Les coups de cœur jazzistes m’ont été rares en 2017;
quelques titres sur, comme d’habitude, une pléthore d’enregistrements trop
souvent redondants ou remplis de lieu communs. N’empêche, il y a
d’irréductibles défricheurs et défricheuses, chercheurs de sonorités rares,
voire poétiques qui savent retenir l’attention.
En tête de liste, une réédition de 1960, la trame sonore que
Thelonious Monk
enregistra des pour la version du cinéaste Roger Vadim des Liaisons
dangereuses, version Roger Vadim. En fait, on doit plutôt parler d’édition
parce que travail de Monk pour ce film n’a jamais paru sur disque et dans le
film, on n’entend que de cours moments de ce que le grand pianiste compositeur
a enregistré… sans se préoccuper du minutage du film. Sur l’album nouvellement
paru, on découvre de magnifiques versions de Crepuscule with Nellie et de Pannonica,
la première pour sa femme bien-aimée, la seconde pour son amie et mécène la
baronne Nica de Konigswater, deux des artisanes de cette enregistrement comme
le raconte Alex Duthil sur France
Musique.
Puis l’incomparable Cécile McLorin-Savant qui,
avec Dreams
and Daggers, nous offrent la grande leçon de jazz chanté que nous
n’espérions plus depuis l’extinction des grandes chanteuses classiques du
genre, les Ella, Sarah, Billie. Album double très concept qui oscille
constamment entre rêverie et angoisse, bonheur et tristesse, douceur et angoisse, swing débridé et ballades
suaves, Dreams & Daggers propose
des compositions originales de la chanteuse et des interprétations d’œuvres de
Kurt Weill, Irving Berlin, Ida Cox, notamment, le tout dirigé de main de maître
par Aaron
Diehl, le pianiste et chef d’orchestre de la dame... du grand art.
Dernier des géants du saxo ténor avec le tutélaire Sonny
Rollins, Charles Loyd, 79
ans, n’en continue pas moins d’être créatif, vif, puissant, poussée par un
« new quartet » d’enfer mené par le pianiste Jason Moran
qu’accompagne les contrebassiste Reuben Rogers et le batteur Eric Harland. Ce Charles Lloyd new quartet, plus
incantatoire et coltranien que jamais, a fait paraître, sur Blue Note, Passin’ Thru,
un album enregistré en concert en 2016, à Montreux et à Santa Fe.
C’est, pour résumer en un mot : géant!
À l’opposé, Fred Hersch, ce pianiste de l’intime et de
la douleur, ce mélodiste pétri de Bill Evans, ce créateur de liberté, a fait
paraître sur l’étrange label Palmetto, un solo inspiré intitulé (open
book) . L’album s’ouvre sur une réminiscence du long coma qui l’a
affecté alors que le VIH l’envahissait de toutes part; the orb, que ça s’appelle, et c’est diablement beau. Suit une longue
improvisation du plus de 19 minutes intitulée through the forest, dans un style jamais entendu, me semble-t-il, chez
Hersch. Face 2, édition sur vinyle, on trouve une réappropriation d’œuvres de
Benny Golson (whisper not), d’A.C. Jobim (zingaro), de Billy Joel (and so it
goes) et eronel de ce Thelonious Monk si cher à Hersch.
Ambrose Akinmusire
est un jeune trompettiste d’une énergie redoutable doublé d’un sens poétique
indéniable, comme en font foi, les tires de ses albums : When the Heart Emerges glistening ou the imagined savior is far easier to paint.
C’est lui qui, avec son quartette, a donné le
plus époustouflant concert de l’édition 2017 du Festival international
de jazz de Montréal. C’est avec ce même band qu’il a enregistré, pour le compte
de Blue Note, A
Rift In Decorum, Live at the Village Vanguard, paru en cours
d’année. Akinmusire, c’est le
jazz (acoustique!) dans toute sa contemporanéité, fait d’envolées
instrumentales intenses, parfois retenues mais toujours virtuoses, bien au-delà
du hard bop ou de quelque qualificatif que ce soit, et qui compte sur la
participation égale de tous les membres du quartette. L’avenir du jazz, c’est lui…
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