mardi 13 juillet 2010

La poésie de la pluie

Lorsque l’orage vient je goûte

La terre qui se change en parfum

Et si la pluie pèse ses gouttes

Je chante auprès de mon arbre

J’en attends la fin

Ce n’est que de l’eau

Ce n’est que de l’eau camarade

- Vinicius de Moraes, chanté par Pierre Barouh

Une belle pluie chaude quasiment tropicale, tombe, droite, à travers les arbres des hauts de Saint-Adolphe de Stoneham, en plein chez moi, Chemin-des-Sables. Une belle pluie d’après-midi, apaisante, bienfaisante, charmante, rassurante, de celle que l’on regarde des heures avec bonheur, comme un feu dans l’âtre. Dehors, la verdure éclate de mille tons à travers les merisiers, les pins, les mélèzes, les érables et les dizaines de sortes de plantes de sous bois qui bordent ma rivière.

Pour l’accompagner, j’écoute la voix grave et caressante de Maria Bethania qui égrène les chansons de Tua, ce si bel album qui invite à l’amour. Si ma douce était ici, c’est ce qu’on ferait sans doute, l’amour, suspendant le temps que l’on prendrait sans compter pour se donner du plaisir à n’en plus finir. Mais, bon, ce n’est pas la dernière journée de pluie, heureusement…

En attendant, assis sur la galerie qui donne sur la cour et la rivière, je médite la pluie pendant plus d’une heure me semble-t-il. On ne voit pas le temps passer, tout simplement parce qu’il semble arrêté, animé uniquement par les dizaines d’oiseaux qui m’entourent de leurs chants tantôt flûtés, tantôt tout en trilles, des chants connus comme celui du merle, de la grive et du roselin, des chants rares aussi, vibrants et envoûtants, inconnus.

Puis je lis, assez distraitement d’abord, puis de plus en plus pris par ce brillant reportage de Bill Buford publié dans l’édition du 5 avril 2000 du New Yorker magazine portant sur l’incroyable Lucinda Williams. Une vraie vie de louisianaise, dure, marquée par la pauvreté matérielle, mais rehaussée d’une détermination sans faille à devenir « song writer » comme ils disent dans le sud, c’est-à-dire une chanteuse qui écrit et racontent des histoires, celles de leur vie de préférences. Celle de Lucinda est marquée par le suicide de quelques-uns de ses proches, l’alcoolisme de son frère, le désarroi de sa mère, la poésie de son père, un intellectuel radical dont les prises de position ne faciliteront en rien la vie familiale. Lucinda Williams, à l’incomparable voix rauque, pleine d’une émotion pas toujours contenue, nomade dans l’âme, amoureuses de ses bassistes, mettant régulièrement au clou ce qu’elle possède pour survivre de sa musique. Parlons-en de cette musique oscillant en country et rock, folk et ballade, toujours inspirée sur chacun de ses 10 albums (en plus de quarante ans de carrière).

Remarquez que, depuis la sortie de Car Wheels On a Gravel Road qui a remporté un Grammy en 2000 et est devenu un classique de la chanson américaine, la vie matérielle de la chanteuse s’est drôlement améliorée, elle qui habite maintenant la Californie. Mais si Car Wheels est un chef-d’œuvre d’americana, mon préféré demeure Sweet Old Word qui date de 1992 et sur lequel la voix est à chaque instant d’une beauté saisissante, les mélodies plus simple, proches de la country, et les textes étoffés, aériens mais lourds de sens.

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