vendredi 20 décembre 2013

Musique, mes choix pour 2013


L'année 2013 a été riche en musiques de toutes sortes. Comme chaque année, je vous offre mes choix selon les genres qui me sont les plus familiers. Cependant, l'ordre est aléatoire à l'intérieur de chaque rubrique. Je n'ai pas de réel préférence en l'album magnifique d'Émile Proulx-Cloutier, par exemple, et celui, si simple et si beau, de Michel Faubert. Tout est question d'état d'âme et d'esprit, de circonstance, de disponibilité d'écoute et de goût…

Francophone

v  .   Émile Proulx-Cloutier, Aimer les monstres. (La Tribu)
    .   Keith Kouna, Le voyage d’hiver(L.Abe)
    .   Pierre Lapointe, Les Callas. Audiogram
    .   Albin de la Simone, Un homme. (Tôt ou tard)
    .   Jacques Bertin, L’état des routes. (Velen)
    .    Michel Faubert, Mémoire maudite. (La Tribu)


Folk

Lindi Ortega

1.     Dave Van Ronk, Down In Washington Square, Smithsonian Folkways
2.     Linda Thompson, Won’t Be Long, Now. (Pettifer Sounds)
3.     Steve Earle & The Dukes (&The Duchesses), The Low Highway, New West
4.     Moriarty, Fugitives, (autoproduction)
5.     Les sœurs Boulay, Le poids des confettis. (Grosse boîte)
6.     Lindi Ortega, Tin Star. (Last Gang Records)

Jazz


1.     Matana Roberts, Coin Coin Chapter Two : Mississippi Moonchile. CST
2.     Wayne Shorter, Without a Net. (Blue Note)
3.     Youn Sun Nah, Lento. (ACT)
4.     Raphaël Imbert Project, Heavens Amadeus & The Duke, Jazz Village
5.     Charles Lloyd/Jason Moran, Hagar’s Song. (ECM)
6.     Randy Weston/Billy Harper, The Roots of the Blues, Universal
7.     Cécile Mc Lorin Salvant, Woman Child, (Justin Time)
8.     Gregory Porter, Liquid Spirit, (Blue Note)

Classique




1.     GuardianAngel, Œuvres pour violon solo de Bach, Biber, Tartini, Walther, etc.) Rachel Podger (Channel Classics)
2.     Concerti per violino V, Antonio Vivaldi. Dmitry Sinkovsky et Il Pomo D’Oro. (Naïve)
3.     RequiemK.626 et concerto pour clarinette K.622, W.A. Mozart. Leonardo Garcia-Alarcon, Chœur de chambre de Namur, New Century Baroque (Ambronay)
4.     …pourpasser la mélancolie. Froberger et al. Andreas Staier, clavecin. (Harmonia Mundi)
5.     Erlkönig.Lieder de F. Schubert. Mathias Goerne. (Harmonia Mundi)
6.     Concertipour piano et sonate op. 134. Dmitri Chostakovich. Alexander Melnikov, Isabelle Faust, Orchestre de chambre Mahler. (Harmonia Mundi)
7.     Moonlight-Waldstein-Storm.L.V. Beethoven. Alexei Lubimov, Pianoforte Erard 1802, copie de Christopher Clarke. (Alpha)
. .  Sonates et partitas pour violon sans basse. J.-S. Bach. Christine Busch. (Phi)

jeudi 7 novembre 2013

La lecture et la musique!!!


Papi lecteur…

Ils s'appellent Marie-Julie, Mahéra, Amaru, Zacharia, Maïka, Arthur et Dylan. Il ont cinq-six ans, sont à la maternelle de l'école Saint-Malo et ce sont mes amis de lecture. En effet, je suis devenu papi lecteur du programme Lire et faire lire qui existe au Québec depuis quelques années. Ça fait trois semaine déjà et j'adore. Les petits sont brillants, intéressés et tellement gentils.

Jusqu'ici, on a lu l'histoire de la grenouille à grande bouche, 10 fois minimum, parce qu'ils adoraient les grandes bouches en relief. On a aussi lu l'histoire de la maison sombre, dans une forêt sombre, qui avait une pièce sombre avec un buffet sombre dedans et dans le buffet, un coffre sombre et dans le coffre… je ne vous le dis pas! Ils sont aussi adoré l'histoire du loup noir qui n'aimait pas sa couleur. En fait, ils la connaissait par coeur et la racontaient en même temps que moi. Deux fois plutôt qu'une bien sûr. On a aussi lu une histoire sur le mode de vie des pirates. La prochaine fois, ce sera l'histoire d'un combat flamboyant entre une pirate et un pirate. Et c'est pas fini, c'est moi qui vous le dit!

Le mécréant intolérant…


Je l’avoue, je suis intolérant, un putain de mécréant que les signes religieux ostentatoires hérissent au plus haut point. Rien ne m’horripile plus que de voir un crucifix dans un espace public à fonction laïque, comme à l’Assemblée nationale, par exemple. Ça m’irrite autant que le portrait de la reine d’Angleterre dans un bureau de poste ou sur un vingt piasses. Vieux relent de colonisation du territoire, du corps et de l’esprit.

À contrario, rien ne me réjouit plus que je voir une église transformée en école de cirque. Au moins, dans ce cas, elle ne cache pas sa véritable intention de faire des clowns de ses adeptes.
Cependant, ce n’est pas parce que les curés ne portent plus de soutanes que l’influence colonisatrice et pernicieuse de la religion a disparue. Les femmes n’ont toujours pas leur place à quel que niveau que ce soit de la hiérarchie catholique, si ce n’est comme servantes subalternes, et les scandales de pédophilie impliquant les prêtres se suivent à un rythme ahurissant. Je parle des cathos, bien sûr.

