mardi 24 mars 2009

Histoires de gars

J’aurais bien aimé avoir ce disque en fin de semaine lorsque, avec mes grands amis Denis et Martin, on s’est retrouvé à trois pour une fin de semaine de gars au chalet du lac des Pins, en banlieue du petit village de Saint-Alphonse de Rodriguez. C’est Martin qui invitait. En fin de journée du samedi, après une longue randonnée en raquettes dans les montagnes environnantes, on s’est retrouvé assis autour de la table de la cuisine, devant la grande fenêtre qui offre une vue imprenable sur le petit lac glacé et les collines qui le bordent. Comme toujours, un de nos sujets de conversation privilégié de gars a été la musique. C’est à ce moment que je leur ai annoncé que Showme était sur le point de faire paraître un nouvel album.

Le Showme en question, c'est mon fils Jean-Philippe qui vient tout juste de me transmettre un lien pour que je puisse entendre les titres de son dernier album, intitulé Arme d’instruction massive, dans la meilleure veine rap. Psycho-éducateur de son métier, scrutateur fini de l’insondable profondeur de l’esprit humain et rappeur limoulois de la première heure avec ses amis Webster, Boogat et Ken-Lo pour ne nommer qu’eux, s'adonne à l'écriture hip-hop comme d'autres que je ne nommerai pas s'addonne au plein air, par passion. Peut-être aussi par mission, afin de donner un contenu infiniment plus songé (lire engagé contre la bêtise) à un genre qui n'a pas toujours bonne réputation. D’ailleurs, vous avez accès à une biographie succincte du fils bien aimé sur My Space, la bible de la musique virtuel. C'est en français, mais dans un environnement anglais assez détestable qui sent l'assimilation, malheureusement. M'enfin.

Bon, pour l’instant, le disque n’est accessible qu’au paternel qui se fera cependant un plaisir d’en annoncer la parution publique dès qu’elle sera réalité. Il a bien hâte...

Pour en revenir à la fin de semaine de gars, ça faisait bien 15 ans que ça ne m’était pas arrivé. Il a fallu que ma douce parte avec deux amies pour Kamouraska, que Johanne, la conjointe de Denis (lui, c’est le disquaire) soit occupée avec ses sœurs et que Katie, la blonde de Martin et la mère de ses deux fils Jonah et Luka, s’occupe de leur participation aux tournois de hockey de la fin de semaine pour que nous retrouvions tous fins seuls, mais pas désœuvrés du tout.
Outre deux longues sorties montagneuses en raquettes qui nous ont permis de tester notre endurance, notre condition physique et notre capacité à nous parler de la vie en général, de la nôtre en particulier, nous nous sommes confortés autour de la table. Vins rouges (ah, ce Cannoneau du Sardegna!), porto, gros steaks de gars, des discussions pour changer le monde bien sûr et pour se rassurer sur le nôtre, sur nos vies, notre avenir qui est moins lointain, conscient désormais qu’il y a une fin irrémédiable… mais que ce n’est pas demain la veille, ‘stie.

C'est drôle, mais ces quelques heures réparties sur deux jours m'ont fait le plus grand bien et il semble bien que je ne sois pas le seul. Martin, ce matin me faissaait parvenir de courriel où il disait : « Ça m’a fait du bien de NOUS entendre parler de tout et de rien… et de NOUS.
Ça m’a fait du bien de savoir qu’on pouvait le faire en toute confiance et complicité…
Et je veux vous dire toute mon amitié. » Je l'ai relu trois fois et j'ai pris une grande respiration... de bonheur.

Pour couronner le tout, à notre retour vers Québec, en cette belle fin de dimanche après-midi, Denis et moi avons pu observer cette magnifique buse pattue. Elle faisait du vol stationnaire en bordure de l'autoroute 40, à la hauteur de Saint-Barthélémy, cherchant sans doute à plonger sur quelque mulot qui varnoussait dans le foin sec, à la limite de la neige fondue. La photo ci-dessous a été réalisée Michel Forest, ornithologue au cégep de Saint-Jérôme.


Profitez donc de l'arrivée du printemps pour faire comme ce splendide oiseau et prendre majestueusement votre envol vers la lumière dont les jours rallongeant nous abreuve. Bonne et belle semaine à vous!

mardi 17 mars 2009

Fini l’hiver?!!!

