Je suis d’une génération où la contestation était une valeur
prisée. Plus souvent qu’autrement, cette contestation était portée par la voix
de chanteurs et chanteuses engagés qui ont acquis, dans certains cas, une
renommée qui a fait date dans l’histoire : Bob Dylan, Georges Brassens,
Neil Young, Joan Baez, Léo Ferré, Félix Leclerc. Chez nous, en plus de Félix,
Richard Séguin, Paul Piché, Pauline Julien, ont, entre autres, porté haut le
flambeau. Aujourd’hui, il ne reste, me semble-t-il, que Richard Desjardins pour
faire entendre la voix de la gauche. Pourtant, on parle d’une tradition plus
que séculaire.
En effet, on peut facilement remonter au cœur du Moyen-Âge,
chez les Goliards, pour retracer les premiers chants de contestation du
pouvoir établi. En fait, la chose est présente de tous temps dans toutes les
sociétés. Et le 20ième siècle n’a pas attendu les sus-nommés pour dénoncer
les inégalités sociales. On l’apprend en long et en large dans la fascinante
auto (?) biographie de Dave Van Ronk intitulée « Manhattan Folk Story »,
qui raconte le long parcours de la chanson de contestation new-yorkaise et, plus
largement, nord-américaine.
Il ne s’agit pas là de l’histoire d’un quelconque quidam,
mais du récit de vie d’un des plus authentiques troubadour de la folk
nord-américaine, doublé d’un sacré conteur. Dave Van Ronk a passé pratiquement
toute sa vie adulte au cœur de New-York, dans le quartier de Greenwich Village,
à l’exception d’une courte période comme marin et d’un périple mémorable sur la
Côte Ouest. Jack Kerouac lui-même, n’a pas fait mieux. C’est à ses côtés et avec
son soutien actif que les Bob Dylan, Joan Baez, Joni Mitchell et consort ont
lancé leur carrière. Et Dave, là-dedans? Dave était un homme de gauche pur et
dur, un homme sans compromis, ni dans son discours ni dans ses choix musicaux.
Alors, l’industrie musicale, très peu pour lui. Reste, que comme d’autres (Kate
McGarrigle), il aurait souhaité que sa notoriété soit… un peu plus répandue et
son compte en banque un peu mieux garni.
Bref, on y apprend qu’il faut distinguer la folk
d’interprétation des vieilles chansons traditionnelles (celles des Pete Seeger,
Woody Guthrie, Dave Van Ronk, etc.) des « new songs » revendicateurs
des Bob Dylan, Joan Baez qui créent et interprètent leurs propres œuvres, ou encore
de la poésie acoustique des Joni Mitchell ou Leonard Cohen.
On y vit les années difficiles d’avant la déferlante folk
des années 1960 et on y rencontre, toujours à Greenwich Village, les
merveilleux bluesmen que Van Ronk a côtoyé; les Mississippi John Hurt,
Lightnin’ Hopkins, Sonny Terry, Brownie McGhee, Skip James, Son House… On y
apprend, pour l’anecdote, comment Dylan lui a « volé » sa version de
« House of The Rising Sun » qui devait connaître un déferlement
planétaire avec Eric Burdon et ses Animaux…
Voici donc, racontée de l’intérieur, avec une lucidité et un
humour féroce, l’histoire d’un genre musicale qui a marqué le 20ième
siècle occidental. Une lecture passionnante et essentielle!!
Pour en profiter
pleinement…
Fantasy
L’œuvre de Dave Van
Ronk est publiée essentiellement chez Smithsonian
Folkways, dont une anthologie remarquable dont j’ai déjà causé dans ces
pages et qui s’intitule « Down In Washington Square ». Mais on
trouve, sur étiquette Fantasy, une des plus belles galettes folk qui soit;
Inside Dave Van Ronk. Faut absolument y entendre son merveilleux Cocaïne Blues!!!
On ne peut passer sous silence l’immense Bob Dylan et, aux The Freewheelin et The Times
They Are A-changin’, on ajoutera son John
Wesley Harding qui nous permet d’entendre la belle Ballad of Frankie Lee & Judas Priest.
La grande voix du folk traditionnelle est sans doute celle
de Woody Guthrie qui a parcouru les
États, d’est en ouest, du nord au sud pour dénoncer l’oppression et les
injustices sociales de tout genre. On ne peut ignorer ses Dust
Bowl Ballads enregistrées en 1940 pendant l’épouvantable sécheresse
qui a mis « sur la paille » des milliers de famille du Midwest.
Et il y a, bien sûr, la grande Joan
Baez, d’origine mexicaine, victime de discrimination dans sa prime
jeunesse, mais qui n’avait aucun talent pour la victimisation. Faut entendre ce
bel album intitulé Farewell
Angelina.
Très récemment, le groupe franco-américain Moriarty
a fait paraître une superbe anthologie folk, interprétant à leur manière
unique, les musiques de ceux qui ont mis au monde Bob Dylan (c’est l’objectif
du projet!) : Mississippi John Hurt, Hand Williams, Blind Willie McTell,
Didier Hébert, etc. Une splendeur d’album qui s’appelle Fugitives!!!
Enfin, je vous invite à écouter, tous les mardis soirs, à 18h30, l'émission Folk d'Amérique, sur les ondes de CKRL 89,1, que j'ai le plaisir d'animer et de réaliser. C'est un rendez-vous!
Enfin, je vous invite à écouter, tous les mardis soirs, à 18h30, l'émission Folk d'Amérique, sur les ondes de CKRL 89,1, que j'ai le plaisir d'animer et de réaliser. C'est un rendez-vous!
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