De tout temps, la religion est source de guerres meurtrières. Depuis les croisades en tout cas. Quand tu penses que tes croyances sont meilleures que celles des autres, tu veux les leur faire partager. Surtout quand tu présides une grande institution qui veut étendre son pouvoir sur les esprits et sur leurs biens. À ce jeu, toutes les religions, de tout temps, ont participé allègrement, donnant raison à un certain Marx qui les qualifiait d’opium du peuple.

Bon, tout ça pour dire que la laïcité et la neutralité religieuse dans l’espace public, je suis plutôt pour. Je suis surtout pour la disparition des religions, mais ça risque de prendre encore quelques siècles avant qu’on y arrive.


Donc, ce n’est pas parce que les signes religieux, ostentatoires ou autres, disparaissent de l’espace public, que l’influence pernicieuse des religions s’évanouira pour autant. Ce sont plutôt les manifestations et les pratiques inadmissibles du point de vues des chartes de droits et libertés de la personne que l’on doit, me semble-t-il, réprimer.

Rachel Podger, ange gardien…


Il est arrivé sur les tablettes sans avertissement. En un seul exemplaire chez mon disquaire préféré, le seul, en fait, qui porte encore dignement ce nom à Québec, Sillons, sur la rue Cartier. C’était écrit sur la jaquette, en surtitre, Rachel Podger, violin et en gros, Guardian Angel. En fond, le portrait de la violoniste en question. Et en tout petit : Works by Biber, Bach, Tartini, Pisendel.

Aon, pas des soli pour violon? Pas avec cette miraculeuse musicienne issue de l’école du renouveau baroque qui joue à la manière ancienne sur des instruments des 17e et 18 e siècles? Oui, exactement. Rachel Podger, celle qui a fait un vrai miracle de chaleur et de science dans son interprétation des sonates et partitas pour violon sans basse de Jean-Sébastien Bach! Le miracle allait-il se répéter? Parce qu’il n’en a pas été toujours ainsi des enregistrements de la dame. Dès qu’elle ajoute un orchestre, ça s’affadit, me semble-t-il. Pourtant, ses concertos et autres musique pour violon et orchestre du même J.S. ont été presqu’unanimement salués par la critique. Moi, je les trouve bien trouve sages, trop anglais.

Alors, ces solis? Je le dis, d’emblée, de pures merveilles. Madame tire de son Pesarinius de 1739 (du facteur génois du même nom), des sonorités riches et chaudes à donner des frissons, notamment dans la transcription qu’elle a faite de la sonate pour flûte solo de Bach et dans la fameuse passacaille qui conclu (pense-t-on), les grandioses sonates du mystère de Heinrich Ignaz Franz von Biber. Le disque commence et se termine dans la magie et l’émotion sonores. Les deux œuvres de Tartini, celui-là auquel le diable a inspiré en rêve une trille restée célèbre, sont aussi splendides, la première rieuse, la seconde, plus émouvante, mais toutes deux très lyriques et très rarement jouées.

Quand aux œuvres de Matteis et de Pisendel, si courtes soient-elles, elles ne déparent en rien l’ensemble de cet album hautement inspiré, mon coup de cœur de l’année, jusqu’ici. Guardian Angel est une œuvre majeure! (disque Channel Classics)

Dave van Ronk, le maire de la musique folk



Bon, d’accord, la musique folk n’a pas attendu Dave Van Ronk (1936-2002)  pour exister. Elle est là depuis que le monde est monde et qu’il a le goût de se raconter des histories, vraies surtout. Mais la renaissance de cette forme musicale au milieu du 20e siècle, on la doit beaucoup à ce curieux personnage new-yorkais, qui a pratiquement toujours vécu dans Greenwich Village. Là, il a fait sa renommée on ne peut plus locale, étant surnommé maire de McDougall Street, rue où se trouvaient ples principales boîtes de folk et magasins de disques affiliés. Et c’est pour lui rendre hommage, que la Smithsonian Folkways vient de faire paraître un album de trois disques plein de ses folks et de ses blues acoustiques, originaux et reprises de vieux maîtres. Un superbe panorama de son œuvre. Pourquoi maintenant? Et pourquoi tout court?


Maintenant, parce que le dernier film des frères Cohen, « Inside Llewyn Davis », célébré au dernier festival de Cannes, est à la veille de sortir sur les écrans nord-américains. Pis? Pis, ben le Llewyn Davis en question, est, en fait, Dave Van Ronk dont on raconte un épisode de la vie. Parce que l’œuvre de Van Ronk est à l’origine de celle de Bob  Dylan, de Joan Baez, Joni Mitchell et de tant d’autres qui ont créé quelques-unes des plus belles musique du dernier demi-siècle. Celle de Van Ronk ne dépare pas, au contraire, le maître, c’est lui. Le maître de l’authenticité et de l’intégrité qui n’a jamais voulu être associé à l’industrie musicale. Un pur et dur, comme sa musique, un musicien unique que vous ne pourrez renier dès que vous l’aurez entendu! Cet album en donne amplement l’occasion! Pour écoute, St. James Infirmary. (disque Smithsonian Folkways)

Les Witches et les danses gaéliques anciennes



Le titre de l'album, au long, c'est : Lord Gallaway' Delight, An Excellent Collection of Dances & Gaelic Laments. Les sorcières qui les interprètent sont françaises. Elles s'appellent Pascale Boquet (la soeur de Bill) et elle joue luth et guiterne. Il y a aussi Odile Edouard au violon, Sylvie Moquet à la viole de gamme et surtout Claire Michon et flûtes de toutes sortes. On y trouve aussi Freddy Eichelberger mais lui c'est un gars et il joue du clavecin et du cistre, mais il n'est évidemment pas une sorcière.