Malheureusement, il semblerait qu’il achève bel et bien. Ce vendredi 20 mars marquera l’équinoxe printanier. Déjà. Pour les amateurs de plein air comme moi, cet hiver aura été un peu frustrant. Il a plu en décembre et en février et il a gelé à pierre (ou glace) fendre en janvier. Les journées grises et venteuses ont été nombreuses et celles empreintes de calme et de ciel bleu trop rares.

Mon centre de ski de fond, Le Refuge, a accueilli moins d’adeptes, comme tous les autres centres de la région d’ailleurs. Les collègues et amis avec qui j’avais l’habitude de m’élancer vers le haut des montagnes ont été moins assidus. Au-delà de la température, il y avait comme un manque d’enthousiasme généralisé que je ne m’explique pas.

Mais bon, avec le printemps, vient le vélo et hier, oh bonheur, j’ai aperçu deux kayaks sur une auto. Il paraît qu’à Neuville, juste au pied de l’auberge, on peut facilement mettre à l’eau en toute saison et que la marée n’amène pas les glaces jusqu’à la rive. Dans deux semaines, j’y serai!

Rage et incompréhension
J’aime beaucoup l’acteur et écrivain Robert Lalonde avec ses romans de nature, Le dernier été des indiens, Sept lacs plus au nord, et ses essais ou récits sur l’écriture, la nature et la vie. J’ai lu plusieurs fois Le monde sur le flanc de la truite et je suis à relire Iotékha (« il brûle », en langue mohawk. Lalonde est métis québécois-mohawk originaire de Kanesatake, Oka) où il aborde des questions aussi vitales que ses essais pour arrêter de fumer. Il y parle notamment de rage…

« D’où me vient cette rage de vivre, rage à vivre? Rage contre le monde tel qu’il est, tel qu’on le laisse devenir, tel qu’on l’endure? Rage contre la publicité, l’argent, l’indifférence du cœur, la disparition de la compassion? Rage de l’adolescent de cinquante-six ans qui perd son souffle à clamer l’inachèvement de l’homme et de la nature, la nécessité du regard lucide, cordial? Rage de l’homme qui s’essaie à la sagesse, dans un monde qui méprise les livres, et se pâme devant la télévision (…il aurait pu ajouter l’ordinateur, G.C.), tolère la violence, la bêtise et traite les sage d’illuminés? » Robert Lalonde, Iotékha, Boréal, 2004).


Publiée en 2004, cette tirade a encore gagné en pertinence cinq ans plus tard. Rage? Celle de mon amie Claire face à l’annonce de l’excommunication de cette enfant de neuf ans et de l’équipe de médecins brésiliens qui l’ont avortée à la suite du viol perpétrée sur elle par son beau-père. La petite était enceinte de jumeaux qu’elle ne pouvait en aucun cas mener à terme dans ce pays catho jusqu’à l’intégrisme.

Claire rageait d’autant plus que le violeur n’a subi aucunes représailles de l’Église et de l’archevêque qui a prononcé l’excommunication, ce dernier expliquant que l’avortement était pire que le viol, que c’était un meurtre! « Suivant cette logique, s’est-elle indignée, pourquoi n’excommunie-t-il pas tous les meurtriers? » Parce que, ma chère Claire, toutes les religions monothéistes, le christianisme et l’islamisme en particulier, sont des religions fondamentalement machistes et méprisantes envers les femmes. Le Vatican a d’ailleurs confirmé la décision de cet archevêque débile et, en ce 8 mars, Journée internationale des femmes, a aussi décrété que la machine à laver automatique avait été un puissant libérateur de la femme. À ce compte-là, la misère féminine n’a pas fini de vieillir…

Moi, ça m’a fait rire, enfin, c'est une façon de parler. Pas parce que c’est drôle mais parce que je me dis que tant de bêtises finiront bien par détourner les gens de l’idiotie des religions, du leurre fondamental qu’elles constituent. J’aime beaucoup cette phrase de John Lennon qui proclamait : « God is a concept by which we can measure our pain. » C’est juste ça, pas plus… Malheureusement, j’ai bien peur que mon vœu de voir disparaître cette engeance ne mette des siècles à se réaliser. Y a qu’à regarder aller les talibans arroser les petites filles d’acide… Il n’y a vraiment pas de quoi rire.

