ni dans son discours ni dans ses choix musicaux. Alors, l’industrie musicale, très peu pour lui. Reste, que comme d’autres (Kate McGarrigle), il aurait souhaité que sa notoriété soit… un peu plus répandue et son compte en banque un peu mieux garni.

Bref, on y apprend qu’il faut distinguer la folk d’interprétation des vieilles chansons traditionnelles (celles des Pete Seeger, Woody Guthrie, Dave Van Ronk, etc.) des « new songs » revendicateurs des Bob Dylan, Joan Baez qui créent et interprètent leurs propres œuvres, ou encore de la poésie acoustique des Joni Mitchell ou Leonard Cohen.

On y vit les années difficiles d’avant la déferlante folk des années 1960 et on y rencontre, toujours à Greenwich Village, les merveilleux bluesmen que Van Ronk a côtoyé; les Mississippi John Hurt, Lightnin’ Hopkins, Sonny Terry, Brownie McGhee, Skip James, Son House… On y apprend, pour l’anecdote, comment Dylan lui a « volé » sa version de « House of The Rising Sun » qui devait connaître un déferlement planétaire avec Eric Burdon et ses Animaux…

Voici donc, racontée de l’intérieur, avec une lucidité et un humour féroce, l’histoire d’un genre musicale qui a marqué le 20ième siècle occidental. Une lecture passionnante et essentielle!!

Pour en profiter pleinement…

Fantasy

L’œuvre de Dave Van Ronk est publiée essentiellement chez Smithsonian Folkways, dont une anthologie remarquable dont j’ai déjà causé dans ces pages et qui s’intitule « Down In Washington Square ». Mais on trouve, sur étiquette Fantasy, une des plus belles galettes folk qui soit; Inside Dave Van Ronk. Faut absolument y entendre son merveilleux Cocaïne Blues!!!


On ne peut passer sous silence l’immense Bob Dylan et, aux The Freewheelin et The Times They Are A-changin’, on ajoutera son John Wesley Harding qui nous permet d’entendre la belle Ballad of Frankie Lee & Judas Priest.



La grande voix du folk traditionnelle est sans doute celle de Woody Guthrie qui a parcouru les États, d’est en ouest, du nord au sud pour dénoncer l’oppression et les injustices sociales de tout genre. On ne peut ignorer ses Dust Bowl Ballads enregistrées en 1940 pendant l’épouvantable sécheresse qui a mis « sur la paille » des milliers de famille du Midwest.



Et il y a, bien sûr, la grande Joan Baez, d’origine mexicaine, victime de discrimination dans sa prime jeunesse, mais qui n’avait aucun talent pour la victimisation. Faut entendre ce bel album intitulé Farewell Angelina.




Très récemment, le groupe franco-américain Moriarty a fait paraître une superbe anthologie folk, interprétant à leur manière unique, les musiques de ceux qui ont mis au monde Bob Dylan (c’est l’objectif du projet!) : Mississippi John Hurt, Hand Williams, Blind Willie McTell, Didier Hébert, etc. Une splendeur d’album qui s’appelle Fugitives!!!


Enfin, je vous invite à écouter, tous les mardis soirs, à 18h30, l'émission Folk d'Amérique, sur les ondes de CKRL 89,1, que j'ai le plaisir d'animer et de réaliser. C'est un rendez-vous!