Flô, Sophie, Loïk et Loulou.
Alors voilà, s’occuper de trois fouines d’âge préscolaire dans un milieu inconnu sur le bord de l’eau s’est avéré une tâche titanesque, enfin presque. Sont trop petits pour être autonomes, sauf Ged, et trop grands pour que nous soyons capables d’exercer un contrôle visuel de tous les instants sur leurs agissements. Z’avaient chacun leurs jouets, mais, allez donc savoir pourquoi, ils voulaient toujours tous le même en même temps, et cela au moment même où les adultes sont occupés à monter le campement de trois tentes, sans compter la tente moustiquaire que Louise venait d’acheter malgré ma farouche opposition. Curieusement, le même phénomène se produisait à l’heure des repas. Bref, nous n’étions jamais assez de trois adultes pour surveiller et veiller au bien-être de ces trois petits qui, par ailleurs, n’en revenaient pas de découvrir la plage la rivière, les oiseaux, les papillons, et pour Flô (Florent), les mouches sous toutes leurs formes.
Dans son cas la tente moustiquaire n’a été d’aucune utilité de même que les crèmes anti-moustiques que nous lui prodiguions généreusement. L’a eu le cou, les tempes et le front gonflés et enflés durant tout notre séjour…
Mais il est resté totalement serein et d’une gentillesse à toute épreuve. D’ailleurs, étant donné l’affinité de ma Loulou avec Gédéon et celle, pour le moins réciproque, de Sophie et de son fils, c’est à moi que revenait le plaisir de suivre les tribulations de Florent.
La lecture commentée.
C’est aussi avec lui que j’ai partagé ma tente, un plaisir incommensurable parce qu’à sa première expérience, il s’est montré un remarquable campeur, s’endormant dès que l’histoire que je lui comptais était terminée, et passant des nuits complètes sans même sortir de son sac de couchage comme l’avait fait son aîné la première fois. Surtout, c’est le plaisir évident que nous avions d’être ensemble qui m’a le plus ému. Cet enfant est un véritable câlinours et, en deux jours, nous nous sommes offerts un véritable bain d’imprégnation réciproque, ne pouvant nous passer l’un de l’autre… même si, évidemment je fabule un peu.
La fugue
Toujours en train de rigoler, Flô devient d'un insondable sérieux sous la caméra.
Parce que voyez.-vous, s’il était le premier couché et le premier à s’endormir, Flô était aussi le premier réveillé. Et quand je dis réveillé, c’est avec les 100 watts allumées et il n’est pas question de rester au lit à niaiser. À 5 h 30 du matin c’est un peu dur à prendre…
Ce qui fait qu’hier matin, après m’être réveillé plusieurs fois pour m’assurer qu’il était bien, que les bruits de la nuit ne le dérangeaient pas, je me suis endormi une fois le soleil levé pour me réveiller en sursaut tout d’un coup. Tout était silencieux, je me suis retourné pour me rendre compte que le sac de couchage était vide. Grande frayeur. J’appelle ma Loulou. « Loulou, j’ai perdu mon bébé! » Elle sort la tête de sa tente, me regarde en pensant visiblement que je la niaisais. Devant mon air effaré, le souffle lui a aussi manqué. Et Sophie, de l’autre tente a dit : « j’ai entendu brasser dans la tente moustiquaire, je pensais que vous étiez levés…»
En nous entendant, le petit monstre est arrivé, un grand sourire aux lèvres dans son chaud pyjama à pattes (heureusement). Est allé voir Loulou puis est revenu à la tente où j’ai failli le gronder. « Flô, je veux que tu me promettes ne de plus sortir de la tente sans m’avertir, d’accord. J’ai eu très, très peur… » Le p’tit criss! Il m’a pris dans ses bras et tapoté le dos en me disant, oui, ok. Devant mon air catastrophé, il a pris un air plus triste que piteux. Il trouvait vraiment que je faisais pitié. Du coup, j’ai eu l’impression que c’est moi qui avait fait un mauvais coup…
Les odeurs
Bon, c’est beau se lever tôt et se coucher tard (impossible de faire dormir les enfants le soir quand il fait trop clair dans la tente!), mais ça rend les journées plus difficiles. C’est pourquoi, à 9 h 30 du matin, Flô marchait comme un zombie et a accepté avec plaisir les bras que je lui tendais. Il s’y est endormi derechef et je n’ai eu qu’à aller le porter dans la tente où je me suis endormi un moment avec lui.
