lundi 11 juin 2018

Un si beau dimanche à Saint-Antoine-de-Tilly



Jour lumineux que ce dimanche 11 juin, ciel clair d’un bleu intense et tous ces arbres brillants de verts mouvants portés par une brise douce d’une émouvante tiédeur. C’était enivrant à Neuville et, en après-midi, magique à Saint-Antoine de-Tilly où Loulou et moi avions rendez-vous avec un grand poète-chanteur malheureusement devenu trop confidentiel : Jacques Bertin.

Mais avant, on s’est arrêté chez nos amis Janine et Bertrand, qui ont leur maison juste en haut de la côte qui mène au quai. Eux aussi venaient voir Bertin. Mais comme il était tôt, on en a profité pour arpenter cette terre de rêve qu’ils habitent et enrichissent d’art et de cultures, jardins et vergers, entre autres. Janine Parent est une céramiste exceptionnelle, grande spécialiste de la technique du raku, dont le travail est reconnu internationalement. Mais pour l’heure, elle était surtout fière de son potager et de son champ d’ail…




Le dimanche après-midi, on dirait que ce lieu est encore plus pur, comme hors des vicissitudes et des tempêtes de ce monde de plus en plus policier et fasciste. Là,  où « …tout est beauté, luxe calme et volupté » comme le chante Bertin de ce poème de Beaudelaire mis en musique par Ferré. 



Ce Bertin, dont on disait, au début des années 1970, qu’il était le futur de la grande chanson française, celle des Morelli, Soleville, Brassens, Brel et Méo Ferré. Et c’était vrai. Fallait l’avoir entendu, au milieu des années ’80, au Théâtre du Petit-Champlain, distiller sa verve, magnifier ses mots avec un esprit caustique, chanter de sa belle voix sonnante comme celle d’un violoncelle. Avec les deux déjà sur scène, ça en faisait trois. C’était riche de sons et de mots, comme cette Fête étrange avec laquelle il a commencé son concert… Tout comme ce disque en spectacle nommé Café de la danse 1989 qui demeure mon préféré de tous et que j’écoute encore, 30 ans plus tard, avec beaucoup d’émotions.


Photo : Dominique Denis 

Je voudrais une fête étrange et très calme

Je voudrais une fête étrange et très calme
avec des musiciens silencieux et doux
ce serait par un soir d’automne un dimanche
un manège très lent, une fine musique
 
Des femmes nues assises sur la pierre blanche
Se baissent pour nouer les lacets des enfants
Des enfants en rubans et qui tirent des cerfs-volants blancs
Les femmes fredonnent un peu, leur tête penche
 
Je voudrais d’éternelles chutes de feuilles
L’amour en un sanglot un sourire léger
Comme on fait entre ses doigts glisser des herbes
Des femmes calmement éperdues allongées
 
Des serpentins qui voguent comme des prières
Une danse dans l’herbe et le ciel gris très bas
lentement. Et le blanc et le roux et le gris et le vert
Et des fils de la vierge pendent sur nos bras
 
Et mourir aux genoux d’une femme très douce
Des balançoires vont et viennent des appels
Doucement. Sur son ventre lourd poser ma tête
Et parler gravement des corps. Le jour s’en va
 
Des dentelles des tulles dans l’herbe une brise
Dans les haies des corsages pendent des nylons
Des cheveux balancent mollement on voit des nuques grises
Et les bras renvoient vaguement de lourds ballons


Hier, comme c’est le cas depuis quelques années, il s’arrête à Saint-Antoine-de-Tilly pour un tour de chant. Concert intime, privé, devant des amies et des amis qui connaissent son œuvre de longue date, concert donné dans une grande maison appartenant à Claire, la sœur de Madame Culture, à Québec, Paulette Dufour. Et, sur le bord du grand fleuve, nous avons retrouvé avec bonheur le poète chanteur et ses mots tant graves, tantôt drôles. Ce grand pessimiste qui rêve d'espoir! Que faire?




Aucun commentaire: