« Pourquoi. La nuit, elle dort d’un sommeil lourd qui
lui enfouit le front jusque dans les dunes de son oreiller. Son visage tremble
dans la noirceur sa chambre close. Elle se raidit dès que quelqu’un hausse la
voix. La peur la pourchasse dans ses cauchemars de mère. Elle pleure et
personne ne la console. Elle oublie. Elle rit.
« Je voudrais lui dire que je sais. Pourquoi je me
tais.
« Le silence, je voudrais écrire le silence. »
Naomie Fontaine, Kuessipan, éditions Mémoire d’encrier.
Cet extrait est tiré d’un tout petit recueil d’une centaine
de pages, qualifié de roman par l’éditeur. Écrit gros avec plein de pages d’un
ou deux paragraphes seulement, le livre contient, finalement, peu de mots, en
somme. Mais chaque phrase, toujours courte, entre comme un scalpel dans
l’esprit et le cœur du lecteur. Kuessipan est l’œuvre d’une jeune
Innu de Uashat nak Mani-utenam. Elle a 23 ans, mais on lui en donnerait au
moins 1 000. Elle est la parole du silence qui entoure depuis des générations
les parqués dans les réserves du Canada, ce silence comme un cri de douleur, de
mal-être, d’angoisse et de
dépossession. Ce livre, c’est aussi celui du rire, des amours, du battement du
tambour, de la nature apprivoisée et nourricière, celle qui fait la nature même
de l’Innu. Ce livre, comme le dit Dany Laferrière, est celui « …d’un
archer qui n’a pas besoin de regarder la cible pour l’atteindre en plein cœur.
Mon cœur. »
La vie sans réserve
Encore et toujours, il y a le fleuve. Peu importe les
saisons, il est attirant. On le regarde sans cesse, toujours nouveau, toujours
vivant. Toujours envie d’y naviguer, et, ce printemps, de se mêler aux oies,
bernaches, fuligules, sarcelles et autres garrots d’Islande ou à œil doré qui
s’y arrêtent pour quelques semaines.
Alors, on sort le kayak et on le glisse doucement sur
l’onde, lentement, pour ne pas effaroucher ce monde de plumes et de
piaillements qui s’anime sur la mer étale. Pas question toutefois, de tenter
d’approcher de quelque volatile que ce soit. On n’a nulle part où se cacher. On
est visible à des kilomètres et, même délicat, le bruit de la pagaie dans l’eau
se répercute à l’infini… On peut juste faire semblant d’être partie intégrante
du décor et contempler l’énorme aéroport que devient le Saint-Laurent de mars à
mai. Et en profiter…
Vélo
Malgré que le fond de l’air soit encore frais, la saison de
vélo à l’extérieur est bel et bien commencée. Si vous voyez comme ça roule le
long de la 138 entre Saint-Augustin et Deschambault et même plus loin… Des
cyclistes tout bardés de cuissards et maillots tachés de publicités divers, des
bécanes de 5 000$, des casques en formes de fusées. Tu te demandes de quoi tu
auras l’air parmi tous ces pistards de grands chemins.
Tu prends la route
timidement et déjà, direction ouest, faut mettre la pédale dure, une longue
côte attend, pas tellement abrupte mais assez longue. Et puis ce vent de face,
incessant et fort, finalement, bien plus qu’il n’y paraissait à l’arrêt. Le
réchauffement musculaire se fait rapidement. Tu travailles fort et avance entre
22 et 26 km/h. Alors tu penses que tous les pistards vont te passer comme si tu
n’existais pas. Mais non, personne ne passe et toi-même, sans t’en rendre
compte dépasse un cycliste qui te salues gentiment. Et tu continues comme ça
jusqu’à Portneuf, quelque 25 km plus loin avant de virer de bord.
Photo de... l'été dernier.
Et là, tu comprends! Tout est dans le vent! Ta vitesse passe
de 25 à 35, puis 40 km/h avec même une pointe à 50 km/h sur un faux plat
descendant!! Les pistards qui ont l’air de rouler comme des fusées le font le
vent dans le dos!!! Bon, ok, t’en connais au moins un que 35 km/h face au vent,
c’est sa vitesse de croisière et 50 km/h dos au vent, c’est aussi sa vitesse de
croisière. Mais il a la moitié de ton âge et… c’est une machine! Salut Yohann!
Tiens, je me fais un p.s. juste pour me vanter. Mardi,
journée de grand vent, je suis descendu à Québec à vélo, vent de dos. Quelque
part entre Neuville et Saint-Augustin, j’ai atteint une pointe de vitesse de
57,9 km/h sur à peu près 400 m. Mon meilleur score à vie. Un peu plus loin,
dans la côte qui mène à Cap-Rouge, mon odomètre a marqué 70,7 km/h… Mais là, je
n’y étais pour rien.
Iyer/Mehldau
Presqu’en même temps les pianistes vedettes du jazz que sont
Brad Mehldau et Vijay Iyer viennent de sortir des albums en
trio. Le premier s’intitule Ode et
met en vedette les collaborateurs habituels de Mehldau, le bassiste Larry
Grenadier et le batteur Jeff Ballard. On connaît beaucoup Mehldau pour ses reprises
de musiques pop ou folk contemporaines. Ses relectures de compositions de
Radiohead et de Nick Drake ont en partie fait son renom, tout autant que son
lyrisme emporté et son sens mélodique. Ode
est dans la même veine à ceci près que toutes les compostions sont l’œuvre
du pianiste. Peu de surprises, mais toujours autant d’inventivité et une
cohésion à toute épreuve.
Chez Vijay Iyer et son album Accelerando, tout est en puissance,
intensité, progressions harmoniques et syncopes. Tout est science chez ce
musicien physicien de formation, et tout est couleurs aussi, avec une
rythmique des plus percussive.
Bref, une musique riche, d’avant-garde, qui saura convertir les plus difficiles
des mélomanes et séduire les amateurs de nouveautés. Accelerando propose des
compositions originales et des reprises tout aussi originales d’œuvres d’Herbie
Nichols, Henry Threadgill ou Duke Ellington. Mais qu’on ne s ‘y trompe
pas, tout cela, c’est du Vijay Iyer pur et dur!!
Phil Alvin
Aucun commentaire:
Publier un commentaire