La côte Badelard qui mène de la rue Lavigueur à la rue Arago (en descendant) Photo : Ludovica |
Au début, je pensais que mon chum Thibault n’avait pas de
mère. Pourtant, il semblait quand même y avoir une femme dans la maison. Il
l’appelait « la bonne femme chez nous ». C’est elle qui lavait son
linge, préparait ses repas et ses lunchs, roulait ses cigarettes parce qu’il
fumait. C’est elle aussi qui le réveillait pour aller à l’école. Bref, elle
faisait tout ce qu’une mère faisait dans le temps. Ça fait qu’une bonne fois,
en marchant sur la rue pour aller nulle part comme on faisait souvent, j’ai
fini par lui demander : c’est qui la bonne femme chez vous?
Il m’a regardé de travers, comme s’il n’avait pas vraiment
compris le sens de ma question, comme si j’étais un peu demeuré quoi, pis y m’a
dit : ben c’est ma mère, voyons. J’ai rien répondu et j’ai rapidement
changé de sujet. Il ne me serait jamais venu à l’idée d’appeler la mienne comme
lui appelait la sienne. J’ai rencontré Thibault en 9e année. Il
avait les cheveux longs presque roux et vaguant, une veste à carreau bleue et
noire avec ROLLING STONES écrit dans le dos avec du tape blanc. C’était comme
ça dans le temps. La mienne était rouge et noir et j’en ai aussi eu une jaune
et noir. Ça fessait dans l’dash… Mais je n’ai jamais été capable de me coller
un BEATLES qui avait de l’allure. Une fois, j’avais presque réussi et ma mère a
mis la chemise au lavage… À l’époque, t’avais un choix, où tu étais Beatles, ou
tu étais Rolling Stones. Moi, j’adorais (et c’est toujours le cas) les Beatles
mais j’aimais aussi le côté voyou des Stones.
Thibault, je l’ai rencontré en 9e année à l’école
Cardinal-Roy. Mais ce n’est qu’en 12e (secondaire V) qu’on a
commencé à se tenir ensemble régulièrement. Il était bon à l’école et moi,
j’étais tanné de faire du sport. Ça tombait bien, lui détestait ça. Pis qu’il
soit bon en maths ne pouvait que m’aider, me disais-je. Je me trompais, j’étais
nul et le suis resté malgré son aide. Par contre, j’ai découvert un vrai
philosophe en lui, un peu sophiste et raciste sur les bords, du genre qui
disait que tous les Noirs se ressemblaient. Fallait rester à Québec la blanche
pour dire un truc de même. Moi je savais bien que c’était faux, j’étais un fan
de baseball et je reconnaissais tous les joueurs sur les cartes que je
collectionnais, peu importent leur couleur.
Mais je laissais dire, il était divertissant avec ses
échafaudages intellectuels, lui qui venait du quartier ouvrier de Saint-Malo,
dont le père, peintre en bâtiment, avait toujours rêvé d’être artiste-peintre.
Ça doit être pour ça, qu’après le travail, le « bonhomme » se rendait
régulièrement au bureau avant de rentrer à la maison. Ça aussi, j’ai mais du
temps à le comprendre. Comment un peintre pouvait-il avoir un bureau? J’ai
compris quand nous l’avons rencontré un soir, titubant, à la sortie de la
taverne chez Ti-Mé. C’était là son bureau et cette fois-là, il avait essayé
d’égaler le barman de la place qui prenait régulièrement ses 50 draughts par jour.
Bref, son métier lui pesait, d’autant plus qu’il devait compter sur de longs mois d’assurance-chômage pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants. C’est lui aussi qui, chaque année, descendait la statue du christ qui trônait au-dessus de la porte du salon pour en repeindre les différentes parties du corps. Hilarant de le voir refaire les yeux en râlant « Tu me donnes d’la marde, mon ostie de tabarnac… »
Bref, son métier lui pesait, d’autant plus qu’il devait compter sur de longs mois d’assurance-chômage pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants. C’est lui aussi qui, chaque année, descendait la statue du christ qui trônait au-dessus de la porte du salon pour en repeindre les différentes parties du corps. Hilarant de le voir refaire les yeux en râlant « Tu me donnes d’la marde, mon ostie de tabarnac… »
La côte Aqueduc qui au bas de laquelle résidait Thibault dans sa jeunesse. Photo : Ludovica |
Thibault, André de son prénom, était à l’image de son
bonhomme, de son voisin Tibi Leblond et de leur ami commun, le ramoneur des
pauvres, Ti-Dré Godbout. Il était gauchiste, tendance communiste. Pour résumer,
disons que le Tibi s’appelait en réalité Adjutor et qu’il avait quitté sa terre
de sa région de Beaumont pour gagner sa vie comme assisté social en ville. Le
pauvre prenait Marx à témoin pour justifier son incapacité totale à s’adapter à
la vie urbaine. Son inactivité physique l’a rapidement rendu obèse. C’était
pourtant un chic type avec il faisait bon discuter, mais que le chômage
chronique a tué.