Musique
M. Ward
est un folksigner un peu déjantée, comme le style d’ailleurs, et qui est fasciné par le son des guitares dont il sature ses disques. Son dernier né Hold Time, marque une sorte d’aboutissement dans le genre. Les mélodies coulent plus de source et la critique, comme l’auteur de ces lignes d’ailleurs, est ravie. Et en ce printemps, je ne saurais trop vous recommander l’écoute du majestueux Gloria en ré majeur d’Antonio Vivaldi, le moins religieux des prêtres musiciens (certains le soupçonnent même d’être un précurseur de l’athéisme, le saint homme, hi, hi). Personnellement, j’ai un faible pour la version réalisée par l’organiste Simon Preston dirigeant The Academy of Ancient Music, publiée par Decca… si vous pouvez mettre la main dessus.

Sinon, la version de Rinaldo Alessandrini et de son Concerto italiano feront tout à fait l’affaire. Surtout qu’y trône, royale, la merveilleuse mezzo-soprano Sara Mingardo. Disque que la maison Naïve vient de rééditer.
Et pourquoi ce Gloria? À cause des voix, des vents, des cordes, de l’allant, de l’énergie, du vent, de la douceur, de la fraîcheur que cette musique distille, une musique à écouter en auto le long des chemins de campagne, en montagne, lors d’une excursion, ou tout simplement sur votre balcon par une journée de plein soleil. Une musique qui fait sourire. Bonne semaine!

mardi 3 mars 2009

Généalogie et intimité

Étudiant en histoire à l’Université Laval, mon fils cadet Nicolas devait, dans le cadre d’un cours, constituer l’arbre généalogique de sa famille à partir d’informateurs encore vivants. Il a choisi, du côté maternel, sa grand-mère, son seul « grand-parent », comme il le dit. Du côté paternel, il s’en est remis à moi

Le résultat est étonnant et, en ce qui me concerne, si émouvant que j’ai décidé de l’intégrer à mes Chroniques du lundi. Après tout, celle-ci racontent des histoires, des histoires de vie.

Voici donc l’arbre généalogique et l’histoire familiale qu’il raconte et que j’espère enrichir au cours des années qui viennent. Merci, fils chéri.


Le poète
L'an dernier, en janvier, nous avions été invités à la fête d'anniversaire de notre amie Peggie. Pour l'occasion, Dieu nous accompagnait. Toujours aussi parfait, il s'est mis, comme nous, à embrasser sur les joues les personnes qu'on lui présentait, surtout les filles, évidemment. Et heureusement que c'était sur les joues, parce qu'avec le rhume qui l'envahissait, il aurait sûrement transmis ses microbes à toutes ces filles.


Ce soir là, notre héros ne s'est pas contenté de socialiser, de jouer avec les chats et avec les jouets qui traînaient partout. Il s'est lancé dans la lecture de la poésie ampoureuse de Pablo Neruda. Il a lu, notamment, cette belle phrase tirée des 20 poèmes d'amour,

« Vis maintenant!
Risque-toi aujourd'hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d'être heureux! ... ».

Vous en avez la preuve sous les yeux...


La musique
Il m'arrive de sortir de chez le disquaire avec quelques disques qui, après écoute, me font regretter mon achat. Ce qui me déprime singulièrement. D'autres fois, par contre, c'est la totale, quelques heures de poésie vraie, de beauté intrinsèque, d'énergie à la fois forte et subtile. Ça m'est arrivé dernièrement avec trois magnifiques albums.

Le premier met en scène, vous ne vous en étonnerez pas, la musique de cré Bastien Bach, mon héros. Cette fois-ci, c'est le violoncelliste Bruno Cocset et sont ensemble Les Basses Réunies qui reprend les sontaes pour viole de gambe du grand J.S. En vedette en lieu et place de la viole, un violon alto à cinq cordes qui n'existait que sur une peinture d'un certain Bartolomeo Bettera (1639-1688) et dont le luthier Charles Richer a réalisé une copie spécialement pour cette enregistrement. Donc, à l'alto, au ténoer et à la basse de violon s'joute l'orgue et la contrebasse pour nous offrir une musique sublime dont vous pouvez entendre un extrait sur le site Web de l'éditeur, la maison Alpha.