Et ces sorcières en ont invité une hors de l'ordinaire, une authentique harper, une joueuse de harpe irlandaise ancienne qui joue les mélodies gaéliques comme aucune autre. Elle s'appelle Siobhan Armstrong et joue de cet instrument "…qui est resté au coeur de la culture musicale gaélique pendant près de mille ans, en Irlande, dans les Hautes-Terres et en Écosse. Cette harpe est l'emblème national de l'Irlande : l'instrument qu'on y voit est la seule harpe du Moyen-Âge tardait qui subsiste (….) et qui est conservée au Trinity College de Dublin. (Siobhan Armstrong, cité dans le livret ).

C'est d'une copie de cet instrument que les bardes anciens, dès l'an 1000, jouaient dans les cours royales et plus tard dans les maisons des 17e et 18e siècles (et qui n'est pas la harpe celtique qu'on connaît aujourd'hui!). La musique du recueil de Lord Galway date de cette époque et évoque des danses lentes et mélancoliques, pour la plupart, témoignages de l'histoire noire qui a été celle de Irlandais envahis et méprisés par les Anglais des siècles durant.

L'album est magnifique de sonorités savantes bien sûr, mais héritées et inspirées d'un passé traditionnel riche qui imprègne chaque note, mais qui rappelle aussi des faits historiques qui ont marquées les contrées celtes de l'époque : Siege of Limerick, Sr Ulick Burk, Kings Hornpipe, Jennys Whim, Roll TheRumple Sawny 

Geri Allen, Grand River Crossings



La compositrice et pianiste de jazz Geri Allen compte parmi mes musiciennes préférées. Sa musique est exigeante et riche, toujours inspirée, me semble-t-il, et unique. Son dernier opus, Grand River Crossings, Motown & Motor City Inspirations est tout à fait dans cette lignée. Si les Stevie Wonder, Michael Jackson et autres Marvin Gaye l'ont inspiré, vous ne les reconnaîtrez pas. Vous entendrez des pièces pour piano tantôt tendre tantôt complexes mais toujours totalement réinventés, dans le style d'une de ses plus grandes oeuvres intitulée Flying Toward The Sound (et qui rendait hommage à ses mentors qu'étaient McCoy Tyner, Cecil Taylor et Herbie Hancock).

Encore une fois, Geri Allen innove et sa musique ne ressemble… qu'à du Geri Allen, faite d'introspection et de richesses harmoniques. On écoute Wanna Be Startin' Somethin' de Michael Jackson. (Disque Motéma)

Inside Llewyn Davis, la musique du film



Hum, que dire de plus que de vous procurer cet album si tout ce que je vous ai raconté plus haut sur Dave Van Ronk vous a inspiré. De la folk réinventée dans le style pratiqué au milieu du siècle dernier (le 20e), des musiques trads mais aussi des compositions dans l'esprit de. Produit par le spécialiste de ces musiques, T-Bone Burnett, on y retrouve comme, créateurs et interprètes, les Marcus Mumford (Mumford and Sons), Justin Timberlake, Oscar Isaac, les Down Hill Strugglers… du bonbon et de la beauté. Folk d'Amérique dans toute sa splendeur… Pour écoute : Fare Thee Well! 



jeudi 23 mai 2013

L’inénarrable Côte-Nord


C'est pas parce que c'est gris et brumeux que la macreuse à front blanc va se cacher!
Cliquez sur les photos (toutes) pour les agrandir!

Gris sur gris, c’est ainsi que se confondent le ciel et la mer en cette journée de mai froide, pluvieuse, venteuse et, bien sûr, brumeuse à Sept-Îles. Ça a son charme, à condition que ça ne s’éternise pas. Faut dire que j’aime la Côte-Nord depuis toujours. Ça reste  le pays de la grande sauvagerie, des espaces sans fin, que borde un Saint-Laurent qui s’élargit à mesure qu’on quitte Québec, pour, de fleuve, devenir estuaire puis golfe tendant vers l’infini.

Et ça s’étage comme suit, la Côte-Nord, une forêt très boréale en fond de scène, avec toutes les teintes de verts imaginables qui la peignent, des rocs granitiques d’un rose puissant qui bordent la plupart des rivières longeant la route, une plage s’étendant sur des centaines de kilomètres. Et cette route, unique sur sa longueur, tantôt tourmentée de côtes invraisemblables, tantôt rectiligne presqu’à perte de vue. Je l’aime tant, ce pays, que j’ai accepté d’y conduire ma blonde pour un aller-retour de 1 400 km en deux jours et demi, le temps d’un colloque sur le tourisme qui se tient aux Sept-îles.
La traversée du Saguenay a donné lieu à une rencontre impressionnante.

Hier, parti sous des trombes de pluies de Québec, nous avons vu le temps s’assécher dans Charlevoix avant de devenir quasiment plaisant à Tadoussac. En fait, nous avons été étonnés du peu de vent que suggérait pourtant un ciel encore bien nuageux. Si, déjà, les montagnes charlevoisiennes nous avaient offerts de saisissants paysages, le Saguenay et la proximité de la mer sur la Côte-Nord allaient achever de nous séduire.

En fait, on s’y est peu arrêté, si ce n’est quelque part entre Baie-Trinité et Port-Cartier à un endroit où nous voulons retourner camper cet été et qui a gardé toute sa magie et sa pureté, et sans mouche noire, à cette époque-ci de l’année. Le paradis dont je vous laisse une photo bien imparfaite mais révélatrice avec ces eiders à duvet dormant sur les roches de mi-marée.
Le paradis? Chuuuuut! C'est un secret...

...avec des eiders qui dorment sur les roches.

La Côte-Nord, c'est un pays de rêve pour Loulou.

Pour le reste, nous avons réapprivoisé nature, villages et villes sur notre passage, nous promettant bien d’y revenir au cours de l’été. Et tout cela au son des musiques pérennes de Dave Van Ronk (le personnage du dernier film des frères Cohen : Inside Llewin Davis), de Robert Zimmerman, Johnny Cash, Antonio Vivaldi et du jeune jazzman français Baptiste Herbin, entre autres.