Ce qui m’a réveillé net, c’est l’odeur de merde qui avait envahi notre petit espace maintenant soumis aux chauds rayons du soleil. Flô avait chié dans sa couche et ça émanait grave. J’ai dû fuir. Quand il s’est éveillé vers les 11h 15, je n’avais rien pour le nettoyer ni le changer. Nous avons donc marché, lui et moi, les 500 mètres nous séparant de la plage et du reste de la smala. Ça a été long, le pauvre petit marchant avec difficulté et moi qui ne voulais rien savoir de le prendre dans mes bras à cause de l’odeur et des risques de débordements. Rendu là-bas, c’est sa grand-mère Loulou qui l’a changé. Ben bon pour elle!
Floïdéon
La trinité Floïdéon.
Ah, j’oubliais. Vous n’avez peut-être pas encore compris l’expression Floïdéon que l’on trouve en titre? C’est simple, à force d’interpeller l’un ou l’autre des enfants, les adultes se mêlaient constamment dans les noms. Il en est résulté un seul pour les trois enfants : ils s’appellent Floïdéon.
Bref, n'empêche, que ce soit avec Gédéon le sourieur, Loïk l’aventurier ou Florent l’observateur tendre, ces trois jours resteront gravés dans nos mémoires d’adultes. Pour Sophie notamment…
L’accident
Malgré tout, après ces deux jours et demi, nous étions tous très heureux de notre séjour et Sophie se promettait de revenir bientôt en compagnie de son Pierre chéri et de Loïk, bien sûr, pour faire la sortie en montagne que j’aurais rêvé de faire avec un des petits, mais faute de temps...
Nous nous sommes quitté après de belles effusions et Sophie devait nous suivre sur la route 365 jusqu’à l’autoroute 40. Nous l’avons perdu de vue après qu’elle se soit arrêtée pour prendre de l’essence. De son cellulaire main libre, elle a appelé ma douce quelques instants plus tard pour savoir si elle était sur le bon chemin… puis moins d’une minute plus tard pour dire, complètement perdue, qu’elle venait d’avoir un accident, qu’elle et Loïk n’avaient rien mais que l’auto était une perte totale.
Stupeur en la demeure, on vire de bord au cœur de Pont-Rouge et moins de deux minutes après nous étions sur place. L’auto est dans le champ, deux mètres sous le niveau de la route. Nous voyons Sophie à côté, parlant avec des passants. Déjà, des gens font la circulation et, le temps de laisser Louise aller rejoindre sa fille et de faire le tour pour me ramener près d’elles, la police et les ambulanciers arrivent. Tout cela, me semble-t-il, en moins de 5 minutes!
De ce que je peux voir, la pauvre petite est en état de choc, pleure, mais on s’occupe bien d’elle. Loïk est sorti de l’auto, l’air tout à fait au-dessus de ses affaires, comme si rien ne s’était passé. Wow, pense-t-il peut-être, une ambulance comme celle de mon papa!
Moi, je reste dans l’auto avec Gédéon et Florent qui dorment. À leur réveil, je leur apprends l’accident, que leur tante et leur cousin vont bien mais que l’auto est toute brisée. Ils comprennent tout de suite la gravité de la chose. Mais je ne peux rien leur montrer (et peut-être ne vaut-il mieux pas), juste leur raconter ce qui se passe jusqu’à ce que l’ambulance parte et que nous la suivions en direction du CHUL de Québec.
L’examen de nos deux victimes ne révèle rien. Pendant que grand-papa Roger ramène les petits chez eux, Rosemarie, leur mère et la sœur de Sophie, vient nous rejoindre et nous partons tous vers la maison attendre Pierre, le chum de Sophie qui, délicatement averti, arrive.
La soirée? Après le récit de l’accident de la part de son auteure… ah oui, vous voulez sans doute savoir ce qui est arrivé! Il est arrivé que Sophie, qui aime trop les animaux, a tenté d’éviter non un chevreuil comme l’a cru le policier de la SQ, mais… une marmotte. Les roues de droite ont mordu dans l’accotement mou et ont refusé de revenir sur l’asphalte. Elles ont plutôt choisi le champ de maïs.