Le second, c'est un concert live que Gianmaria Testa, ce mervielleux et intimiste chanteur italien, a enregistré en mai 2008 dans une café de Rome. Ça s'intitule Solo Dal Vivo et ça met en scène un homme et sa guitare, un chanteur à la voix suavement rauque (il fume, ce con!) et ses chansons délicieusement poétiques. Un pur moment de bonheur. Évidemment, comme il s'agit d'un concert pris sur le vif, il y a des applaudissements. Certains n'aiment pas, mais moi, tant qu'ils ne dérangent pas la musique, â va. Et là, les auditieurs sont respectueux de ce qu'ils entendent. Et, bien sûr, il faut aimer la musique de la langue italienne...
Enfin, encore un Italien, le trompettiste Enrico Rava et son quintette viennent de faire paraître New York Days. Outre le pianiste habituel du maître, Stefano Bollani, on y retrouve l'immense batteur Paul Motian, le bassiste de Brad Mehldau, Larry Grenadier et surtout, le saxophoniste ténor un tantinet coltranien Mark Turner. Et alors? Alors ça donne un jazz aux rythmes très subtiles qui vont d'ambiances debussystes éthérées à des propositions plus fermes, plus engagées qui mettent en valeur la trompette claire de Rava et la sonorité carrément sensuelle du saxo de Turner. Du grand art!

lundi 2 mars 2009

Une généalogie de Nicolas Chaumel


Introduction
Moi, Nicholas Chaumel, suis le fils cadet de Diane Tailleur et de Gilles Chaumel. Mon unique frère est Jean-Philippe.

Pour dresser un portrait fiable et complet de ma famille tel que vu sur le tableau de l'arbre généalogique, j’ai consulté les personnes, dans mes familles maternelle et paternelle, dont les souvenirs remontent le plus loin. Dans le cas de ma famille maternelle, il s’agit ma grand-mère Éliette Gill, le seul grand-parent qui me reste. Dans le cas de ma famille paternelle, il s’agit de mon père. Je me concentrerai essentiellement sur les familles Gill et Chaumel, sur lesquelles j’ai pu obtenir des informations plus nombreuses, tout en tentant d’ajouter ce que je sais sur les familles Tailleur (celle du père de ma mère) et Beaulieu (celle de la mère de mon père).

Il s’agit donc de retracer le parcours des familles Gill et Chaumel, à travers toutes les informations que j’ai pu glaner : les provenances, les métiers et niveaux de vie, l’éducation, les particularités concernant les mariages, bref, les faits saillants dignes de mention qui contribuent à constituer mon ascendance, mon identité.

Provenance

Ma famille maternelle est issue de la réserve ilnu du lac Saint-Jean, Mashteuiash, et ma famille paternelle a toujours résidé dans la ville de Québec, plus précisément dans le quartier Saint-Sauveur. Dans les deux cas, mes parents ne viennent pas de familles très nombreuses. Ma mère vient d’une famille de cinq enfants. Sa mère vient aussi d’une famille de cinq enfants et son père d’une famille de six. Mon père vient d’une famille de trois enfants. Par contre, si mon grand-père paternel est fils unique, ma grand-mère vient d’une famille de dix-sept enfants dont elle s’est elle-même longtemps occupés. Il n’y a pas de cas de mortalité infantile notoire. J’ai su que chez les générations antérieures, sur la réserve de Mashteuiatsh, mes arrières-arrières-grands-parents en auraient eu quelques cas. Les autochtones ont longtemps souffert de taux de mortalité infantile importants à cause des conditons sanitaires qui prévalaient dans les réserves et, auparavant, des difficultés de la vie traditionnelle. Celle-ci n’a en fait commencé à baisser de manière notoire que dans la dernière décennie du XXe siècle[1].

