Robert Johnson par Robert Crumb
J’aime
le blues. Le vieux, le dit rural qui vient du Delta du Mississippi ou du
piedmont américain, dans le coin de l’Alabama et de la Géorgie. J'aime aussi celui de
Chicago, d'avant qu’il ne crée le rock and roll mais qu'il portait
déjà dans son sang, ses gênes, sans gêne.
Je suis fan depuis toujours de Blind Willie Mc Tell et autres aveugles pour qui la musique
était le seul moyen de suivie, Willie Johnson, Blind Blake, John Davis, et tant
d’autres qu’on peut se demander s’ils n’étaient pas tous plus ou moins aveugle. J'écoute avec passion tous
ces rescapés de l’esclavage, de la misère…noire, les Robert Johnson (et son
maître Son House), Howlin’ Wolf, Sam Lightnin’ Hopkins, l’ancêtre, Charley
Patton, le si bouleversant Champion Jack Dupree (qui savait pourtant être un
swingneur de haut niveau), le lettré W.C. Handy qui savait si bien les écrire et, donc
assurer leur postérité.
Puis
vint le Nord, Chicago et tout le blues électrique électrisant du très grand
Muddy Waters, à qui les Rolling Stones vouent un véritable culte, et à sa gang,
les Otis Spann, Jimmy Rodgers, Jimmy cotton, J.B. Hutto et Buddy Guy, le
dernier guitariste d’une longue lignée qui a marqué de manière indélébile l'empreinte musicale de la ville. Bon, et n’oublions pas quelques outsiders magnifique comme J. B. Lenoir
ou Monsieur guitare et sa Lucille, Bebé Roy, le B.B. King si cher à Eric
Clapton, le chantre de Détroit, John Lee Hooker à l'envoûtante voix grave.
Surtout,
que dire de ces dames, ces dames qui ont été les premières grandes voix de ce
genre naissant, qui le feront connaître à la grandeur de l’Amérique, ces Bessie
Smith, Ma Rainey, Ethel Waters et plus tard, Sippie Wallace et Big Mama
Thorton. Et aujourd’hui, il y a Rhiannon Giddens et Leyla McCalla, pour, à leur
façon, reprendre le flambeau.
Tous
ces personnages uniques, et des centaines d'autres, on les retrouve dans moult bouquins écrits sur le
sujet, mais il y en a deux qui viennent d’être traduits en français et qui
valent drôlement le détour. Le
blues, un siècle d’histoire en images, de Mike Evans chez chronique
Éditions, et Les
voix du Mississippi de Williams Ferris publié par la maisons Papa
Guédé.
Le blues, un siècle
d’histoire en images
De l’auteur de ce si beau livre, Mike Evans, on dit
qu’il est un historien de la musique originaire d’Angleterre et qu’il a déjà
publié une bio de Neil Young (The Definitive). C’est, étonnamment, tout ce que
j’ai pu trouver sur les Internets sur ce monsieur.
Son
livre cependant, Le blues, un siècle
d’histoire en images, est on ne peut plus remarquable, tant sur le plan de
l’iconographie que du contenu éditorial… pour une monographie généraliste.
Le
tout commence par une citation du vénérable W.C. Handy, l’un des premiers
musiciens à mettre ses blues sur partition : « Le blues vient du plus
profond de l’homme. Il vient du néant, de la pauvreté, du désir. Quand un homme
chantait ou jouait le blues, une petite partie de son besoin était satisfaite
par la musique. » W.C. HANDY
Le
livre est bâti de manière chronologique avec, pour objectif, « de faire
comprendre que l’influence du blues se fait sentir dans tous les courants de la
musique occidentale contemporaine, de la soul au hip-hop, en passant par le
rock alternatif, voire la pop ».
1- Les racines du blues
2- Le blues classique
3- Country Blues
4- Le blues urbain
5- Le rythm’n Blues
6- Le blues revival
7- Le Blues rock
8- Le blues d’aujourd’hui
Pour
chacun des chapitres, on a droit à une mise en palce historique et à une
présentation de la naissance et de l’évolution des styles par les musiciens qui
les ont fait valoir. Les plus grands ont droit à un encadré spécial relatant
leurs hauts faits musicaux ainsi que quelques anecdotes révélatrices.
À quoi
s’ajoute, en fin de bouquin, une liste (bien) choisie de morceaux de blues
magnifiques et reconnus comme tel, ainsi qu’une bibliographie d’une quarantaine
de titres.