C’est sur la télé noir et blanc de ce Tibi que nous avons vu les premières images de la Crise d’octobre 1970 et pas besoin de vous faire de dessin pour que vous compreniez de quel bord de la clôture nous étions. C’est de là, et du cégep de Limoilou que nous commencions à fréquenter alors, que nous avons suivi et commentés les événements…
Ti-Dré Godbout, lui, c’était un
véritable personnage représentatif de la classe ouvrière… du 19e
siècle. Même dans les années 1970, il ne restait plus grand chose à ramoner
dans le quartier. Mais Luc-André, tous les jours, été comme hiver, sortait sa
voiture à deux roues ornée de tout le matériel de ramonage qu’il trimbalait de
par les rues à la recherche d’une cheminée à nettoyer, de quelqu’un à aider.
S’adressait à qui voulait l’entendre pour dénoncer les têtes vertes (les étudiants),
les têtes chromées (les riches capitalistes). Surtout, il dénonçait quiconque
se moquait des pauvres. Enfin, il avait développé un fascinant vocabulaire pour
décrire les différentes parties du corps féminin que rigoureusement ma mère m’interdit de nommer ici.
Alors, c’est avec ce Thibault là, qu’à partir de la rue
Arago, nous montions au Café Buade de la rue du même nom, pour prendre un café
et jaser des heures durant de Kierkegaard, Sartre, Marx, Hegel, Marcuse, Teilhard
de Chardin et Edgar Morin… entre autres. Le vendredi, lorsque nous avions un
peu d’argent de poche, on s’essayait à la taverne du Château Champlain où l’on
trouve maintenant… l’Auberivière! Que d’aventures y avons-nous vécus avec l’ami
Maheux et d’autres poivrots du lieu.
Au cours de ces années, nous avons aussi visité le chic bar
de feu l’hôtel Saint-Roch et ses péripatéticiennes, les bars minables de la rue
Saint-Joseph d’alors : le Charivari, le Damier rose et même le Bal Tabarin
de la rue de la Couronne!
Mais peu importe l’endroit, toutes nos discussions se
terminaient ne causant des filles, celles que nous fréquentions à l’occasion et
surtout celles que nous aurions aimé connaître de plus près.
Et si, par hasard, l’un d’entre nous avait la chance de
rencontrer une dulcinée, nous rencontres hebdomadaires se distançaient
d’elles-mêmes. On s’est suivi comme ça jusqu’à l’Université Laval. Là, nous
avions trop d’intérêts divergents et trop peu de temps à y consacrer, lui en
philo, moi en histoire, pour continuer à nous côtoyer. Pour être honnête, son énorme égo
égocentrique commençait à me taper sérieusement sur les nerfs…
Bon, on s’est revu plus tard, à nos mariages respectifs. Mais
ça, c’est une autre histoire.
Kayak
Depuis le début du printemps, et même tout l’hiver (à
l’intérieur), c’est le vélo qui a retenu qui a requis l’essentiel de mon
énergie physique. Mais comment mettre de côté de le kayak de mer lorsque
pratiqué comme ce le fut il y a quelques semaines avec les amis Denis (Jodoin)
et Michel (Lamoureux). Une magnifique sortie de plus de 25 km qui nous a mené
de Cap-Santé à la Pointe-Platon puis le long de la falaise qui nous mène
presqu’à Leclercville avant de revenir à notre point de départ via Portneuf. Si
le long des falaises, ce sont les les aigles dorés qui nous ont accompagnés,
entre Portneuf et Cap-Santé, ce sont les oies blanches et les bernaches qui
nous entouraient. Si elles sont difficiles à voir sur la vidéo, on les entend clairement!!! Merci les
gars…
Anne Ducros
Purple Songs
n’est pas une nouveauté. Même que l’album date de 2001 et qu’il obtenait cette
année là un Victoire de la musique dans la catégorie jazz. Anne Ducros
a une voix somptueuse et le style d’un vraie chanteuse de jazz, elle qui a
pourtant été formée originellement au chant classique et baroque. Mais avec cet
album qui réunit Gordon Beck au piano, Didier Lockwood au violon, Sal La Rocca à la contrebasse et Bruno Castellucci aux
percussions, la dame a réalisé ce qui demeure pour moi un des plus beaux albums
de jazz vocal que j’aie entendu. À écouter prioritairement : You Must Believe In Spring et In the Wee Hours of the Morning. (Disque
Dreyfus)
Élisabeth Kontomanou et Geri Allen
Il y a deux ans, la chanteuse française Élisabeth
Kontomanou (née d’un père guinéen et d’une mère grecque(!), était
invitée par le FIJM à donner un concert à la maison du jazz de la rue Saint-Catherine
en compagnie de la merveilleuse pianiste et compositrice Geri
Allen. Les deux femmes se sont rencontrées pour la première fois à 16
h. le jour du concert qui commençait à 20 h. Bien sûr, ce ne fut pas parfait,
mais on a entendu ce soir-là deux grandes voix et quelques moments magiques.
Alors, ne voilà t’y pas que la maison Out Note (française,
évidemment, avec un nom semblable), vient d’enregistrer les deux dames sur un
album intitulé Secret
of the Wind, qui propose des musiques intimistes hautement
inspirées, notamment les quelques Negro Spirituals (Sometimes I Feel Like a Motherless Child, Were You There notamment), et des chansons plus directement
associées au jazz comme Nature Boy.
Et dire que les deux dames seront de nouveau réunies à
Montréal le 8 septembre prochain (2012), toujours à la Maison du jazz!!!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire