Denis, à l'arrière, et Guy, les proprios de Sillons le disquaire.
(Photo : Le Soleil)
Pour dire vrai, je ne sais pas comment réagir. Bien sûr, je
suis flabergasté à la puissance 10, dans un état proche de la catatonie
musicale. Sillons le disquaire ferme après 31
ans à ravir les oreilles des mélomanes, des poètes chopinophiles, des férus de
prog, des jazzeux les plus crinqués, des amants de la chanson dans ce qu’elle a
de plus vrai. C’est mon second chez moi qui me claque la porte au nez, bien
involontairement, évidemment. Que vont mes amis devenir, Denis, Guy et
l’indéfectible Paul avec qui j’ai tant partagé, et pas juste la musique????
On connaît les piliers de bar et les rats de bibliothèque. Moi, je dis que je suis un meuble chez Sillons, un meuble qu'on a emplit de disques autant que faire se peut. Des vinyles puis des cds... tant de musiques à découvrir et à partager. Des amis à connaître aussi!
On connaît les piliers de bar et les rats de bibliothèque. Moi, je dis que je suis un meuble chez Sillons, un meuble qu'on a emplit de disques...
On connaît les piliers de bar et les rats de bibliothèque. Moi, je dis que je suis un meuble chez Sillons, un meuble qu'on a emplit de disques autant que faire se peut. Des vinyles puis des cds... tant de musiques à découvrir et à partager. Des amis à connaître aussi!
Si je ne m’abuse, je suis entré pour la première fois chez
Sillons à l’automne de 1984, moi qui était un habitué du Musique d’Auteuil de
la rue Saint-Jean. À l’époque, la petite boutique avait pignon tout au bas de
la rue Cartier, dans le local de l’actuel magasin de shushis. Un tout petit
endroit mais qui regorgeait des richesses jazzistes dont je me régalais (et me régale
toujours, faut dire). Voici comment ça s’est passé…
Quelqu’un m’avait dit qu’un nouveau disquaire venait
d’ouvrir, rue Cartier. Je m’y suis rendu à la fin de ma journée de travail.
J’entre et salue le gars derrière son comptoir (sérieux, je ne me souviens pas
qui c’était!), et me dirige vers le fond du magasin, à droite, dans les A, pour
voir ce qu’il y avait dans les bacs. A comme dans Muhal Richard Abrams et son
album Afrisong. Je connaissais le grand compositeur d’avant-garde, chef
d’orchestre et arrangeur, grand maître de l’AACM (Association
for the Advancement of Creative Musicians). Mais ce disque de piano
solo inspiré de l’Afrique, je ne connaissais pas du tout.
Ébahi, je soulève l’album et le vendeur me propose de
l’écouter. Ça a été ma première acquisition, qui sera suivie de milliers
d’autres. Mon ami Martin Bolduc qui travaillait chez Musique d’Auteuil eût tôt fait de rejoindre
l’équipe de Sillons. Et ça ne prit pas des siècles avant que tout ce beau monde se
retrouve aux mêmes célèbres partys des Bolducs. La musique, ça tisse des
amitiés qui s’éternisent. Denis, (Jodoin, le patron) est devenu mon compagnon
de ski de fond, de vélo et m’a initié au kayak de mer. Paul (Marois, l’employé
du mois depuis des décennies) m’a fait entrer dans les méandres tortueux et créatifs des musiques
actuelles avant de venir l’ornithologue de haut niveau qu’il est… Guy (Piché,
l’associé) est porté sur les musiques du monde, particulièrement latines, avec
un faible pour l’Italie, la patrie de sa blonde, la plus belle
Italienne de Québec.
Dans les années 1990, le magasin a déménagé ses pénates
boulevard René-Lévesque, juste à côté du Cochon dingue. J’y ai travaillé à
l’occasion, particulièrement durant la période des Fêtes ou pour faire
l’inventaire. De belles années où le cd a remplacé progressivement le vinyle.
Puis, début 21e siècle, Sillons s’installe à son emplacement actuel, coin
Cartier et Aberdeen, entre le marché du Petit-Cartier et la SAQ, tout un bout
de rue pour se faire plaisir et s’enrichir le corps et l’âme.
Quand je travaillais au centre-ville, j’y allais presque
tous les jours, souvent pour jaser avec les copains, souvent pour entendre de
nouvelles musiques. Souvent aussi, les clients sont de venus des amis du trio,
apportant leurs goûts et leurs suggestions, enrichissant la boutique des plus
belles sonorités. J’y ai connu
« la » disquaire, Sarah Michel, aujourd’hui céramiste.
Elle est la fille de Raymond Michel, un des maîtres de la chanson française à
CKRL, dont les émissions étaient de grandes sources d’émotions pour qui s’y
laissait prendre.
Mon fils Nicolas, musicien et
mélomane fini, y a aussi
travaillé. Une autre génération prenait le flambeau. Mais voici, avec le
virtuel et l’accès électronique à la musique, il semble que le magasin avait de
plus en plus de difficulté à faire ses frais. Denis nous a annoncé, à Loulou et
à moi, la fermeture de Sillons pour septembre 2015, au cours d’un souper avec
sa belle Johanne. Je n’ai pas su quoi dire, trop interloqué. Je ne sais
toujours pas. Sauf que la vie de la boutique et de ses gens est intimement liée
à la mienne. Pourtant, 7 années durant, l'équipe de Sillons le disquaire a mérité le Prix du meilleur disquaire indépendant décerné par l'Adisq....
Tiens, je pense que je vais aller manifester contre la
fermeture d’ici septembre. En attendant, merci les gars… et la fille. Sniff…
P.S. L'article de Josiane Desloges, du quotidien Le Soleil, un excellent texte!!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire