lundi 8 septembre 2008

Du Guatemala à la toundra

«Mon oncle me disait: "Si une femme t'aimait, et si tu avais la présence d'esprit de mesurer l'étendue de ce privilège, aucune divinité ne t'arriverait à la cheville." »
-Yasmina Khadra, Ce que le jour doit à la nuit, éd. Julliard.

Un premier lundi de septembre magnifique, presque sans nuages. Un vent léger souffle juste assez fort pour nous faire sourire de bien-être, ma Loulou et moi. La météo prévoit un maximum de 23 degrés Celsius et à 9 h30, il est presque déjà atteint. Nous nous sommes levés à la première heure pour partir tôt et nous voilà au pied du Saguenay, à Anse-Saint-Jean, à nous apprêter à gravir la montagne Blanche, un des hauts sommets du Parc du Saguenay.

Il y a longtemps que ma douce rêve de cette ascension au sommet de laquelle on se retrouve dans… la toundra! En effet, le dessus de la montagne est constitué entièrement de pierres granitiques entre lesquelles poussent quelques arbrisseaux comme l’airelle rouge, la camarine noire et le bleuet. Après à peine deux heures d’ascension, nous nous sommes retrouvés au cœur de ce paysage si cher à ma douce, elle qui a habité longtemps le pays des Inuit. Outre l’ivresse de la montée le long d’un ruisseau se transformant en cascade dans les pentes les plus abruptes, outre le vent qui faisait bruisser joyeusement les feuilles des arbres sous un ciel bleu tacheté de quelques nuages d’un blanc immaculé, c’est la diversité botanique qui avait de quoi étonner. Partis dans une forêt tempérée où dominaient les érables, nous somme arrivées dans la toundra après avoir traversé un paysage mixte de feuillus et de conifère et finalement de taïga.

D’en haut, la vue sur le Saguenay n’est rien moins que spectaculaire, la montagne Blanche constituant l’un des sommets les plus élevés du fjord. Après quelques minutes d’extase visuelle, ma douce est vite revenue à des réalités totalement terre à terre en constatant la quantité phénoménale de graines rouges (les airelles) présentes. Elle a rapidement sorti un sac de plastique en m’ordonnant (presque) de ramasser avec elle le fruit si rare sous nos latitudes et qui fait une excellente confiture, plutôt sucrée mais avec une légère amertume.

Puis il a fallu redescendre. Au total, cette rando de 13 kilomètres aura duré à peine cinq heures, en comptant l’heure du dîner et de la cueillette. Elle est en grande forme, ma blonde!

Que ce soit en randonnée sur la montagne ou sur la mer, en kayak, au travail et au quotidien où, sans cesse, nous pensons à l’avenir de nos enfants, Loulou et moi sommes devenus des inséparables de l’amour et de la tendresse. C’est pourquoi, après 15 ans de vie commune, nous avons décidé de nous marier. Ça se fera chez nous, le 27 décembre prochain, en compagnie de nos enfants, de nos familles proches et de quelques amis.

La fugue de Dieu
Ben non, il ne s’agit pas ici d’une fugue du grand Jean-Sébastien Bach dédié à son père éternel. Le Dieu en question, c’est mon petit-fils Gédéon qui, à deux ans et demi, a décidé de partir seul en vélo pour une petite promenade. Résultat : il s’est ramassé dans une auto de police… au grand désarroi de ses parents! Voici l’incroyable histoire…

Par un beau matin, Gédéon s’amuse avec ses autos dans le salon pendant que sa mère, Rosemarie, allaite le petit dernier, Florent, dans la chambre. Christian, le père, est dehors, derrière la maison, à rafistoler la clôture. Connaissant l’esprit d’indépendance de leur fils aîné, les parents avaient eu la bonne idée de barrer la porte avant de la maison. Malheureusement, ce qu’ils ne savaient pas, c’est que Dieu a aussi appris à débarrer cette fichue porte.

