L’été 2015 est chiche en chaleur et en soleil, mais riche de
belles musiques. Voici quelques suggestions…
Il était une fois l’Amérique
Willie Nelson et Merle Haggard sont des monstres sacrés, les
ancêtres indomptables de la grande country mondiale. À plus de 80 ans, les deux
compères, le Texan et l’Okie, viennent de publier un album en duo intitulé Django and Jimmie qui
réunit des classiques du genre signés Bob Dylan (Don’t Think Twice), Jimmy
Melton, Willie et Merle eux-mêmes. Et on y note aussi la participation d’un
autre vieux de la vieil, l’excellent Bobby Bare et du jeunot hors-la-loi Jamey
Johnson. Les voix d’Alison Krause et de Melonie Cannon se font aussi entendre
parmi d’autres.
Pas besoin de vous dire qu’on est pas ici dans le
renouvellement du genre, mais
plutôt, dans le meilleur de la crème; mélodies accrocheuses, textes savoureux
d’histoires de routes, hommage au père disparu, le grand Johnny Cash,
arrangements superlatifs. Bref, tout ce qu’il faut pour mettre dans le lecteur
de votre auto et partir au long cours sur les routes du Québec et du reste de
l’Amérique. Bonheur garanti!!!
Willie Nelson et Merle Haggard. Django and Jimmie. Disque Legacy
Recordings
Le rêve Vollant!
Florent Vollant est le très digne successeur du père de la
folk innue, le vénérable Philippe McKenzie; art hérité tant des chants
traditionnels s’accompagnant du tambour à sonnailles (le teueikan) que de la
country. Le Vollant en question vient de publier son septième album, PUAMUNA
(Le rêve) peut-être le plus riche, le plus abouti de son auteur, des
mélodies doucement dansantes (le makusham) chantées dans cette langue belle et malheureusement
de plus en plus rare, l’innu.
Douze chansons magnifiques animées par le réalisateur et
guitariste Réjean Bouchard et la guitare vive du jeune Kim Fontaine, de
Maliotenam, où l’album a été enregistré. On y entend aussi chanter en français
une composition de l’inséparable ami Richard Séguin; en Anglais, l’émouvante Son of the Sun du regretté artiste
multidisciplinaire MicMac Willie Dunn et même Pascale Picard qui accompagne le
Florent, sur Apu peikussian une chanson qu’elle a écrite que l’Innu a traduite.
Pascal « Pako » Ottawa chante aussi sur Manuanik où il est question du frère Atikamekw qui l’accueille sur
le territoire et Philippe McKenzie célèbre le makusham sur Ekun pua. Pour le reste, les Tshekuannu,
Innu Eeyou, Te Innu, Puamuna,
On y cause de
rêve, de territoire, d’amitié, de mère, d’amour. La folk innue a son meilleur.
Florent Vollant. Puamuna. Disque Instinct Musique
De l’autre côté du désir…
J’ai connu Rickie Lee Jones en 1991, avec la sortie de son
merveilleux album POP POP, où le bassiste était nul autre que Charlie Haden, le
saxo ténor, Joe Henderson, sur quelques plages, Dino Salluzzi à l’accordéon, et
partout, Robben Ford à la guitare acoustique avec ses cordes de nylon. C’est
spécifié sur la pochette. Vingt et quelques années plus tard, je l’écoute
toujours. Un disque de jazz, alors? Un disque de reprises associées au
répertoire du jazz, dirons-nous. Parce que la dame a toujours refusé d’être
classée dans un genre plus qu’un autre. Le jazz, le folk, le spiritual,
l’électro, le trip hop, ou ce que vous voulez, Rickie Lee n’a que faire des
étiquettes. Et voilà que nouvelle résidente de La Nouvelle-Orléans, elle vient
de commettre une des merveilles de son répertoire avec The Other Side Of Desire.
Dix ans que cette légende de la chanson américaine n’avait
pas proposé de matériel original. Et la voici, à raconter, elle, la
contestataire invétérée, des chansons de rêves et d’espoir sous des airs
sudistes vaguement folk et rural, ou sur des mélodies qui rappellent les années
1950 (J’ai connais pas) accompagnées de musiciens… montréalais. Enfin, pas
seulement, il y a aussi Louis Michot des Lost Bayou et bien d’autres, de ces
musiciens du Sud qui font de cette album rockabilly (?) un modèle du genre qui
raconte des histoires de la Louisiane. Comme la chanson titre, The Other Side
of Desire, qui cause de la rue du même nom qui, à une autre époque, donna son
titre à la pièce de Tennessee Williams, Un Tramway nommé…
Dix ans qu’elle n’avait pas écrit, la Rickie, tout
simplement dit-elle, parce qu’elle ne pouvait pas. Elle a délaissé la Côte
Ouest, lieu où sont nés ses albums importants (l’éponyme, Pirates), pour
l’intimité de cette ville où la musique est partout, tout le temps. Et ça
donne, en ce qui me concerne, un album béni!
Pour entendre cette légende vivante dans toue sa simplicité,
il faut écouter cette belle entrevue donnée à La Fabrique culturelle.
Rickie Lee Jones, The
other side of DESIRE, disque Tosod.
Adagio suprême
Impulse vient de publier un deuxième hommage posthume à Charlie Haden après celui qui le
réunissait à Jim Hall, à l’occasion d’un concert au Festival international jazz
de Montréal en 1990. Aujourd’hui, sous le titre Tokyo Adagio, le contrebassiste est réuni au virtuose cubain, Gonzalo Rubalcaba lors d’un concert donné dans la capitale
nippone en 2005. Et c’est magnifiquement beau.
De prime abord, comme pour le concert à Montréal, c’est la
sonorité qui nous interpelle. Un beau son rond, plein, d’une clarté et d’une
présence incroyables. Et comme le public de Montréal, les Japonais écoutent
d’un silence religieux. Et ils écoutent quoi? Des compositions reprises de l’un
ou l’autre comparse réalisées au cours de leurs nombreuses collaborations (The Blessing,
1991; Nocturne, 2000; Land of the Sun 2004), essentiellement des adagios, joués
sur des rythmes lents, et encore plus lents, d’une délicatesse inouïe mais
aussi, d’un virtuosité patente, de la part de Rubalcaba particulièrement. Même When Will the Blues Leave, de
l’iconoclaste Ornette Coleman, est prise avec beaucoup de retenue… mais avec un
swing certain, tout comme Sandino, où la verve de Gonzalo est littéralement
jouissive.
Haden se décrivait lui-même comme un
« adagio-man » (houlà qu’on se ressemble là-dessus) et il a
redécouvert cet enregistrement alors que, gravement malade, il réécoutait des
bandes de ses concerts passés. Il a alors alerté sa conjointe Ruth Cameron et
le producteur (et également excellent pianiste) Jean-Philippe Allard, qui se
sont mis au travail pour publier les plus belles plages de ce concert. Il est
décédé avant d’entendre le produit bien ficelé, mais l’important, c’est qu’il
nous l’ait transmis.
Merci Charlie pour tant de beauté!!!
Charlie Haden/Gonzalo Rublacaba. Tokyo Adagio. Disque Impulse.
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