Le pic de Katahdin. Un pas en arrière et on se retrouve 5 267 pieds plus bas. Le seul pas que nous n'avons pas franchi!
Le mythe
J’avais bien sûr entendu parler de cette montagne mythique de l’est de l’Amérique du Nord. Elle n’a rien évidemment rien à voir avec les Rocheuses, les Andes ou les Alpes pour ce qui est de l’altitude. Ses vertus sont ailleurs. Ce qui distingue, en fait, ce « complexe » montagneux, c’est sa forme en demi lune au fond de laquelle repose un petit lac d’une pureté inégalée. L’un des passages pour accéder à son sommet s’appelle la Cathédrale, à cause de la raideur de sa montée et de l’impression de toujours y voir comme une pointe de… cathédrale en haut de chacun de ses paliers. Nous l’avons d’ailleurs emprunté. Mais avant d’aller plus loin, je vous propose de lire ce qu’en disait Mario Demers dans l’édition de mai de la revue de plein air Espaces :
Le Knife Edge du mont Katahdin (Maine)
Avoir la lame à l’œil
Pour une fois, l’expression « à couper le souffle » ne constitue pas un cliché. Non seulement à cause du nom de ce sentier, joyau du parc Baxter, mais parce que la vue qu’offrent ses extrémités – Pamola Peak et Baxter Peak – est probablement la plus émouvante de tout le Nord-Est. Devant soi se dessine une étroite et intimidante crête accidentée qui promet des heures de plaisir à jouer les funambules. Sur cette lame de roc effilée longue de deux kilomètres et surplombant deux interminables parois verticales, quelques passages aériens de moins d’un mètre de largeur – où il n’est pas rare de croiser des randonneurs accroupis et terrorisés – conduisent à une profonde brèche dans laquelle il faut bravement plonger, bien agrippé aux rochers. Seule voie de sortie possible : escalader l’autre paroi, tout aussi escarpée. Le Knife Edge demande des nerfs d’acier et des réflexes bien aiguisés!
Conseils
• 18 km, incluant l’approche.
• De Chimney Pond, monter vers le sommet Baxter (point culminant du mont Katahdin, 1600 m) par le sentier Cathedral, traverser le Knife Edge, puis descendre par l’exigeant sentier Dudley.
• De Montréal, il faut compter 7 h 30 (environ 550 km).
• L’accès au parc est limité. Mieux vaut arriver très tôt ou camper sur place.
• Infos : 207 723-5140 • www.baxterstateparkauthority.com
La description du journaliste est juste et « émouvant » est l’adjectif qui décrit le mieux le lieu, même si le mot reste faible devant la magnificence « intime » qui s’impose à nous. En fait, pour être moins ésotérique, je veux dire que même si plus d’une centaine de personnes circulent sur et autour de Katahdin chaque jour, chacun a l’impression que le lieu n’existe que pour lui. Cependant, contrairement à ce que dit Demers, nous n’avons vu personne de terrorisé en ce beau 1er septembre 2010. Et s’ils étaient accroupis, c’était d’ébahissement ou dans mon cas, pour une raison que vous découvrirez plus bas.
La cathédrale
Rien, pourtant, ne prédispose le randonneur qui arrive au Parc Baxter à voir ce qu’il va voir et vivre ce qu’il vivra. L’entrée du parc est installée tout près d’un lac splendide et n’offre aucune montagne à la vue. Il nous faut parcourir 12 km de route forestière pour arriver au camping du Roaring Brook, notre base. Encore là, aucune élévation en vue.
Ce n’est qu’après avoir parcouru la moitié du sentier d’approche nous permettant d’arriver au pied de Katahdin, le Chimney Pond Trail, qu’une éclaircie nous offre un premier point de vue, une apparition tout à fait saisissante qui a fait s’exclamer les 7 ou 8 personnes qui sont arrivées juste après nous. Là, se dresse majestueusement le mont Katahdin et ses pic de Baxter de 5 267 p., South (5 240 p.) qui sont reliés à gauche, au mont Pamola (4 919 p.) par le fameux «Knife edge ». Tout à côté, le mont Hamlin vient compléter le décor. Tout cela nous attend quelque 10 km plus loin, distance que nous parcourrons avec un enthousiasme qui nous donne littéralement des ailes.
La magie s’accentue à l’arrivée au Chimney Pond, le tout petit lac lové au fond de la demi-lune que forme la montagne. On se croirait littéralement dans… une cathédrale. C’est d’ailleurs par le sentier du même nom que nous entreprendrons notre ascension, Norb et moi. En fait, il n’y a pas de sentier, mais des balises qui jalonnent une longue montée abrupte de près de deux kilomètres sur les pierres qui forment la montagne.
Chier dans la cathédrale
Depuis le début de notre rando tout n’est que mystique. Et surtout cette montée exaltante vers les nuages que fend avec force le knife edge. C’est alors que ça m’a pris. Tout d’un coup, comme si quelqu’un m’avait trituré les boyaux d’un vicieux coup de malaxeur. Une terrible crampe intestinale m’a assaillie et, au bout de cinq minutes, je n’arrivais plus à avancer. Je n’avais plus le choix, je devais déféquer opsdc[1]. Mais voilà, juste au dessus de nous, il y a un groupe de trois jeunes adolescentes et, en dessous, un monsieur qui arrive avec, lui aussi, son ado. Et encore d’autre plus bas. Alentour, aucun arbre évidemment. La panique aussi totale que vespérale s’empare de moi. Il me faut tout un effort de concentration pour loger la paroi, jusqu’à m’isoler à une centaine de mètres m’installer, en équilibre précaire au-dessus d’une touffe de lichen qu’ai pris le soin de dégager auparavant. Bon, je passe sur la description de la détonation qui a suivie, mais je vous assure que j’ai respecté en tout point les préceptes du code Sans trace en nature !
Ce fut le seul moment de désarroi de ce périple en tout point remarquable, le plus exigeant de ma "carrière" de randonneur, mais aussi le plus valorisant, exaltant, enivrant. Mon ami Norbert est d’accord là-dessus. D’ailleurs, c’est un merveilleux compagnon de voyage cet homme, qui est d’une souplesse exemplaire côté bonne entente et un raconteur de première pour ce qui est des anecdotes de voyage. Un gros merci de m’avoir invité à celui-ci !
Je n’en raconte pas plus, les photos vous disent le reste mieux que les mots, sauf pour ajouter que la rando, c’est comme l’éternité, c’est toujours vers la fin que c’est le plus long. Quand on a tout vu, tout grimpé, tout trippé, le retour pentu à travers les branchages de sapins rabougris du rocheux sentier d’Helon Taylor s’est prolongé un peu trop…
Quel périple!!! On va revenir et cette fois, ma Loulou sera de la partie, n'est pas mon amour?!!
[1] opsdc : ô plus sacrant du criss
1 commentaire:
Ultracool. J'ai vu les photos hier. L'ami Norbert est conquis, vous avez fait ce que je voulais réaliser. Jaloux je suis, à fond.
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