La famille Gill est la « première » famille à arriver sur la « Pointe-Bleue », qui allait devenir une petite réserve en 1853[2]. La réserve fut renommée Mashteuiatsh en 1983, à la demande des Ilnus. Cependant, l’histoire n’est jamais aussi simple, ce territoire étant fréquenté des Innus depuis des temps immémoriaux, on ne peut, en toute justice, affirmer qu’une famille y ait précédé une autre. Mais la création des réserves a été pour ces populations nomades la fin officielle d’un mode de vie très ancien et l’on sait qu’Ambroise Gill, un Abénaquis vivant depuis peu chez les Ilnus, s’y est installé pratiquement le premier en 1857. Il est le père d’Amable Gill, lui-même étant le père d’Émile (Pépère) Gill. Émile est le grand-père d’Éliette, ma grand-mère, née le 8 janvier 1929. Elle-même est fille de Paul-Émile Gill et de Blanche Boivin. Blanche, est blanche, originaire de Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean Je mentionnerai que je jugeais digne d’intérêt de parler ici d’histoires concernant Ambroise et Amable, mais que je n’ai pas inclus ceux-ci dans mon arbre généalogique, que j’arrête à Émile, personnage que ma grand-mère a bien connu, au contraire des deux autres.

De Roberval, où elle s’était installée après son mariage, ma grand-mère est venue à Québec en 1973, pour assurer un avenir à ses enfants en leur donnant l’accès à une meilleure éducation, m’a-t-elle dit. C’est la seule migration familiale « majeure » de ma famille immédiate.

Je remonte un peu moins haut dans ma généalogie paternelle à l’heure actuelle. Mon père, Gilles, est le fils aîné de Gaston Chaumel, lui-même fils unique de Christian Chaumel. Savoir que mon grand-papa Gaston est né le 10 septembre 1914, m’a permise de comprendre « qu’est né (entre 1861 [et] 1921), à une période marquée par une forte émigration et par une baisse du taux de natalité »[3]. Qu’il soit fils unique m’avait malgré tout semblé étonnant. Nous verrons plus loin à quoi cela tient. Ma famille paternelle vient du quartier Saint-Sauveur à Québec, plus particulièrement de la paroisse Notre-Dame de Grâce. Cependant, mon arrière-grand-père, Christian Chaumel, est Français, provenant de Saint-Cyprien, en Dordogne. De lui, nous ne savons que peu de choses. Il est né le 24 novembre 1882 d’Émilie Giraud et de Jean-Michel Chaumel. Sa femme, Adela est née de Délia Lachaîne dit Jolicoeur et de Ferdinand Pouliot, qui ont toujours habité Saint-Sauveur. Il a émigér au Québec en 1912 et est reparti en France au cours de la Première guerre mondiale.

Les métiers et niveaux de vie
Je viens de deux familles de niveau social comparable. En général, du côté maternel, on semble pratiquer des métiers avec revenus acceptables sans toutefois être élevés, sinon pour le frère de ma grand-mère, Aurélien Gill, qui fut sénateur. Pépère Émile était gardien de barrage durant l’été. Il partait au printemps et on ne le revoyait qu’à l’automne. Son fils, Paul-Émile (père de ma grand-mère), après avoir été guide de chasse et de pêche durant de longues années, est devenu propriétaire d’une petite compagnie de transport : autobus scolaires et camions de charroi de matériaux de barrage. Il avait la charge de quatre employés. Sa femme, Blanche Boivin, aurait eu un petit restaurant. Ma grand-mère, fait remarquable, est la première enseignante laïque de la réserve de Pointe-Bleue. Elle a enseigné à l’école de village de Pointe-Bleue et ensuite en suppléance à Roberval à l’école Benoît-Duhamel. Elle a temporairement arrêté de travailler après son mariage mais a repris le travail assez rapidement, pour subvenir aux besoins des siens. À Québec, surtout après son divorce, elle devait travailler; elle a trouvé emploi au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de 1973 à 1989. Son mari, Noël Tailleur, était mécanicien-garagiste. Soulignons qu’il est blanc. Ma mère est infirmière. Elle pratique autant dans les CLSC que dans les hôpitaux et a longtemps fait du service à domicile.

Du côté paternel, mon père provient d’une famille au niveau de vie classe moyenne. Mon arrière-grand-père Christian Chaumel était électricien de profession et fils d’huissier. Cependant, il était également lieutenant de l’armée française. Si j’ai bien compris, il vint au Québec pour s’établir en 1912. Quelques semaines après son arrivée, il a rencontré mon arrière grand-mère, grâce à des amis communs. Mais il s’est engagé dans l’armée française au début de la guerre, Il a fait de nombreuses tournées au Québec en compagnie de sir Wilfrid Laurier, alors premier ministre du Canada, afin d’inciter les Québécois participer comme soldat à l’effort de guerre. . Mon grand-père est né en 1914, année où éclate la Première Guerre mondiale.