Une leçon d’histoire

Je ne connaissais pas ce jeune saxophoniste français, Baptiste Herbin, avant que mon irremplaçable ami et disquaire, Denis Jodoin (Sillons) ne m’en parle. Alors, on écoute et on découvre un jeune de 25 ans qui, avec la complicité de Pierre de Bettman (claviers), Sylvain romano (contrebasse) et l’excellent André Ceccarelli (batterie), nous refait le coup de l’histoire du jazz à sa façon, 12 titres, dont 11 compositions originales, qui nous font passer des mondes de Charlie Parker (Entomology), à ceux de Coltrane (Faits d’hiver) ou de Cannonball Adderley.

Si on est toujours dans un mode hard bop, on est constamment fasciné par la haute virtuosité du musicien dans les pièces à tempo vif que dans les ballades qu’il cisèle avec une délicatesse rare. Bref, toute une découverte. Ça s’appelle Brother Stoon et c’est publié chez Just Looking Productions où enregistrent déjà les Didier Lockwood, Angelo Debarre et autres David Linx.

Suaves arômes


Le vraiment trop discret Trio Bomata vient de faire paraître son deuxième album, Arômes d’ailleurs, qui, sous des titres évocateurs (Nuit blanche, Cumin, Safran, Curma, Genmaicha) nous balancent la tendresse et la suavité à grands coups de clarinette basse (merveilleux Guillaume Bourque), de ronde contrebasse (Jean-Félix Mailloux) et de subtiles percussions (Patrick Graham et Ziya Tabassian). Ça pourrait être qualifier de world jazz, si on vuet. Moi je préfère parler de musique intime, apaisante, même si parfois, doucement rythmée. Une musique infiniment chaleureuse et bienfaisante. Inspiré!! (disque Actuellecd)

Chose Bine Mozart et ses concertos pour piano

C’est véritablement Wolfie qui a mis sur la carte les concertos pour piano tels que nous les connaissons aujourd’hui et qu’ils se sont répandus tout au long des deux derniers siècles. Ça se comprend, ce type de composition lui permettait de mettre en valeur, tant ses talents de compositeur et d’arrangeur que ses dons de virtuoses. D’autant plus, qu’il se réservait des cadences non écrites qui lui permettait d’improviser avec autant de brio que le ferait un certain Beethoven quelques années plus tard.
Bas besoin de vous dire que les enregistrements de ses quelques 27 concertos sont légions et qu’il est bien difficile de s’y retrouver pour se constituer une discothèque un tant soi peu cohérente. Mais ça se peut.

Ces dernières années, Mitsuko Ushida (Decca) et Christian Zacharias (DMG) sont en voie de réaliser des intégrales remarquables de ces œuvres. Si les disques de la première sont accessibles à prix abordables, ceux du second se vendent à prix d’or, au-dessus de 27,00$ pièce. Si on est patients, on finira bien par les avoir tous…

Pourtant, la série la plus remarquable que je connaisse demeure celle enregistrée dans les années 1980 par Murray Perahia à la tête de l’English Chamber Orchestra. L’intégrale (Sony Classical), qui s’est déjà vendu plus de 300,00$, a été disponible dans une version économique pour moins de 20,00$ durant quelques semaines en 2012. Qu’en est-il maintenant? Je ne sais pas, faut voir avec votre disquaire, Sony étant le plus mauvais éditeur qui soit, faisant paraître éditions et rééditions qui ne dure que le temps des tulipes. Mais ça vaut la peine de chercher; cette musique, sous les doigts de Perahia, c’est de la poésie pure. (10 disques Sony)

Portraits de famille

 Loulou, Lilou, Flo, Ged, Lo, Lio, Céleste, et un ti-canard, quelques portraits de famille...

Ma douce, dos au mur...

Ma petite Lilou (Maëlliiiiiiie) et mon grand Jean-Philippe! 

L'adorable Célestine...

...et son frère aînée, le poète Gédéon.

Le cousin Loïk, l'autre poète, celui de la nature et de Cuba.

L'émouvant et si tendre Lionel et grand-maman Loulou.

Le beau et fier Florent, mon flôt d'amour!


...et le tit canard de Maizerets, pour montrer les qualité de notre Nikon.

dimanche 14 avril 2013

La chronique des disques, le chant des hommes... et des femmes


Le chant des hommes, c'est aussi celui de femmes: 

Poétique, politique, lyrique, mélodique, recherchée, complexe, ou simple comme bonjour, la musique est un humanisme. Elle devrait l’être en tout cas, à l’image de toutes les passions qui nous habitent, parfois révélatrice d’un état d’âme, parfois apaisante, parfois impétueuse. Humaniste dans le sens d’une pensée qui met au premier plan le développement des qualités essentielles de l'humain… et de l’humaine, évidemment. Alors voilà, une autre chronique de disques et d’humanité !

Vivaldi : Concerti per violino V ‘Per Pisendel’


Encore un disque de concerti pour violon d’Antonio? Ben oui. Et il n’y pas dequoi s’en étonner. Après tout, le Prêtre roux, qui n’avait de prêtre que le nom, en a écrit plus de 300, uniquement pour le violon. Or, la maison Naïve et la bibliothèque nationale de Turin, qui gère le fonds d’archives personnel du musicien, se sont engagés à en publier l’intégrale sonore de ce fonds au cours des prochains 20 ans. Déjà 10 ans que c’est commencé. Concerti de toutes sortes, opéras, musique sacrée, tout y passe.
Alors voilà, c’est le cinquième volume consacré aux concertis pour violon, et c’est le plus… fantastique. Voilà. Fantastique dans le sens de virtuosité, d’inventivité dans l’ornementation et l’improvisation du soliste, subtilité de l’accompagnement orchestral, beauté des œuvres choisies. Le soliste… ah oui, je ne vous ai pas dit, le soliste est russe! Des Russes, à par l’incomparable Viktoria Mullova, c’est une rareté dans la musique baroque, du moins jusqu’à tout récemment. Celui-là, Dmitry Sinkovsky, est vraiment une très grande pointure.