Donc maman allaite tout en tendant l’oreille au bruit que fait Ged dans l’autre pièce. Tout d’un coup, elle prend conscience… du silence. Elle se rhabille vite fait et court vers le salon, son bébé dans les bras. Horreur, la porte est ouverte et Gédéon et son vélo ont disparu. Au même moment, Christian entre dans la maison. Rosemarie lui crie de Gédéon est sorti et le père part à toute vitesse derrière lui. Paniquée (on le serait à moins !) Rosemarie ne fait ni un ni deux et compose le 911 pour signaler la disparition de son fils.

Pendant ce temps, le petit, qui s’est rendu jusqu’au coin de la rue avec son vélo, est intercepté par une patrouille de police. Le voyant totalement seul, vêtu d’un gilet mais en couche, les deux policiers tentent de savoir d’où il vient. Mais Dieu demeure silencieux. La consigne en pareille circonstance, on amène l’enfant au bureau de la DPJ le plus proche…

Sans le savoir, Christian arrive sur les lieux quelques instants quelques secondes après le départ des policiers. Pendant ce temps, la standardiste du 911 rappelle Rosemarie pour lui dire que son fils est sain et sauf et qu’il se trouve à la DPJ. Tout n’aura été, au fond, qu’une question de minute, voire de secondes. Ouf direz-vous…

Ben non, pas si ouf que ça. Deux semaines avant cet événement affolant, Gédéon revenait d’un séjour chez nous avec sa mère et sa grand-mère, ma Loulou. En sortant de l’auto, il demande à sa mère les clés de la porte qu’il veut ouvrir lui-même. Armée de bagages, la mère passe outre et insère la clé dans la serrure. Colère de Gédéon qui se jette à terre et se frappe violemment la joue sur le marchepied. Le temps de le dire, une strie bleue-mauve lui barre le visage, strie dont on perçoit toujours la trace en ce matin fatidique de fugue. Alors, vous me voyez venir, les responsables de la DPJ n’allaient pas délivrer le petit sans d’abord poser quelques questions aux parents. Misère!

Bon, résumons en disant que tout s’est bien terminé et rapidement. Mais Christian et Rosemarie en sont encore secoués, eux qui, pourtant, comptent parmi les parents les plus dévoués et attentifs que j’ai connu en 56 ans de vie.

Et vous savez quoi? Depuis ces événements, chaque fois qu’il voit une patrouille, Gédéon dit : « encore aller dans l’auto de police! » P’tit criss!

Musique
Vous connaissez le slam, ce genre poétique vaguement dérivé du hip-hop et dont le représentant le plus connu est Grand corps malade? Eh oui, même avec un nom aussi idiot, le bonhomme offre une proposition poético musicale des plus passionnantes. Mais ce n’est pas de lui dont je veux vous causer, mais de Souleymane Diamanka, un Afro-européen originaire du peuple Peul (Sénégal notamment), dont la belle voix grave et drôlement séduite distille une poésie parlée d’une rare finesse sur un fond musical tout en langueur jazzé. Souleymane Diamanka a remporté le Prix Miroir de la chanson francophone lors de l’édition 2008 du Festival d’été de Québec pour un concert qui a unanimement séduit le jury. Le grand Noir a enregistré un disque magnifique que j’ai toujours à l’oreille dès que j’ai une seconde à consacrer à la musique. Ça s’appelle L’hiver peul et il y est question d’amour, de négritude, d’écritures, de souffrance et d’espoir. Écoutez les très sensuelles Muse amoureuse et Marchand de cendres, Le chagrin des anges qui cause sur l’abandon des enfants qui deviennent violents (Après avoir gagné les parties d’échecs-scolaires/chacun tourne le dos à son avenir) ou le duo formidable d’invention avec Grand corps malade justement (...et j’écris sur la haine pour trouver son vaccin).

P. S. Ah oui, pourquoi ce titre Du Guatemala à la toundra? C’est simple. Arrivé au sommet, nous avons sorti le lunch dans lequel il y avait une banane avec sa petite étiquette collante. Il y était inscrit : Produit du Guatemala.

Gilles Chaumel
Le lundi 08 septembre 2008

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