dimanche 9 novembre 2014

Love In Vain, vie et mort de Robert Johnson


Robert Johnson est autant connu pour le mythe qui l’entoure que pour les blues inoubliables qu’il a composés. C’est qu’il a fait un pacte avec le diable pour devenir un des fondateurs du blues moderne, développant en un temps record et pour peu de temps, une technique incroyable qu’il a toujours voulu gardé secrète; alimentant lui-même cette rumeur de pacte du diable. Si l’on qualifié le blues, et plus tard, le rock and roll, de musique du diable. Robert Johnson en est le Satan et les Johnny Shines, Son House, Jimmy Hendrix, Eric Clapton, Led Zeppelin et, bien sûr, les Rolling Stones en sont les suppôts. Et pour vous en raconter l’histoire, rien de plus fascinant que ce roman graphique en noir et blanc de Mezzo et J.-M. Dupont intitulé LOVE IN VAIN, Robert Johnson 1911-1938, publié, avec grands soins, chez Glenat.


Musicien errant, plus qu’itinérant, né dans une plantation au cœur d’une famille pauvre et plutôt erratique, Johnson avait choisi de commencer sa vie de la manière la plus stable pour assurer le bien-être de sa très jeune épouse… qui est morte en couche. Le (mauvais) sort en était jeté. Seule la musique comptera pour lui pour lui désormais. Si les débuts sont difficiles, malgré les leçons de Son House (ou peut-être à cause d’elles!), il revient transformé, après une éclipse d’un an, en un démoniaque virtuose. Il peut jouer de tout! Des blues, bien sûr, mais aussi des polkas, des gigues et autres danses en vogues dans les Juke Joint du Mississippi ou de la Louisiane.

Et sa réputation, il se fera avec ses Cross Road Blues, Me and the Devil Blues où raconte qu’il fait son pacte à une carrefour du d’une route du Mississippi, près de Clarksdale, ou peut-être Rosedale, qui sait? Bref, je ne vous raconte pas, il vous suffit de lire cette admirable BD.

Le dessinateur Mezzo s’est associé au scénariste Jean-Michel Dupont pour raconter la vie et les truculence de ce jeune homme « mystérieusement » mort à 27 ans après avoir enregistré… 29 chansons, toutes aussi mythique que sa vie. Présenté en format paysage, couverture noir et or texture, épine rouge, lettrée or, la bd (roman graphique?) a de la gueule. Et ce n'est rien, attendez de l'ouvrir!

Le scénario de Dupont est clair, l’histoire suit son court inexorablement, du Sud profond jusqu’à Chicago and back, racontée en « voix off » par… je ne vous le dis pas. Un scénario bien ficelé, bien documenté aussi (une bibliographie complète et drôlement pertinent conclut le livre), nous amène au cœur de ce monde de musiciens, les Johnny Shines, Son House, Willie Brown, Howlin’ Wolf et le mileu canaille où ils évoluaient.

Mais c’est le dessin fabuleux de Mezzo qu’on retient, un Robert Johnson hyperréaliste mis en image à partir des deux seules photographies qu’on a de lui. Le Robert Johnson musicien, mais aussi le hobo toujours mis à quatre épingles, le séducteur impénitent, baiseur, buveur et… amuseur. On le sait, le diable est dans les détails, et ceux de ce dessin noir et blanc sont fascinants de précisions et de pertinence.


Bref, comme le dit, en avant-propos, Lawrence Cohn, le producteur du célébrissime album Robert Johnson : The Complete Recordings, on a droit ici à un« véritable chef-d’œuvre, tant par la qualité du dessin que de la narration, (…) grâce à la poésie de ses textes et la magnificence des ses planches, dont chacune est, à elle seule, une œuvre d’art. (p.2)

Mezzo - J.M. Dupont. Love In Vain, Robert Johnson 1911-1938. Glenat. Grenoble, 2014, 72 p.


Le Storytone de Neil Young


Il est intarissable, le Neil Young. Infatigable, aussi. Le voilà qui sort un deuxième album au cours de la même année. Après l’étrange A Letter Home, disque de reprises de grands classiques folks produit par Jack White avec le son d’un 78 tours magané des années 1940, voici donc, en double en quelque sorte, Storytone.

On parle ici  un disque ambitieux, véritable exhortation à changer nos comportements pour protéger la planète, à faire une vraie révolution.  Who's Gonna Stand Up est l’hymne écologique de ce nouvel album, une chanson magnifique qui dit, entres autres,

« Protégeons la terre de la cupidité de l'homme, faisons sauter les barrages
Dressons-nous contre l'industrie pétrolière, protégeons les plantes et renouvelons les sols Qui va se lever et sauver la Terre ? »

Faut se rappeler ce Neil conséquent, celui qui, l’an dernier, est venu appuyer la lutte des Amérindiens de l’Ouest canadien pour le respect des traités, particulièrement contre l’extraction et le transport du pétrole hyper-polluant des sables bitumineux albertains. D’autres titres accompagnent cette exhortation comme Plastic Flowers ou Wanna Drive my Car, l’histoire du gars qui doit trouver son chemin, trouver de l’essence, chantée sur un mode un peu caustique.

Faut dire qu’on ne peut pas sortir aussi facilement le gars de char qu’est Neil Young de son char, le gars qui vient tout juste de faire paraître A Memoir of Life and Cars. Infatigable, vous dis-je ! Tant et tellement, qu’il vient aussi de divorcer de la Pegi qui l’accompagnait depuis 36 ans. C’est qu’il a une nouvelle flamme, l’actrice activiste Daryl Hannah. Ceci explique cela et donne, sur Storytone, quelques chansons d’amour bien senties comme Glimmer ou Say Hello to Chicago.

Alors, il est bien, cet album ? Oui et non. Faut savoir qu’il existe en deux versions. Vous pouvez vous procurer la version orchestrée seule ou, pour à peine deux dollars de plus, l’autre qui contient cette version orchestrée avec sa contrepartie acoustique et minimaliste. Parce que pour dire vrai, c’est ce côté dépouillé et bouleversant qui nous accroche plus que tout. Du Neil Young dans la plus pure et confortante tradition folk ; guitare, harmonica, piano. On est ici dans l’esprit de ce live mythique du Massey Hall de 1971. Même la voix, si fascinante, à l’époque semble revivre avec cette intensité. Cette version folk est à verser au compte des grandes réussites youngniennes.

La version orchestrée, ou plutôt, orchestrale, elle, fait appel aux cordes, aux chœurs, aux vents et aux arrangements sophistiqués, classiques, voire surannés. Ce sont pourtant les mêmes chansons. Mais le résultat prétentieux et, parfois, pompeux. Bref,  trop. Vive la simplicité de la version acoustique !


Neil Young, Storytone (Deluxe), Reprise

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