Au cours de la dernière décennie, Giuliano Carmignola nous avait habitué aux plus grandes prouesses vivaldiennes en matières d’improvisations et de virtuosité. Le voilà battu sur son propre terrain, le Vénitien, notamment dans le fameux concerto RV 212, S. Antonio In Padoa 1712. Cette œuvre, qui comporte, dans les mouvements extrêmes, de folles cadences improvisées, permet à Sinkovsky de montrer une science et une vélocité proprement époustouflante. Et tout le reste de l’album est à l’avenant, tant avec le soliste qu’avec l’orchestre, Il Pomo d’Oro qui fait montre d’une science du baroque remarquable.

Tout cela n’est pas sans rappeler le volume IV de cette série qui mettait en scène le même orchestre, dirigé cette fois par le (presque) non moins talentueux Ricardo Minasi et dont je vous causais dans une chronique précédente.

Brillant étudiant au conservatoire de Moscou, Sinkovski est tombé dans le baroque comme Obélix dans la potion magique. Un naturel plus grand que nature. Son Vivaldi est incisif, inventif à chaque écrite ou improvisée, d’une délicatesse infinie dans les mouvements lents. L’orchestre, Il Pomo d’Oro, tout italien qu’il soit, s’est vu enrichi de quelques violonistes russes pour l’occasion. Tous des jeunes. Qui a dit que le classique et la musique ancienne d’intéressait plus la jeunesse? Pas les musiciens en tout cas. Bref, en deux mots, ce Vivaldi est un album re-mar-qua-ble.

Rayuela



Rayuela signifie marelle en espagnol. C’est aussi le titre d’un grand roman de cet écrivain argentin quasi mythique en son pays et qui s’appelle Julio Cortazar. Un de mes auteurs favoris, le Cortazar en question. Alors voilà, il y a ce jeune saxo d’origine portoricaine,  Miguel Zenon, qui s’est associé au pianiste français Laurent Coq, pour… concocter à leur façon, un Marelle à l’image de celui de Cortazar, qui reprend, en musique, les lieux et les personnages du roman. « Composé à la manière d’un puzzle, ce roman est à la fois une intense histoire d’amour (entre Horacio Oliveira, sculpteur argentin qui débarque sur Paris pour effectuer son éducation sentimentale, et la Sybille, uruguayenne au passé trouble), un traité de métaphysique, une introduction à la pataphysique, une ode au jazz et au Paris des années cinquante. » Et c’est un livre qui peut se lire du début à la fin, mais aussi dans le désordre en commençant par le chapître 73, puis le 1 et l3 2, puis le 116, etc. Une oeuvre unique, aussi bien dire.

Le Rayuela du duo Zenon/Coq est conçu de la même façon, on peut l’écouter de 1 à 10, mais aussi dans un désordre « programmé » : 4-8-1-3-etc. Deux musiciens accompagnent les deux solistes. En fait, tous sont solistes à tour de rôle, selon le personnage qu’ils mettent en scène ou le lieu qu’ils décrivent. À ce jeu, le violoncelliste-tromboniste ( !) Dana Leong est tout simplement prodigieux. On y trouve le percussionniste-batteur Dan Weiss.

Que Zenon soit Latino et Coq, Français, n’est pas innocent, Cortazar ayant vécu tant en Argentine qu’en France et le roman se déroulant dans les deux pays. Tout au long de l’album, très inspiré, on oscille entre compostions très écrites, voire atmosphériques à l’occasion, et savoureux délires de solistes, notamment de la part du saxo et du violoncelliste.

« Notre seule vérité possible doit être invention, c'est-à-dire écriture, littérature, peinture, sculpture, agriculture, pisciculture, toutes les "tures" de ce monde. Les valeurs, des tures, la sainteté, une ture, la société, une ture, l'amour, une pure ture, la beauté, la ture des tures." - J. Cortazar, Marelle, p. 398, Gallimard, L’imaginaire

Mediterraneo


La luthiste/théorbiste allemande Christina Pluhar est une spécialiste des mixités musicales anciennes méditerranéennes, particulièrement italiennes, voire sud-américaines.  En fait, la musicienne se passionne pour les musiques traditionnelles, savantes ou populaires, où l’influence latine se fait sentir. Une passion qui agit comme un véritable virus pour tous ceux et celles qui ont le malheur d’y porter l’oreille

Que ce soit Homo fugit velut umbra (Stefano Landi), Treatro d’amore ou Via Crucis où on la retrouve dans l’Italie du 17 siècle, que ce fut au Mexique (Los Impossibles) ou en Amérique du Sud (Los Parajos Perdidos), la dame et son ensemble L’Arpeggiata nous transporte dans des mondes rares où les sonorités des instruments à cordes pincées (luths, harpes, théorbes, saz, guitares, clavecins, psaltérions, lyres, rebec), et frottées (violes, violons, basses), soutenues par de sensibles percussions, font, c’est le moins que l’on puisse dire, merveille. Et que dire des voix!

Dans Mediterraneo, son tout nouvel opus, ces voix, celles de Misia (Portugal), Nurial Rial (Catalogne), Raquel Andueza (Espagne), Vincenzo Capezzuto (Italie) et Katerina Papadopoulou sont littéralement envoûtantes. Ballades et danses anciennes aux pays des oliviers, les plus vieilles œuvres remontant au milieu du Moyen-Âge, d’autres se rapportant à des styles nationaux comme le Fado (superbe Misia!), vous voilà parti pour un voyage dans le temps et la beauté dont nul ne sait quand vous reviendrez!

