Robert Johnson
est autant connu pour le mythe qui l’entoure que pour les blues inoubliables
qu’il a composés. C’est qu’il a fait un pacte avec le diable pour devenir un
des fondateurs du blues moderne, développant en un temps record et pour peu de
temps, une technique incroyable qu’il a toujours voulu gardé secrète;
alimentant lui-même cette rumeur de pacte du diable. Si l’on qualifié le blues,
et plus tard, le rock and roll, de musique du diable. Robert Johnson en est le
Satan et les Johnny Shines, Son House, Jimmy Hendrix, Eric Clapton, Led
Zeppelin et, bien sûr, les Rolling Stones en sont les suppôts. Et pour vous en
raconter l’histoire, rien de plus fascinant que ce roman graphique en noir et
blanc de Mezzo et J.-M. Dupont intitulé LOVE IN VAIN, Robert Johnson
1911-1938, publié, avec grands soins, chez Glenat.
Musicien errant, plus qu’itinérant, né dans une plantation au cœur d’une famille pauvre et plutôt erratique, Johnson avait choisi de commencer sa vie de la manière la plus stable pour assurer le bien-être de sa très jeune épouse… qui est morte en couche. Le (mauvais) sort en était jeté. Seule la musique comptera pour lui pour lui désormais. Si les débuts sont difficiles, malgré les leçons de Son House (ou peut-être à cause d’elles!), il revient transformé, après une éclipse d’un an, en un démoniaque virtuose. Il peut jouer de tout! Des blues, bien sûr, mais aussi des polkas, des gigues et autres danses en vogues dans les Juke Joint du Mississippi ou de la Louisiane.
Et sa réputation, il se fera avec ses Cross Road Blues, Me and the
Devil Blues où raconte qu’il fait son pacte à une carrefour du d’une route
du Mississippi, près de Clarksdale, ou peut-être Rosedale, qui sait? Bref, je
ne vous raconte pas, il vous suffit de lire cette admirable BD.
Le dessinateur Mezzo s’est
associé au scénariste Jean-Michel Dupont
pour raconter la vie et les truculence de ce jeune homme
« mystérieusement » mort à 27 ans après avoir enregistré… 29
chansons, toutes aussi mythique que sa vie. Présenté en format paysage, couverture noir et or texture, épine rouge, lettrée or, la bd (roman graphique?) a de la gueule. Et ce n'est rien, attendez de l'ouvrir!
Le scénario de Dupont est clair, l’histoire
suit son court inexorablement, du Sud profond jusqu’à Chicago and back, racontée
en « voix off » par… je ne vous le dis pas. Un scénario bien ficelé,
bien documenté aussi (une bibliographie complète et drôlement pertinent conclut
le livre), nous amène au cœur de ce monde de musiciens, les Johnny Shines, Son
House, Willie Brown, Howlin’ Wolf et le mileu canaille où ils évoluaient.
Mais c’est le dessin fabuleux de Mezzo qu’on retient, un
Robert Johnson hyperréaliste mis en image à partir des deux seules
photographies qu’on a de lui. Le Robert Johnson musicien, mais aussi le hobo
toujours mis à quatre épingles, le séducteur impénitent, baiseur, buveur et…
amuseur. On le sait, le diable est dans les détails, et ceux de ce dessin noir
et blanc sont fascinants de précisions et de pertinence.
Bref, comme le dit, en avant-propos, Lawrence Cohn, le producteur du célébrissime album Robert
Johnson : The Complete Recordings, on a droit ici à
un« véritable chef-d’œuvre, tant par la qualité du dessin que de la narration,
(…) grâce à la poésie de ses textes et la magnificence des ses planches, dont
chacune est, à elle seule, une œuvre d’art. (p.2)
Mezzo - J.M. Dupont. Love In Vain, Robert Johnson 1911-1938. Glenat. Grenoble, 2014, 72 p.
Mezzo - J.M. Dupont. Love In Vain, Robert Johnson 1911-1938. Glenat. Grenoble, 2014, 72 p.
Le Storytone de Neil Young
Il est intarissable, le Neil Young. Infatigable, aussi. Le
voilà qui sort un deuxième album au cours de la même année. Après l’étrange A
Letter Home, disque de reprises de grands classiques folks produit par
Jack White avec le son d’un 78 tours magané des années 1940, voici donc, en
double en quelque sorte, Storytone.
On parle ici un disque ambitieux, véritable exhortation à changer nos
comportements pour protéger la planète, à faire une vraie révolution. Who's Gonna Stand Up est l’hymne écologique de ce
nouvel album, une chanson magnifique qui dit, entres autres,
« Protégeons la terre de la cupidité de l'homme,
faisons sauter les barrages
Dressons-nous contre l'industrie pétrolière, protégeons
les plantes et renouvelons les sols Qui va se lever et sauver la Terre ? »
Faut se rappeler ce Neil conséquent, celui qui, l’an
dernier, est venu appuyer la lutte des Amérindiens de l’Ouest canadien pour le
respect des traités, particulièrement contre l’extraction et le transport du pétrole
hyper-polluant des sables bitumineux albertains. D’autres titres accompagnent
cette exhortation comme Plastic Flowers
ou Wanna Drive my Car, l’histoire du
gars qui doit trouver son chemin, trouver de l’essence, chantée sur un mode un
peu caustique.
Faut dire qu’on ne peut pas sortir aussi facilement le
gars de char qu’est Neil Young de son char, le gars qui vient tout juste de
faire paraître A Memoir of Life and Cars.
Infatigable, vous dis-je ! Tant et tellement, qu’il vient aussi de
divorcer de la Pegi qui l’accompagnait depuis 36 ans. C’est qu’il a une
nouvelle flamme, l’actrice activiste Daryl Hannah. Ceci explique cela et donne,
sur Storytone, quelques chansons d’amour bien senties comme Glimmer ou Say Hello to Chicago.
Alors, il est bien, cet album ? Oui et non. Faut
savoir qu’il existe en deux versions. Vous pouvez vous procurer la version
orchestrée seule ou, pour à peine deux dollars de plus, l’autre qui contient cette
version orchestrée avec sa contrepartie acoustique et minimaliste. Parce que
pour dire vrai, c’est ce côté dépouillé et bouleversant qui nous accroche plus
que tout. Du Neil Young dans la plus pure et confortante tradition folk ;
guitare, harmonica, piano. On est ici dans l’esprit de ce live mythique du Massey Hall de
1971. Même la voix, si fascinante, à l’époque semble revivre avec cette
intensité. Cette version folk est à verser au compte des grandes réussites
youngniennes.
La version orchestrée, ou plutôt, orchestrale, elle, fait
appel aux cordes, aux chœurs, aux vents et aux arrangements sophistiqués, classiques,
voire surannés. Ce sont pourtant les mêmes chansons. Mais le résultat prétentieux
et, parfois, pompeux. Bref, trop. Vive
la simplicité de la version acoustique !
Neil Young, Storytone
(Deluxe), Reprise
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