mardi 26 janvier 2010

Mort, désolation et spoliation…


Photo: Ivanhoé Demers, La Presse
(cliquez pour agrandir... un ti-peu)

« L’abomination de la désolation », disait mon ancien prof, l’historien moderniste Robert Mandrou, quand il parlait d’une situation désespérante. C’est l’expression qu’il utilisait par exemple, pour parler des grandes famines qui ont tué des millions de Français au 17e siècle, pendant que ti-Louis XIV, le roi dit soleil jouait à la guerre dans toute l’Europe ou, plus souvent qu’autrement, dansait à Versailles au détriment de son peuple. Abomination de la désolation, expression qui s’applique malheureusement trop bien à Haïti depuis le tremblement d’il y a deux semaines et qui aurait, jusqu’à maintenant, provoqué la mort de quelque 200 000 personnes. Et on peut penser qu’il y en aura d’autres, des morts, vu l’état de dévastation totale de la capitale, Port-Au-Prince, et de quelques autres villes importantes.

En écho à Richard Desjardins qui se questionnait : « J’me demande ben ce que le bon yeu peut avoir contre l’Afrique? », on peut aussi s'interroger sur la colère divine à propos des Haïtiens : « Coudon, le bon yeu les haï-ti? », une catastrophe n’attendant pas l’autre… Moi, athée fini, ça me pose même des questions sur l’existence même de Dieu, une telle suite de calamités ne pouvant être que l’œuvre d’une force supérieure. Mais non, tout cela n’est dû qu’à des forces naturelles pour ce qui est des tremblements de terre. Port-Au-Prince, bâtie aux confluents de deux plaques tectoniques, celle d’Amérique et celle des Caraïbes, en est déjà à son troisième séisme depuis sa fondation au milieu du 17e siècle.

Pour le reste, la déforestation et les inondations cataclysmiques sont dues à l’activité humaine, à une exploitation éhontée des ressources naturelles par les dictateurs du passé, les Papa Doc et fils avec la complicité des nations impérialistes nord américaines. Les mêmes qui, aujourd’hui, volent au secours du pays pour mieux en reprendre le pillage une fois qu’il sera reconstruit.

Pour en savoir plus, je vous reporte à une chronique de Patrick Lagacé intitulée Un île, un peuple, deux destins, que le journaliste de La Presse a publié pour répondre au nombre de plus en plus grands de morons qui lui laissaient clairement entendre que les Haïtiens étaient de pauvres nègres un peu caves qui avaient couru après leur malheur. C’est mêler l’injure à l’ignorance crasse comme ces deux animateurs de CHOI FM qui ne donneront rien aux sinistrés d’Haïti parce qu’ils paient déjà assez d’impôts au fédéral et qu’ils ont droit à leur petite bouteille de vin le vendredi soir. Voici l’extrait… tel que retenu par l'Infoman en personne, Jean-René Dufort.

Enfin, l'intervention rapide de la « communauté internationale » repose sur deux constats à mon avis; le sens de la solidarité et la compassion des populations du monde (les morons du type mentionné ci-dessus sont quand même des exceptions, faut l'espérer) et l'opportunisme de leurs gouvernements qui y voient sans doute une occasion unique de faire de l'argent avec la reconstruction de ce pays de misère...

Mot d’enfant

Ma Loulou est toujours en amour avec Dieu, son petit-fils Gédéon. En fin de semaine, elle est allée le chercher chez lui en ville, pour le ramener dans les hauts de Stoneham et de Saint-Adolphe. En route, grand-mère et lui jasaient de la vie et tout ça. Après un moment de silence, le petit, ébloui par la blancheur des montagnes environnantes, a dit : « blanche neige. » Ça se voulait une expression d’admiration devant l’immensité nordique qui s’offrait à lui. À presque 4 ans, cet enfant possède une étonnante capacité d'abstraction, qu'elle soit poétique (c'est fout l'imagination dont il fait preuve) ou spatiale.

Ma douce, avec une de ces méprises dont elle seule a le secret, a cru qu’il parlait du conte, Blanche-Neige et les sept nains. « Oh, mais je ne m’en rappelle plus mon chéri, tu la connais cette histoire? »

- N- Non, je ne la connais pas, répondit-il.