Emmylou Harris & Rodney Crowell



Ils se sont rencontrés à l’aube de leur carrière respective, en 1975 ou 1977, au temps des premiers albums de la dame, l’Emmylou, de son Pieces of Sky et de son Luxrury Liner, au temps du regretté Gram Parsons qui, le premier, a fait connaître la chanteuse.

Si, tout de suite, ils ont sympathisé, Rodney Crowell et Emmylou Harris auront connu des carrières parallèles qui se seront croisées à l’occasion. Et le voilà réunis, 30 ans plus tard, pour un album et une tournée déjà entrepsies. Rodney, le chanteur compositeur, épris des musiques sources de son pays américain, a jouré quelques années dans le band de la dame à la voix d’or. Emmylou, ben Emmylou, on le sait bien, c’était pareil. C’est encore comme ça…

Alors voilà, leur album s’appelle Old Yellow Moon, un disque qui sent bon les retrouvailles, chaleureuses on s’en doute, un rappel aux premières années, quelques merveilles de chansons comme Back When We Were Beautiful,  Bluebird Wine reprise de 1977 ou encore cette Old Yellow Moon totalement nostalgique. Et ce n’est pas un défaut. Un country folk tout ce qu’il y a de bien

dimanche 7 avril 2013

Dans la série 216 Arago Est, La tannerie Nazaire-Fortier




La tannerie Nazaire Fortier co. dans les années 1950.
Photo : Richard Harry / Bibliothèque de la Division des Archives de la Ville de Québec

Ma sœur Christine m’a écrit dernièrement : « Sommes passés sur Saint-Vallier Est ce midi. Ils ont mis à terre l'ancienne tannerie qui sentait tellement mauvais dans le temps... Je ne sais ce qu'ils vont construire. »
 
Des condos et des coops d’habitation, que je lui ai répondu en précisant que ça faisait deux ans que l’opération démolition était entamée. C’est situé juste au coin de la rue Des Voltigeurs qu’on vient tout juste de rebaptiser rue Nazaire-Fortier. Et Nazaire Fortier, c’est justement le nom de la tannerie qui trônait sur ce coin depuis plus d’un siècle, dernier vestige de ce quartier ouvrier spécialisé dans la confection de chaussure qui faisait vivre des centaines de familles jusqu’à la fin des années 1960, à Québec.

C’était le dernier vestige de ce quartier ouvrier où l'on trouvait juste en face, une usine de talons et de semelles de chaussures où nous allions ramasser des résidus de talons hauts dans la chute à déchets quand on était petits. Sur Saint-Vallier, côté nord, on trouvait une immense usine à chaussures, Ritchie and Co. et un coin de rue plus plus à l'est, l'usine de patins Daoust.

On allait aux vues au théâtre Impérial et au Princesse, rue Saint-Joseph.
Source : Archives publiques Canada. Edwards, W.B. Ville de Québec, service de police. Archives du service de l’aménagement du territoire.
En fait, au début du vingtième, la ville comptait quelque 43 tanneries. On y trouvait donc chaussure à son pied !  À quelques rues de là florissaient la taverne Royale (Dorchester) et celle du Chat Blanc (de la Couronne), rendez-vous des travailleurs après la job. Oh, il y en avait  sûrement d’autres, mais celles-ci me sont restées en mémoire, probablement parce qu’elles ont été les dernières. La fin de semaine, les travailleurs allaient aux vues (comme ils appelaient alors les cinémas) en famille, au Princesse ou à l'Impérial, rue Saint-Joseph. Les plus olé-olés, les plus riches, fréquentaient aussi le Bal Tabarin, le cabaret de strip-tease de rue De la Couronne que j’ai eu la chance.

J’ai été élevé sur Arago, deux rues en haut de la tannerie Nazaire Fortier. La rue Arago a compté, elle aussi, son lot de tanneries avant 1950. Elles avaient déjà disparues quand je suis né. Mais je suis assez vieux pour me rappeler les trottoirs de bois devant notre maison et le frigo à glace de la voisine d’à côté. Vestiges des temps anciens.

Que faisaient les voisins, comme travail? Je ne me suis vraiment jamais posé la question. Dans les usine environnante? Pas que je me souvienne pour ceux que je connaissais. Je me rappelle les chauffeurs de taxis. Il y en avait deux, des Bérubé, dont les voitures étaient stationnées sur le terrain jouxtant notre maison. Beaucoup de journaliers, comme on appelaient ces travailleurs manuels non spécialisés, qui étaient au service de la Ville ou du ministère de la Voirie quand ils n’étaient au chômage. L’épicier Boiteau était un ancien policier. Le pompier  Blouin s’était recyclé dans la rénovation. Les Ruelland étaient garagistes de père en fils,  et passaient leur vie à débosseler et à repeindre autos et camions. L’un des fils, trapu et musclé, était gardiens de prison. Ça m’a toujours étonné, lui, toujours l’air si gentil et un peu naïf en apparence.

Bon, on était un peu plus vieux que ça, mais pas mal la même allure...

L’hiver et le printemps, mes chums pis moé, on jouait au hockey sur le rue Christophe-Colomb, le long du mur de la tannerie. Pourquoi là précisément? Parce qu’on pouvait pratiquer, en toute impunité, nos snap shots (sic) sur les murs de bois gris bleu de la bâtisse. On avait sept, huit, neuf ans et chaque fois qu’on en réussissait un bon, ça fait un boum profond et jouissif comme sur une vraie bande de patinoire de la ligne (sic) nationale. On se prenait pour Bob Rousseau ou Yvan Cournoyer. Et comme le bruit dans la tannerie était intensément plus fort que nos pauvres tirs, on ne se faisait jamais avertir. Heureusement, parce que quand on était une dizaine à snapper, c’était assez cacophonique.