Sa femme Adela était coiffeuse, chanteuse (non professionnelle) et fille de boulanger. Mon grand-père Gaston était fonctionnaire pour le gouvernement. Cet emploi, dans les années 1940-1950, était plus précaire qu’il ne l’est aujourd’hui, notamment avant la syndicalisation : « en 1943, la situation des fonctionnaires québécois était très pénible, que ce soit sur le plan de la sécurité d’emploi, des salaires, des perspectives de carrière ou de pension »[4]. Ma grand-mère Jeanne était coiffeuse. Malgré des revenus modestes, elle était très prévoyante et la famille n’a jamais manqué de rien, dit mon père. Mon père a occupé divers postes de communicateur dans la fonction publique, notamment au ministère des Transports, au Secrétariat aux affaires autochtones et à Tourisme Québec.

Je viens donc moi-même d’une famille de classe moyenne somme toute confortable.

Mariages et divorces
Ma grand-mère maternelle a épousé Noël Tailleur en 1953. Mon grand-père était alcoolique et ce problème eut raison de leur mariage en 1974. Il en mourut le 24 juin 1985 à l’âge de 54 ans. Je ne l’ai pas connu, même si j’avais trois ans à l’époque. Lorsqu’elle s’est mariée avec un Blanc, ma grand-mère a perdu son statut d’Amérindienne, comme le prévoyait alors la Loi sur les Indiens. Ce n’est qu’en 1985, avec la modification de cette loi , qu’elle a pu le récupérer[5].

Mon arrière-grand-père Christian Chaumel a été marié à Adela plusieurs années semble-t-il, bien qu’ils n’aient été en ménage qu’un peu plus d’un an. On a longtemps dit qu’il était disparu à la guerre (mais sans certificat de décès l’attestant). Il semble que ce soit plutôt une histoire d’adultère qui mit fin à leur ménage, histoire que mon grand-père n’apprendra jamais et qui sera révélé… le jour de son enterrement ! Mon arrière-grand-mère ne put se remarier qu’après avoir eu la certitude de son décès ; elle resta donc longtemps seule à élever mon grand-père, avec la bienveillante complicité de ses parents à elle. C’est ce qui explique que mon grand-père soit enfant unique.

Gaston épousa très tard Jeanne Beaulieu, qu’il connaissait depuis l’adolescence, ma grand-mère étant coiffeuse au salon de la sœur d’Adela. Ils avaient respectivement 37 et 39 ans. Je ne m’explique pas qu’ils se soient mariés aussi tardivement, sauf que mon grand-père a été malade de longues années (tuberculose). C’est ma grand-mère qui aurait fait la demande en mariage. Mon père dit « pour ne pas finir vieille-fille ». Ils sont toujours restés ensemble.

Mes parents se sont mariés le quatre septembre 1976. Ils se sont rencontrés à la piscine. Terrassés par un violent coup de foudre. Quatre ans plus tard mon frère naquit, le 14 juillet 1980. Je suivis vingt mois plus tard, le neuf avril 1982. Mes parents ont divorcé j alors que j’avais quatre ans. Je ne m’en souviens pas. Ils ont conservé une bonne relation et tous deux vivent maintenant avec de nouveaux conjoints, mais pas remariés.
Scolarité


Du côté de ma mère, sur la réserve, la scolarité était généralement du niveau de deuxième ou troisième année. On pouvait aller jusqu’à la septième année, me dit ma grand-mère. Elle dit qu’il fallait aller à l’extérieur pour poursuivre, l’endroit le plus proche, du moins pour les filles, étant l’école des Ursulines de Roberval. Ma grand-mère eut deux sœurs et deux frères dont un, Aurélien Gill, a étudié à Montréal et est devenu un politicien autochtone reconnu. Elle-même a sa neuvième année plus deux années d’école normale, pour l’enseignement. Son mari, Noël, avait une douzième année. Ma mère a un baccalauréat en soins infirmiers de l’Université Laval qu’elle a fait assez tard. Elle était technicienne en soins infirmiers jusque vers 1995.