Mais
c’est, avant tout l’iconographie qui retient l’attention, incroyablement riche
de photos de toutes les époques et souvent rares, d’articles de journaux, de
pochettes d’albums, de photos d’artistes, d’affiches de spectacles, de
citations mises en exergue pour mieux faire comprendre un style, une notion…
Bref,
tout y est pour ce qui est de la musique de celles et ceux qui ont un nom et
dont on a entendu parler à un moment ou à un autre, petites ou grandes vedettes. On y cause même du Mississippi Hill
country Blues qu’il ne faut pourtant pas confondre avec celui du Delta, le plus
connu des blues acoustiques. Bref, pour qui veut connaître le blues dans son
ensemble et « voir » à quoi il ressemble, c’est l’outil idéal, un
« beau » livre qu’on prend plaisir à laisser sur la table du salon, à
travers les disques…
Ah,
oui… ce livre est une traduction. L’original, qui a exactement la même
présentation graphique, s’intitule The
Blues A visual History. 1000 years That Changed The World. En français, il vous coûte un peu plus de
60,00$... et 33$ dans la langue de Shakespear. Alors, si vous êtes bilingue,
vous savez ce que vous avez à faire.
Les VOIX du MISSISSIPPI
Alors
ici, dans cette monographie tr ès spécialisée de l’ethno-musicologue
Williams Ferris, on est vraiment aux racines du blues, celui de tous les jours,
chanté au travail où en soirée pour raconter la vie, ses vicissitudes, sa misère, ses plaisirs. Ce blues qui
raconte aussi les femmes, toujours celles qu’on a perdues et parfois celles
dont on ne peut se passer. Et ce blues du pénitencier auquel se greffe souvent
le chant de travail qui rend le prisonnier dans un état second lui permettant
de supporter l’insupportable routine du bûchage inutile ou du concassage de
roches, véritable travail de forçat…
C’est
le blues du quotidien des gens des petites villes du Mississippi, racontées à
l’occasion de milliers d’heures d’entrevues par un vrai ethno-musicologue dans
la lignée des Lomax père fils, des John Hammond et plus près de chez nous, des
Marius Barbeau et Michel Faubert.
Le
livre est ainsi construit qu’on apprend des racines du blues en fréquentant des
gens d’une ville à l’autre, descendant la vallée, de Rose Hill, à Lake Mary, en passant par le pénitencier de
Parchman, la route du Delta dans le comté de Coahoma et pleins d’autres lieux
où la mémoire est toujours vive, plus vive en ces contrées du Sud qu’ailleurs,
selon Bertrand Tavernier qui signe la préface. Sur la route, on s’arrête aussi au Vicksburg de Willie Dixon
et à l’Indianola de B.B. King.
À
ce parcours aussi fascinant qu’improbable, marqué de magnifiques photographies
sépia, l’auteur a jugé bon de nous gratifier d’un cd d’enregistrements qu’il a
réalisé dans les lieux visités, champs, prisons, maisons, etc. On y trouve
aussi un DVD de courts films de William Ferris, entrevues uniques avec
musiciens et villageois, chanteurs de blues qui y vont de prestations tout à
fait fascinantes. Le toute est présenté par le cinéaste Bertrand Tavernier qui
a réalisé quelques films marquants sur ce Sud, Mississippi Blues et Dans la
brume électrique avec les Confédérés, mis en image du remarquable roman du
même titre de James Lee Burke. Tavernier qui a abondamment consulté des
ouvrages de Ferris et sollicité ses conseils dans les réalisation des dits,
films.
À tout
cela s’ajoute un tiré-à-part qui réunit une bibliographie fouillée, une
discographie et une filmographie complète à vous faire rêver en vous offrant des pistes fascinantes pour vos propres écoutes et recherches.
Aux
livres précités, j’aimerais ajouter celui-ci, paru en français en 2008, œuvre
de l’illustre illustrateur de la contreculture américaine, Robert Crumb (le père de Fritz the Cat, entre autres), qui avait
une passion folle pour la musique.
Si
folle, qu’un jour lui est venue l’idée de publier des cartes (comme celles des
joueurs de hockey ou de baseball) illustrant les musiciens qu’il voulait faire
connaître, avec à l’endos, une courte bio de chacun. Il en a fait quelques milliers
ainsi, dont quelques-uns sont répertoriés ici pour notre plus grand bonheur!
Le
livre est accompagnée d’un cd d’une vingtaine de pièces de l’un ou l’autre des
artistes que l’on retrouve dans le livre. Incontournable!
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Mike Evans, Le blues, un siècle d’histoire en images. Éditions Chronique, 2015 pour l’édition française, 255p. 61,95 $
Mike Evans, Le blues, un siècle d’histoire en images. Éditions Chronique, 2015 pour l’édition française, 255p. 61,95 $
Titre
original : The
Blues : a visual History. 100 Years of Music that Changed the World.
Elephant Book. 2014. 32,95 $
Williams
Ferris. Les Voix du
Mississippi. Éditions Papa Guédé, 2013 pour l’édition française. 80$. Sur
commande uniquement.
Titre
original : Give My Poor
Heart Ease ; Voices of Mississippi Blues,
University of North Carolina Press, 2009. 28,00$ américains
Robert
Crumb. Héros
du blues, du jazz et de la Country. Éditions de la Martinière, 2008,
238p.
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