Nous avons donc passé la soirée à exorciser l’incident pour finir par nous moquer de la pauvre Sophie et des gros animaux que la route met sur son chemin. Dur, dur pour l’orgueil…
Convergence
Mon esprit flottant dans la béatitude, j’ai laissé sur place le dit porte-monnaie, mon gilet et le sac qui contenait le tout. Alors, nous voici sur la rue Cartier, en plein marché aux puces. Denis, a installé une table pour écouler des disques, dehors, face à son magasin. Pendant que nous jasons, Loulou est partie à la chasse aux aubaines. À l’intérieur, il y a mon fils Nicolas qui met ses compétences musicales au service des clients. Il a été contaminé grave par la passion paternelle et est devenu disquaire à temps partiel.
Tiens, voilà Ali Ndiaye, alias Webster, rappeur et intellectuel de son état, qui se pointe pour une jasette lui aussi. Ali, c’est l’ami d’enfance de mon autre fils Jean-Philippe. Il est accompagné de sa sœur Mariem, chanteuse animatrice et leader du groupe Céa. Je connais Ali depuis 1986, alors que J.-P. entrait en 2e année à l’école Saint-Fidèle de Limoilou. Mêmes classes pour les 10 années suivantes, ça forge une amitié et des affinités qu’ils partagent toujours au sein de Limoilou Starz, le collectif de rap le plus important de Québec. Il me présente sa douce qui me rappelle qu’on s’est vu à Montréal lors d’un des déménagements de mon aîné. La belle Catherine Mercier les accompagne, elle, la fille chérie de Linda, une de mes amies proches de l’époque.
On discute un peu jusqu’à l’arrivée de Paule Létourneau, une autre de mes petites amies de la même époque. Vivant dans le quartier, elle a appris de Denis que j’étais à la retraite. Elle aussi. On prend des nouvelles au moment où passe Geneviève Moisan, la patronne de Loulou, et sa famille. Justement Louise revient et Paule repart après nous avoir chaleureusement saluée.
Nicolas sort au même instant du magasin en compagnie de Luce… oui, un autre amie de l’époque pré-Loulou et post-Diane, la mère de mes garçons. Elle aussi prend sa retraite et on jase. Loulou s’intéresse particulièrement aux cours de podologie que suit Luce pour occuper sa retraite. Ma coureuse de blonde entend s’occuper de ses pieds pour courir longtemps et prend les coordonnées de Luce. On jase aussi musique, Luce souhaitant renouveler ses connaissances en musique baroque qu’elle aime tant depuis que je la lui ai fait découvrir.
En tout, cet étourdissant chassé-croisé n’a pas duré plus de 20 minutes. Vingt minutes qui m’ont ramené 20 ans en arrière dans une autre vie qui m’en a, du coup, rappelé d’autres de vies. Mais ça c’est une autre histoire…
Loulou et moi sommes partis rejoindre sa sœur et son chum pour souper. Ce fut fort agréable, mais je dois avouer que, par moments j’avais la tête dans le passé. Comment tant de temps a-t-il peu s’écouler si rapidement? Comment tant d’événements ont-ils pu arriver en si peu de temps? Si peu de temps vraiment???
Ça m’a rappelé tout d’un coup que ça fait 20 ans ces jours-ci que je connais Loulou, que ça fait 17 ans que nous sommes ensemble. Et tout ce qu’on a vécu, ouah! C’est vertigineux. Et c’est comme si c’était hier… Merci mon amour!
Musique
Bien que le Festival international de jazz de Montréal batte son plein, je jette mon dévolu sur un autre « songwriter » texan qui, a commencé à se faire connaître à l’aube de la cinquantaine : Sam Baker. Banquier de son métier, ce chanteur épris de justice social a été victime d’un rapt terroriste au Pérou en 1986. Résultat : une main salement amochée, pour un guitariste c’est la mort, et une gorge tailladée qui lui donne aujourd’hui une voix éraillée et un peu étrange. Le monsieur a trois disques à son crédit où dominent, outre la parole, la guitare et des accompagnements vocaux magnifiques.
Toute sa musique est empreinte d’une douce mélancolie, même des chansons comme « Baseball » qui raconte avec beaucoup de tendresse le jeu pratiqué par des enfants. D’autres dénoncent les injustices dont sont victimes les latinos à la frontière mexicano-texane, d’autres parlent d’amour ou de liens humains avec beaucoup d’à-propos et de sensibilité. À acquérir sans gêne: Mercy et Pretty World.
Le jazz, ce sera pour la prochaine chronique…
Bonne semaine!
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