L’été, dès le 23 juin, on quittait le 216 Arago Est, pour le
chalet, à Notre-Dame-des-Laurentides, au 19 rue Deschênes. N’ayant pas d’auto,
on partait, maman, mon frère et ma sœur, en autobus de la ligne des
Laurentides, des bus orange et beige, reconnaissables à la feuille d’érable
automnale qui ornait leurs panneaux latéraux. On partait en voyage vers le
nord, à Notre-Dame-des-Laurentides, une grosse demi-heure vers les contrées
vertes et bucoliques de la campagne fermière.
La rue Deschênes, c’était une route de gravier en boucle,
ornée de quelques chalets au milieu des champs que longeait la rivière du
Berger, propre en ces temps-là. Au bout de la dite boucle, un sentier
s’enfonçait dans la forêt devenue le terrain d’aventure de nos 8 ans. Là, avec
les Duchesneau, nos voisins, pis les Martineau et les Rhéaume, on partait vers
1 001 aventures de cowboys et d’Indiens où, ces derniers, à l’occasion
gagnaient.
À moins d’un mille au sud de chez nous, c’était le zoo de Charlesbourg
que nous fréquentions allègrement, presque quotidiennement, l’entrée étant
gratuite pour les enfants que nous étions. Nous avions nos animaux préférés;
les aigles royaux et leurs regards méprisants, les condors des Andes à
l’empennage démesuré, les bisons aux bouses grosses comme leur tête, les cerfs
qu’on nourrissait allègrement d’herbe du gazon environnant et les pauvres ours
polaires, schizophrènes, qui avançaient et reculaient sur 10 mètres des heures
durant, jusqu’à ce que la chaleur les forcent à plonger dans leur bassin.
Je ne me souviens pas d’être arrivé pour passer l’été au 19
rue Deschênes, par une journée de mauvaise température. En ces temps-là, l’été
était doux et ensoleillé. Tous les jours, sauf les dimanches après-midi! Vers
les 16h30, alors que le party des Beaulieu, la famille de ma mère, battait son
plein, il n’était pas rare que de gros nuages d’un sombre noir bleuté, fassent
une apparition soudaine, lançant éclairs et faisant raisonner tonnerre. Un
orage cataclysmique s’abattait sur la campagne, faisant hurler plus d’une de
mes tantes et se cacher on ne savait jamais où, mon oncle Roger. Si le
pique-nique prévu était à l’eau, on se ramassait une trentaine de personnes
dans la seule grande pièce du chalet, pour bouffer nos sandwichs aux œufs pas
d’croutes. Les adultes dans la cuisine, et les enfants, dans les deux chambres
restantes.
C’était la
coutume, chaque dimanche de l’été, de voir arriver la smala de la ville, les
Beaulieu, qui venaient s’épivarder chez nous. Des dizaines de cousines et
cousins, avec leurs parents arpentaient le terrain. Les plus jeunes squattaient
la pataugeuse, les plus vieux « faisaient le tour de la route », dans
le but de faire des rencontres attirantes. Les parents, jasaient, bière ou gin
à la main, se racontaient leurs boires et leurs déboires et ça riait beaucoup.
De temps à autres, des mononcles ou des matantes prenaient
quelques bâtons de golf pour parcourir le terrain rasé de frais; 175 pieds par
100. Ils abandonnaient dès qu’un enfant s’amusait à les battre. Mon cousin
Jean-Yves et moi, étions passés maîtres à ce jeu. Une fois débarrassé des
adultes, on pouvait jouer tout notre saoul, à quatre ou cinq, jusqu’à ce que
les gants de baseball nous appellent. On sortaient le bat et on s’envoyaient
des pop-fly que les joueurs au champ attrapaient d’une nonchalance étudiée ou
de la manière la plus spectaculaire qui soit à la suite d’une course effrénée
et d’un plongeon magnifique!
Par ailleurs, comme je l’ai déjà écrit dans cette chronique,
le baseball était mon activité favorite de l’été. Baseball de champ chez les
voisins et baseball organisé au patro de Charlesbourg. Le matin, en attendait
le bus, on se lançait à bale à 2, 3 ou quatre. Au patro, on jouait en
avant-midi et en après-midi, et parfois, en dînant. Le soir, on retrouvait les
voisins et on recommençait.
Malgré tout, ce que je me rappelle le plus de ces 14 étés,
ce sont les petits matins chauds où nous sortions sur la galerie, nous assoyant
sur le plancher pour être à l’abri du vent, et écouter les merles qui inondaient
les environs de leur chant. Au loin, si loin me semble-t-il, sur le boulevard
Henri-Bourrassa (la Route 54 dans le temps), il y avait les camions et autos
qui passaient, plus rares qu’aujourd’hui, et si loin, comme si la lourdeur du
quotidien ne pouvait nous attendre. Ça s’était la sérénité avec un grand S et
on pouvait, mon frère Claude et moi, passer une heure à en profiter, avant de
s’activer. D’ailleurs, c’était bien plus souvent moi qui s’activait, parce que
lui, c’est un contemplateur né. La nature, il l’a écouté. Les gangs, le
baseball, ce n’était pas pour lui qui préférait accompagner notre père pour de
longues marches en forêt.
Blues
Michael Jerome Browne récidive. Après nous avoir donné le splendide The Road is Dark en 2011, le fabuleux guitariste vient de faire paraître le superlatif Sliding Delta, toujours sur étiquette Borealis, ou il enfonce son blues dans les terres les plus riches de son histoire. Mais encore?
On le sait depuis quelques décennies, MJB est un bluesman accompli et un amateur d'instruments à cordes pincées (guitares, dobros, banjos, mandolines, nationales) les plus appropriées pour offrir les cours d'histoire qu'il nous offre. Sliding Delta nous ramène donc quelques-uns des plus grands noms du blues rural du sud du Mississippi du siècle dernier : Mississippi John Hurt, Fred McDowell, Johnny Shines, Memphis Minnie, Charley Patton, Blind Willie McTell. L'artiste, le MJB en question y est ici au sommet de son art et ramène à la vie les joies et les misères de chacun de ces grands noms. Seul avec ses instruments dont il tire les sons propres à chacun des compositeurs, il devient tour à tour chacun d'eux avec une dextérité confondante. Son jeu riche et sensible fait sonner ces instruments rares comme autant de vérités. Du blues comme on en n'entend plus, ressuscité du fond des âges et rendu à leur vie première. Un véritable chainon manquant qui
Michael Jerome Browne. Sliding Delta (à écouter en cliquant sur le titre). Borealis Records. BCD233
2 commentaires:
Bon raconteur. J'ai vu, j'ai entendu, j'ai senti (sans rien dire toutefois). Les trois singes en moi se sont donc exprimés!
Bon raconteur. J'ai vu, j'ai entendu, j'ai senti (sans rien dire toutefois). Les trois singes en moi se sont donc exprimés!
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