- El- Elle est un peu compliqué, reprit-elle, faudra que je la relise avant de te la raconter, mais je peux te dire celle du petit Chaperon rouge. Tu la connais?

- O- Non, mais je connais celle de Bob l’Éponge par exemple!

J’aurais donné 100 dollars pour voir la tête de ma Loulou à ce moment-là. D’ailleurs, sidérée, elle n’a plus dit un mot du reste du trajet qui, heureusement, arrivait à terme. Tiens toi avec tes histoires de grands-mères. Bob l’a fait vieillir d’un coup, j’en suis sûr. Hi, hi…

Dieu et Loulou ont une passion commune, la cuisine.

Le porte-bonheur

En soupant, ce soir, après une journée fertile en émotion où elle présentait son plan Nord touristique à la table des partenaires vivant au nord du 49e parallèle, ma Loulou, m’a dit : « Il fallait que j’aille te voir ce midi, avant notre présentation, je savais que c’était pour me porter chance. » En fait, je n’étais pas loin, je roulais comme un malade dans le cours de spinning du Nautilus de place Québec. Il devait être midi. Elle m'a fait un petit salut à travers la vitre et, avec un sourire large de même, elle est repartie vers son destin insolite.

« Tu vois, qu’elle ma dit ma douce, il fallait que j’aille te voir pour être certaine que tout irait bien. Ça fait 15 ans que je me demande quel effet tu as sur moi et là, j’ai trouvé. Tu es mon porte-bonheur. »

Eh ben… hi, hi…

Musique ancienne, très ancienne

Alors voilà, tant qu’à être dans les tragédies, en voici une très ancienne, celle de la tragédie cathare de l’Occitan des 12e et 13 siècles. Le catharisme est une ancienne croyance chrétienne en marge de la doctrine de l’Église officielle et qui basée sur deux principes éternels et immuables de la vie, le bien et le mal.

La chose a eu ses adeptes tant en Orient qu’en Occident chrétiens mais c’est en Occitanie, dans le sud de la France actuelle qu’elle s’est le plus développée, au cœur d’une civilisation riche et ouverte aux influences de tous les mondes méditerranéens et même au-delà. Alors là, voilà un monde qui vise la perfection morale sans renoncer aux plaisirs de la vie, surtout ceux de la musique. C’est de là qu’est née l’amour courtois, c’est dans cette civilisation cathare où les femmes poètes étaient l’égal des hommes, où l’idéal était de ne pas faire d’enfants pour que l’humanité arrive au plus vite au royaume des cieux, une société qui dénonçait le simonisme de l’Église catho officielle. Résultat, le pape a levé une croisade contre cette société albigeoise (le cœur du pays Cathare se trouvait à Albi) et 20 000 personnes ont perdu la vie parce qu’elles n’ont pas voulu livrer les 250 que les croisés demandaient. Le massacre de la civilisation occitane…

C’est pour souligner et rappeler les 800 ans de cette croisade contre ce « Royaume oublié » que le violiste et musicologue Jordi Savall a réalisé cette œuvre, ce chef-d’œuvre pardon, de trois disques qui reprend les musiques que l’on a pu entendre à la cour albigeoise, qu’elles soient d’origine occidentales ou orientales. Toute une équipe d’historiens et de musicologues a entouré les chanteurs, récitants, musiciens d’origine diverses (France, Espagne, Italie, Turquie, Arménie, Maroc, Bulgarie, Angleterre, Grèce) pour recréer un répertoire littéralement envoûtant. Poésie séculaire et religieuse, musiques de l’amour courtois médiéval, récits de la croisade et de ses violences à travers des musiques de tous le mondes des 12e et 13e siècles. Le résultat est époustouflant, sans doute le plus bel enregistrement de ce maître de musique qui en compte plus d’une centaine à son crédit.

Le royaume oublié, la tragédie cathare. Jordi Savall, La Capella Reial de Catalunya et Hesperion XXI. Disques Aliavox

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