Je comprends mieux aujourd’hui, pourquoi les vieux qui restaient en face nous haïssaient tellement.
Seulement, on ne pouvait jouer là que la fin de semaine, car les jours de semaines, les vans étaient perpétuellement stationnées devant les grande portes de la tannerie pour y décharger les peaux de vaches par centaines. D’autres ramassaient les retailles nauséabondes, vraiment, des peaux tannées et baignant dans un jus infernal, jus qui s’écoulait dans la rue avant d’emprunter les égouts.

Trash, le quartier? Non, pas vraiment. Ça faisait juste partie de ce milieu urbain où se côtoyaient les ateliers d’usinage qui fournissaient le matériel aux manufactures environnantes, les maisons unifamiliales et les blocs à plusieurs logements. Pour profiter des arbres, se rendre au coin de chez nous et monter la côte de la Négresse, pardon, la Côte-Badelard dont le cap était jonché de cerisiers. Ou alors sur le splendide boulevard Langelier, à quelques coins de rues, paré sur un kilomètres de magnifiques ormes matures. Ou dans notre cour!!!

En fait, ce qui, dans mon souvenir, étaient le plus dérangeant et nauséabond, c’était la gare d’autobus, située juste au nord de la tannerie, coin Caron et Charest où, jour et nuit, une quarantaine de bus laissaient tourner à tour de rôle, leurs diésels aussi tonitruants que polluant. Chaque jour, nous traversions la cour des bus pour nous rendre à l’école et traverser le passant boulevard Charest de préférence sur la lumière rouge. À 8 ans, on aimait ça vivre dangereusement…

jeudi 14 février 2013

CKRL, 89,1, mes débuts!







Autrefois, dans les années 1970, il y avait une émission ckrlienne qui est devenue presque mythique et qui s'appelait La Nuit des Rois. Le trop discret et regretté Jacques Parent l'animait avec brio et humilité. C'était, en ce qui me concerne, une sorte de pendant à une autre émission de radio de grand renom, radio-canadienne celle-là, qui s'appelait Le Cabaret du Soir qui Penche que menait Guy Maufette.

Un Soir, le Jacques Parent en question, grand mélomane devant l'éternel et disquaire dans les grands magasins de musique de l’époque ( 33/45, Sherman, Musique d’Auteuil) a fait jouer une œuvre saisissante. Je n’en n’avais jamais entendu de semblable. Ça s’appelait la Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont de Paris et son auteur, Marin Marais, était violiste et compositeur à la cour de Louis XIV. L’œuvre, une série de variations pour violon, viole et basse continue, reprenait tout simplement le ding deng dong de la cloche. Ai-je écrit simplement, ai-je écrit ? Non mais… Une magnifique progression harmonique qui monte en un feu d’artifice sonore  des plus saisissant.

J’étais en train de peinturer mon salon quand j’ai entendu cette œuvre et j’en suis presque tombé de mon escabeau! Je me souviens même du moment, moi qui n’ai pas la mémoire des dates. Mai 1977. Hé bien, c'est par cette œuvre que je suis venu à CKRL, me disant qu'un jour, moi aussi je la ferais passer. Et d’autres comme ça, des trésors musicaux rares, qu’on n’entend nulle part et que je ferais découvrir à mon tour à des âmes curieuses. Ça m'aura pris 10 ans pour m’y mettre.

Il aura fallu que le grand Martin (Bolduc), ami de toujours, m’y initie par une nuit du jazz de 1985. Avec nous, il avait invité le batteur Pierre Tanguay, qui est devenu depuis un des meilleurs de la scène musicale montréalaise. J’ai adoré l’expérience. Tellement que je me suis rappelé la fameuse Sonnerie musicale de la décennie précédente. Et comme, à l’époque comme aujourd’hui, j’errais déjà entre les disquaires de neuf et d’usager, je ne pouvais faire autrement que de tomber sur cet étrange personnage à la tête blanche et aux lunettes ovales cerclées de métal qui me piquait toujours les enregistrements que je convoitais. Jean Perron qu’il s’appelait. Pas le gars du hockey, évidemment. Je pense qu’il n’a jamais dû voir un match de sa vie. Non, le gars des mots (il travaillait à l’Office de la langue française), le gars qui n'écoute jamais la même musique que les autres, Perron qui vouvoie tout le monde sauf sa blonde et moi. Cherchez l’erreur.

Alors je lui ai dit : « Perron, quesses-tu dirait si on faisait une émission de radio de musique ancienne sur instruments d’époques le dimanche matin à CKRL ? » Comme il est de nature discrète, je pensais qu’il m’enverrait paître. D’autant plus que ma proposition cachait mal mon hypocrisie de pouvoir enfin écouter les disques qu’il chippait avant moi chez les revendeurs. Bref, c’était une proposition intéressée. Bref, à mon grand étonnement, il a dit oui. Faut dire qu’il a tout du missionnaire et qu’il ne pouvait souffrir la version sireupse de 46 violons des « canons de Pachelbel » qu’on pouvait entrendre sur les radios du temps. « Ces connards-là  ne savent même pas que c’est un canon à trois voix pour violon et basse continue », qu’il fulminait. Enfin fulminer est un grand mot.

Il ne fulmine pas vraiment le Perron, il ironise, il sarcasmise, il se moque sans en avoir l’air tout en ayant l’air. Alors, un dimanche matin de janvier 1986, nous faisions notre première apparition à La Folia, l'émission de musique ancienne que venions de créer.  Aux commandes de la mise en ondes, Martin Bolduc ! Mais ça, ça a été de très courte durée. C’est un lève-tard, le Martin et on a eu affaire à apprendre assez vite merci à maîtriser la technique.

La première feuille de route de La Folia, le 26 janvier 1986

Et c’est ainsi, mesdames et messieurs, que j’ai pu proposer aux auditeurs, 10 ans durant, l’une ou l’autre version de la Sonnerie, comme celle-ci…


Vous dire que cette émission a connu un buzz des années durant est un euphémisme. Il nous est même arrivé d’organiser un concert live à bibliothèque Gabrielle-Roy (avec l’ensemble Nouvelle-France) qui a quasiment fait salle comble!!!