Du côté paternel, je possède un peu moins de renseignements. Je sais que mon grand-père a une douzième année, et qu’il a sans doute fréquenté un établissement semblable à l’Académie commerciale de Québec. Ma grand-mère Jeanne a une deuxième année, car elle devait s’occuper de la famille. Ce pourquoi elle travailla comme coiffeuse dans le salon de la tante de son futur mari. Ils se sont donc connus très jeunes, mais se sont mariés très tard, comme on le verra. Mon père, lui, est bachelier en histoire de l’Université Laval. Il est le plus scolarisé des trois enfants de sa famille.

Bilan



Les parcours de mes deux familles sont donc assez différents. Ma famille maternelle est plus en mouvance que ma famille paternelle, très sédentaire (ma grand-mère Chaumel n’aura déménagé que deux fois au cours de sa vie). Le contexte historique qui entoure ma famille maternelle est celui des réserves indiennes et plus précisément des métis. Les métis étaient mal vus des Ilnus, comme des Blancs d’ailleurs. Je sais que ma grand-mère et ses enfants ont souffert de cette situation, j’en ai moi-même témoigné une fois. De surcroît, l’alcoolisme, très présent sur les réserves, n’a pas épargné ma famille, bien que pour ce qui est de ma mère et ses frères et sœur, un seul en a personnellement souffert et….. s’en est sorti. Ma grand-mère a su faire les bons choix pour assurer le meilleur avenir possible à ses enfants qui lui en sont reconnaissants.

Du côté de mon père, le contexte social va de pair avec celui des quartiers ouvriers de la ville de Québec. Faible revenu, sédentarité, pas de mobilité sociale, mon père affirme malgré tout avoir eu une enfance heureuse, l’hiver à la ville et l’été à la campagne. Ccela est attribuable aux sacrifices et à la prévoyance de sa mère. Un fait est remarquable : Christian et Gaston Chaumel sont connus comme de grands mélomanes. Du côté Beaulieu et Pouliot, on compte également de nombreux musiciens et amateurs de musique. Mon arrière grand-père Beaulieu, bohcer de métier, était grand amateur d’opéra. Il s’agit d’un trait caractéristique de la famille Chaumel. Mon père est un grand érudit de musique. Je suis ses traces et mon frère et moi pratiquons tous deux la musique de manière semi-professionnelle.

[1] Joe Sawchuck, « Conditions sociales des autochtones », L’Encyclopédie Canadienne [En ligne], Fondation Historica. (Consulté le 8 février 2009).


[2] Christiane Noël, La culture traditionnelle des Montagnais de Mashteuiatsh, Québec, Septentrion, 1997, p. 18.


[3] J. Hd. « L'évolution démographique du Québec depuis 1710 », Populations (French edition), 30e année, Démographie historique (Nov. 1975), p. 254. (PP.253-256)


[4] James I. Gow, « Le syndicalisme des fonctionnaires du Québec, 1943-1964 : l’histoire du Conseil général des employés de la province de Québec », Revue canadienne de science politique, vol. 17, no 1(Mars 1984), p 146. (PP.145-156)


[5] Université de Sherbrooke. « 28 juin 1985 : dépôt du projet de loi fédéral C-31 sur le statut des autochtones », Bilan du siècle [En ligne]. (Consulté le 6 février 2009).



Bibliographie
GOW, James I., « Le syndicalisme des fonctionnaires du Québec, 1943-1964 : l’histoire du Conseil général des employés de la province de Québec », Revue canadienne de science politique, vol. 17, no 1(Mars 1984), p. 145-156.

HD., J. « L'évolution démographique du Québec depuis 1710 ». Populations (French edition), 30e année, Démographie historique (Nov. 1975), p. 253-256.

NOËL, Christiane, La culture traditionnelle des Montagnais de Mashteuiatsh, Québec, Septentrion, 1997, 159 p.

SAWCHUCK, Joe. « Conditions sociales des autochtones ». L’Encyclopédie Canadienne [En ligne], Fondation Historica. (Consulté le 8 février 2009).

Université de Sherbrooke. « 28 juin 1985 : dépôt du projet de loi fédéral C-31 sur le statut des autochtones », Bilan du siècle [En ligne]. (Consulté le 6 février 2009).