dimanche 10 mai 2009

Le saccage

Il y a quelques semaines à peine, on entrait et montait à Saint-Adolphe par une route, le chemin Saint-Edmond, bordée de pins, de cèdres et de bouleaux jaunes. Tout du long, ils cernaient quelques jolies maisons et cachaient en partie la rivière Huron qui descend la montagne et poursuit sa course vers le lac Saint-Charles. Ça ressemblait à ceci…
Aujourd’hui, juste au bas de la côte, on a rasé, saccagé ce boisé sur une largeur de quelques centaines de mètres pour y faire passer une autoroute à quatre voies pour faire plaisir à quelques Saguenéens dont les politiciens de toutes tendances voulaient s’accaparer les votes. Que je sache, rien ne justifie la construction d’une autoroute quatre voies séparées pour faire passer moins de 15 000 véhicules par jour. Il est vrai cependant que cette route était dangereuse et qu'il fallait absolument en améliorer la sécurité. Mais pourqoui détruire des dizaines de kilomètres de nature au lieu de corriger les sections les plus problématiques? Bon, pour l’instant, ça donne ceci…
Mais peu importe les raisons, le résultat est laid et cette destruction, pour les résidents du lieu, inutile. On va bien sûr « intégrer la route à l’environnement » comme le disent les spécialisses du ministère des Transports. Mais on ne pourra rien pour les familles expropriées et les centaines de personnes qui avaient choisi de vivre dans un environnement près de la nature. Avec une belle autoroute, fini la tranquillité. Dans cinq ans tout au plus, la ville aura rejoint ce paisible coin de pays et le bruit, le râlement incessant des camions, sera omniprésent.

Nature

Samedi, Dieu (mon petit-fils Gédéon), son frère Florent et leur mère Rosemarie sont venus, de bon matin, nous serrer la pince. Dire qu’on les attendait, serait exagéré. Nous paressions voluptueusement au lit.

Qu’à cela ne tienne, leurs sourires et le plaisir évident qu’ils éprouvaient à nous rendre visite valaient plus que de gagner 10 000 $ à la loterie. On a mis la table et déjeuné et, par la suite, tout le monde est sorti dehors pour ramasser les derniers dégâts de l’hiver, branches cassées, feuilles mortes et autres restants de graines de tournesol. Gédéon était tellement heureux de nous aider et Flo, lui, était totalement obnubilé par le chat Vivaldi. Heureusement, le gros est une bonne nature et raffole de l’attention qu’on lui porte.

Alors on a ri, jasé, travaillé et... crié à plein poumon. C’est Gédéon qui a commencé par un p’tit cri aiguë. Je lui ai dit que je pouvais faire mieux et ai lancé un grand hurlement. Gédéon est resté saisi quelques secondes, mais pas Florent qui s’y est mis à son tour. Il gueulait, Dieu et moi aussi. Ça a duré quelques minutes. Maudit que ça fait du bien, que c’est libérateur.

C’est peut-être cette libération qui a attiré les canards malards dans notre cours, sur la rivière. C’est la première qu’on voyait ce couple et il faisait comme si on n’y était pas. Nous étions tous étonnés et on a fait comme eux, on a fait comme s’ils n’y étaient pas. On est rentré dîner. Alors, ils sont sortis de l’eau pour venir manger les graines des tournesol laissées sur le terrain.

C’est alors que Loulou a pensé aux colibris. C’est à cette époque-ci qu’ils arrivent. Elle a sorti la mangeoire, a préparé l’eau et le sucre et installé le tout, cinq minutes plus tard, le premier arrivait.

Quelle belle journée ce fut qui m’a vraiment permis de découvrir ce merveilleux petit Florent qui vient d’avoir un an. Sa gentillesse, sa curiosité, son énergie m’ont totalement conquis. Dieu n’est plus seul il a un frère à son égal.

Marais

Dimanche, après une soirée pleine de homards et de vins, on filait une peu flagada. On a attendu l’après-midi pour aller faire un peu de kayak de mer pépère, en ce beau jour de la fête des mères, sur le lac Saint-Charles.

Beau jour est un bien grand mot. C’était venteux, froid, gris et quand on est arrivée sur le lac, il semblait désert. Misère. Mais non, il fallait juste être un peu patient. Au gré de nos pérégrinations dans les recoins et dans le marais du Nord, nous avons vu ce qui suit : des balbuzards, deus grands hérons, une buse à queue rousse, une bernache, des petits garots, des grands harles et des harles couronnés, des petits fuligules, deux grands chevaliers et un chevalier branle-queue.

Musique


Deux albums magnifiques viennent de paraître qui nous rappellent, en les revisitant, les beautés des origines du jazz et du blues.

D’abord, Allen Toussaint, une légende du rythmn’blues néo-orléanais, un monsieur au même titre que Louis Armstrong et Professor Longhair, s’est lancé dans la redécouverte du patrimoine jazziste de la ville et du monde (!) en confectionnant un magnifique album consacré à différents standards du jazz (Day Dream et Solitude de Duke Ellington, Blue Drag de Django Reinhardt, etc.) et servis à la sauce bluesy de la Nouvelle-Orléans, pimentée de l’apport acidulée de grandes pointures comme le clarinettiste Don Byron, le trompettiste Nicholas Payton, le guitariste Marc Ribot, littéralement génial sur St-James Infirmary. Le titre : Bright Mississipi, d’après la composition du grand Thelonious Monk.


Et alors? Alors c’est le disque du swing et du bonheur de redécouvrir de vieilles choses qu’on a toujours aimé sans le savoir, sans même les connaître peut-être. C’est tout bon, à commencer par le jeu sensuel du pianiste, la rythmique impeccable qui l’accompagne, les arrangements sur mesure pour chaque chanson. Et il y a celui, bouleversant, de cet autre ancêtre de la folk américaine, Ramblin’ Jack Elliott, 80 ans bien sonnées, père spirituel des Arlo Guthrie et Bob Dylan, entre autres. Bouleversant en quoi? En ce qu’il reprend les blues les plus beaux des grands maîtres du delta du Mississipi : Blind Lemon Jefferson, Blind Willie Johnson, Son House, Mississipi John Hurt et autres Charley Patton. Ça s’appelle A Stranger here, peut-être parce que c’est l’hommage d’un vieux Blanc à tous ces maîtres Noirs qui ont fondé la vraie musique de l’Amérique.