La Folia a durée 10 ans. Elle s'est poursuivie avec Chaconne et continue avec Continuo qu'anime maintenant le professeur Denis Grenier. C'est dire que depuis plus d'un quart de siècle, la musique ancienne tient l,affiche tous les dimanches matins , de 8 h à 11 h sur les ondes de la plus vieille radio communautaire francophone du monde!

Il faut dire que, durant les années précédant le changement de siècle, les musiques anciennes, particulièrement la musique baroque a connu une certaine popularité, entre autres grâce au magnifique film d'Alain Cornaud Tous les matins du monde que vous pouvez visionner intégralement en cliquant sur le titre.

Musique anciennes, musiques modernes
D’où vient cette fascination pour les musiques dites anciennes ? C’est comme pour le jazz, je vous dirais. Elles faisaient parties de ces choses rares ou perdues que l’on redécouvrait de semaine en semaine avec les nombreuses parutions des Éditions de l’Oiseau-Lyre (Decca), Archiv (Deutsche Grammophon), Teldec (Telefunken) ou Seon (Sony) qui nous amenaient les toutes nouvelles manières de jouer Bach, Vivaldi ou Handel… à l’ancienne. Ou qui ramenaient à la vie les Johan Jakob Froberger, Johann Caspar Ferdinand Fischer ou, de plus anciens comme Walther von der Vogelweide et autres Hildegarde von Bingen. Et je ne vous parle même pas de tous ces mondes complexes et riches de la Renaissance polyphonique!

J’allais chez Sillons ou Musique d’Auteuil puis chez Sillons pour découvrir le dernier Archie Shepp (avec Dollar Brand), les belles élucubrations du World Saxophone Quartet, mais aussi le grand Gloria de Vivaldi avec l’Academy of Ancient Music, ou la fascinante fantaisie chromatique et fugue de J.S. Bach, jouée ici par le claveciniste et chef d’orchestre français  Christophe Rousset :



Comment oublier la renaissance de cette étonnante personnalité mystique qui nous a valu tant d’appels en ondes, grâce, entre autres, à l’ensemble Sequentia ; cette chère Hildegarde, que La Folia a mis en scène plus que tout autre média  :



Merci Perron, pour ces 10 belles années! Aucun doute, en ce qui me concerne, que le succès de cette émission te revient! T’as toujours été le premier à aller chercher les musiques plus rares avec des trucs d’organ impossibles, les voix de petits garçons que tu affectionnais tant (les voix, bien sûr) parce que bien sûr, les femmes ne chantaient pas à l’église en ces temps-là. T’as été le premier à aller fouiller les tréfonds du Moyen-Âge, toujours prêt à désarçonner l’auditeur qui, malgré tout, suivait… religieusement. Presque en tout cas.

Me revient cette anecdote que l’auditeur qui, vraiment fâché, m’accusait de violence musicale trash si tôt le matin. Il menaçait de porter plainte à la direction de la station! Ce que bien sûr, je l’ai exhorté à faire. Il devait être 8h30 et le violon baroque de Sigiswald Kuijken distillait les notes riches et complexes de la Chaconne pour violon seul de Jean-Sébastien Bach. Alors, voilà, il voulait, à travers moi, porter plainte contre Bach. À CKRL, on ne m’en a jamais reparlé. J

Prochaine chronique : Par 4 copains, Rictus et autres gamineries d’avant-garde mettant en scène Paul Marois, Denis Jodin, Martin Bolduc et moi!

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Maître Gilles,

Tout ce que tu dis de moi sur ton blogue est pour moi d'un trop grand honneur, et, comme tout honneur, il est tendancieusement fallacieux :

- c'est qui le fumeux casse-pied qui voulait inventer la Folia : c'est toi!

- c'est qui le quasi-visionnaire qui voulait créer une émission de musique exclusivement consacrée à la musique ancienne, interprétée de façon la plus contemporaine : c'est-à-dire selon les plus récentes recherches sur les règles d'interprétation que l'on a pu connaître de l'époque avec utilisation d'instruments d'époque : c'est toi!

- c'est qui le forcené bandit qui me brandit pour me forcer à commettre avec lui une émission de musique ancienne évadée de tout cachot grincheux et de quincaillerie organologique * moderne/anachronique : c'est toi!

- c'est qui le fouineur accompli qui trouvait le premier les disques tant recherchés par l'humble novice que j'étais : c'est plutôt toi!

- d'accord, l'imbécile qui aurait dû effectivement t'envoyer paître lorsque tu lui "proposas" de faire, avec toi, une émission de musique ancienne sur CKRL : c'est moi!

- c'est qui les frères ennemis, les joyeux antagonistes qui ont, sans doute, grâce à CKRL, créé une (première) émission d'une durée aussi appréciable consacrée exclusivement à la musique ancienne jouée selon les derniers critères modernes d'interprétation, tout cela dans la joie et le plaisir : c'est toi et moi!

Nous avons eu du bon temps (et j'en ai toujours à chacune de nos rencontres) . Mais tu exagères vraiment en écrivant " que le succès de cette émission te revient!";  c'est faux, ce succès te revient au premier chef (ne serait-ce que parce que c'est toi qui as eu l'idée de cette émission). Sais-tu à quel point je t'en veux pour m'avoir entraîné dans tout cela, mais sais-tu aussi comme j'apprécie toujours ta fidèle camaraderie?


Bon vent, Gilles Chaumel!

perron

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* (d'accord, organologique n'est pas dans le Robert, le Petit ni le Grand, ça n'est pas moins un adjectif qui se rapporte à " L’organologie (du grec ancien ὄργανον (organon) « instrument » et de λόγος (logos) « discours ») a pour objet l'étude des instruments de musique et leur histoire." [http://fr.wikipedia.org/wiki/Organologie]