jeudi 21 octobre 2010

Va savoir!


« S'il n'y avait pas d'enfants sur la Terre, il n'y aurait rien de beau. »

- Réjean Ducharme, tirée de son autobiographie en trois paragraphes

Vient de relire de grands bouts de Va savoir de ce Ducharme, un roman d'amour et de mort très noir et pourtant plein de tendresse et d'émotions puissantes : " Sais-tu que tu es bonne, après comme avant, que tu lisses un bon goût dans la bouche, un goût de croquer encore, embrasser la vie, savourer le petit nuage échappé du troupeau, le ruissellement du vent à travers un bouleau, un corps échauffé après trop de danse? (...) Tu me manques à ce point que le vide à ta place a un poids qui se blottit contre moi, des mains qui me font frissonner." p.121 de l’édition originale (Gallimard).

Des citations du genre, il y en a des centaines dans Va savoir. Des dures aussi, portant sur la mort : « …tu ne vas pas mourir, il n’en est pas question. Ni dans un an, ni dans cent. Pas sans moi en tout cas. On fera ça ensemble, comme l’amour. On s’endormira l’un dans l’autre, une anéantissante fois pour toutes. De tout notre pesant d’enclume, on s’enfoncera l’un l’autre au fond de l’eau du lit, et la rouille en nous gangrenant ne nous détruira pas, elle nous soudera, plaie à plaie. » p. 71

Oh, ne vous inquiétez pas inutilement, ça n’arrivera pas. Ils ne mourront pas ensemble. Elle seule va périr, au bout du monde, par haine d’elle même, se détestant tellement que son dernier acte, avant de partir toute nue au cœur d’une sempiternelle bataille isrélo-arabe, sera de détruire à coups d’ongles la photo de son passeport.

Il va même jusqu’à citer Schubert « …qui a été chez les putains chercher l’amour et qui est revenu avec la mort. Un si gentil petit rêveur. Pas beau parleur. Pas beau. (…) Ça fait bien notre affaire au fond que Schubert ait tant souffert, on est vache et ça nous fait de quoi ruminer, tant pis pour lui. » p. 249

C’est vrai que Schubert a souffert, mort de douleurs, de syphilis et de fièvre typhoïde à 31 ans, ayant passé ses derniers mois à écrire chefs-d’œuvre après chefs-d’œuvre jusqu’à son dernier souffle : les trois dernières sonates pour le piano, les impromptus, le bouleversant quintette à cordes, la fantaisie pour piano è quatre mains, le cycle du chant du cygne et celui du voyage d’hiver, pour n’en nommer que quelques uns. Alors du coup, ça me donne des idées pour L’Accroche-cœur, l’émission de radio que j’anime les samedis matin à CKRL. Je vais faire jour un extrait de quelques-unes de ces œuvres et raconter qu’il est un des premiers grands romantiques en musiques, pas tant par sa musique que par sa vie de bohème pauvre…

Pour en revenir à Réjean Ducharme, je vais y revenir et relire Gros mots que j’avais adoré et L’avalée des Avalée, que je n’ai jamais terminé. Faut dire que c’est un démoralisant de le lire, le Ducharme. Pas à cause du propos. De l’écriture avant tout. C’est tellement génial, cette utilisation des mots à double et à triple sens, à sens caché aussi, qu’on se demande à quoi ça sert d’aligner des mots quand on ne s’appelle pas Ducharme ou Beaulieu (V.-L.).

N’empêche, les lire nous rend meilleurs et même, ne me demandez pas pourquoi, plus sereins. Peut-être que de savoir qu’il existe des humains de cette stature rassure… C’est pareil pour Schubert qui n’avait vraiment l’air de rien, au mieux un clodo, et qui était un merveilleux poète. C’est ce que je me dis en écoutant son premier impromptu en ut mineur pour le piano. Ça bouleverse un peu, ensuite ça caresse et infuse l’espoir.

Bandes dessinées

Ah mais je ne vous ai pas dit pourquoi j’avais rouvert le monde de Ducharme. À cause d’une BD. D’une bande dessinée ou l’héroïne rencontre un écrivain qui n’existe pas, qui écrit, mais que personne ne voit parce qu’il ne donne pas d’entrevue, qu’il se cache quelque part au cœur de la ville où à la campagne et que c’est ainsi que naisse les mythes. Elle, elle le rencontre le mythe. Et alors ? Je ne sais pas, je ne l’ai pas encore lu. Ça s’appelle Page noire et c’est de Giroud/Lapierre/Meyer, publié chez Futuropolis. Si vous louez en savoir plus cliquez sur Page noire. Moi, je ne voulais que me mettre dans l’atmosphère et j’en ai trouvé une toute autre chez Ducharme…

Surtout, il fallait prendre une pause pour me remettre de la lecture du dernier Blacksad qui était attendu depuis le milieu de l’été, Blacksad, le détective noir et solitaire plus vrai que nature, est de retour à La Nouvelle-Orléans dans une histoire sombre et jazzeusement musicale. Un autre grand cru de mon héros de BD préféré!!!


Pour en savoir un peu plus sur cette histoire blacksadienne aux couleurs et aux émotions torrides, vous pouvez toujours consulter le ouèbe, mais le mieux, c’est de le lire et le relire. Chez Dargaud éditeur, qu’on se le dise. Ah, oui, ça se lit en écoutant le superbe Bright Mississippi du vieil Allen Toussaint, La Nouvelle-Orléans dans toute sa splendeur jazziste.

Bonne lecture et belle semaine à vous !

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