lundi 3 juin 2019

Violon baroque

L'art de Rachel Podger



Dimanche de pluie. Assis au comptoir de la cuisine, je laisse entrer en moi les snorités riches du beau Pesarinius (Gênes, 1739), de Rachel Podger. Ce sont les suites pour violoncelle de J.S. Bach qu’elle interprète, dans une transcription qu’elle a réalisée pour « son » violon.



Encore une fois, le jeu de la grande violoniste anglaise est d’une précision chirurgicale qui m’épate et m’envoûte. Rachel est une grande violoniste, célébrée de par le monde et vénérée en Europe, particulièrement au Royaume-Uni. Spécialiste de musique baroque et classique, spécialement Bach et Vivaldi, Mozart et de Haydn, elle a réalisée plusieurs enregistrements de référence d’œuvres de ces compositeurs. Si elle a travaillé avec les meilleurs ensembles anglais (English Concert, Academy of Ancient Music entre autres, Brecon Ensemble, etc,), c’est en solo que je la préfère. Et elle en a fait de remarquables, des disques solos, particulièrement ses sonates et partitas de Jean-Sébastien Bach si vanté, et cet album inspiré qui s’intitule Guardian Angel où elle reprend des œuvres des rares compositeurs ayant composé pour l’instrument seul, Matteis, Tartini, Pisendel, Biber (la passacaille!!!!). Elle a aussi enregistré les 12 fantaisies pour violon seul de Telemann. Et maintenant, cette transcription des soli pour violoncelle de Sébastien Bach, le plus grand de tous.

J’y ajouterai les Sonates du mystère, ou du rosaire, du fabuleux compositeur violoniste Heinrich Ignaz Franz von Biber, Bohémien adulé du 17esiècle dont la musique est d’une complexité et d’une virtuosité inouïes. Rachel est une interprète, une musicienne d’exception. 



Rachel Podger enregistre pour Channel Classics .

Faut dire…

Faut dire que je suis fan de violon baroque. Depuis très longtemps. Depuis le début des années 1980, en fait, où je me suis intéressé à l’interprétation des musiques anciennes à la lumière des musiciens qui en furent les apôtres à compter des années 1960-1970. Notamment ces défricheurs que sont  les Gustav Leonhardt (claveciniste et chef d’orchestre), Nikolaus Harnoncourt (violoncelliste, chef de chœur et d’orchestre) et surtout, la famille Kuijken, Sigiswald en tête, qui était violoniste. Je ne veux pas en raconter tous les tenants et aboutissants de cette histoire mais disons qu’à mes oreilles le violon leurs préceptes et leur technique étaient drôlement rafraichissantes face à l’enflure orchestrale et instrumentale héritée de la tradition romantique du 19esiècle.    

Or, recherches musicologiques aidant, ces artisans ont fait école et aujourd’hui personne ne songerait à jouer la musique des 17eet 18esiècle sans s’y référer. Côté violon, on ne compte plus les excellents interprètes, Simon Standage et John Holloway, chez les  Anglais, ont été marquants,  Giovanni Carmignola et Ricardo Minasi chez les Italiens, Isabelle Faust, Anton Steck et surtout Reinhard Goebel chez les Allemands, Amandine Beyer et Philippe Pierlot chez les Français et les Russes, avec Viktoria Mullova,  Maxim Vengorov ou Dmitri Sinkovsky brillent aussi. Je jette ces noms au hasard de ma mémoire. Ils sont tellement plus nombreux et j’en oublie sans doute de plus importants. Mais bon…

J’aime le son chaud du violon baroque, sa rugosité et son âpreté, et l’absence de vibrato qui, à mes oreilles, nous met directement en lien avec l’essence, la pureté de la musique, sans autre artifices, magnifiant la polyphonie, le contrepoint, rendant la mélodie plus incisive…

Mais, au fait, c’est quoi, le violon baroque? Quelle différence d’avec le violon contemporain? Le site web des luthiers de Paloma Valevale résume bien : les différences touchent le manche, plus court plus penché vers l’arrière, le chevalet, les cordes, en boyau de mouton, l’âme et l’archet, notamment. La technique diffère également et là, les opinions des musicologues autant que des praticiens divergent quant à l’utilisation du vibrato, totalement absent pour les uns, dépendamment de l’œuvre, de son usage ou de sa contrée d’origine, de l’ornementation, pour les autres. Dans une entrevue passionnante au magazine La ScenaMusicale de mars 2002, Sigiswald Kuijkensitue bien le débat. 

Pour les oreilles…



L'incontournable Sigiswald Kuijken... cet enregistrement (Harmonia Mundi) des sonates pour violon et clavecin de JSB comptait parmi les plus important su 20e siècle selon le magazine Diapason.



La maison Naïve a pour projet d'enregistré presque tout Vivaldi. Les plus importants violonistes et orchestres baroques y sont associés.


Dans les années 1980, Reinhard Goebel était considéré comme le plus virtuose des violoniste baroque   en plus d'être un excellent musicologue. Son enregistrement des concertos branle-bourgeois de Bach a fait date. Pour moi, il sera toujours l'interprète d'exception de la magnifique Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont à Paris



Monica Hugget est aussi une très grande violoniste et chef baroque anglaise, de la génération précédant celle de Rachel Podger. Son oeuvre, principalement enregistrée avec son ensemble Sonnerie (dont ces magnifiques sonates en trio d'Henry Purcell),  est imposante. 



Élève de Sigiswald Kuijken et membre de La Petite Bande, le Brésilien Luis Otavio Santos a peu enregistré. Mais ce disque consacré aux sonates de Jean-Marie Leclair est de loin le plus beau consacré au violoniste assassiné. 


La discographie du violoniste trévisois Giuliano Carmignola est d'abord et avant tout consacrée à la musique d'Antonio Vivaldi, mais son enregistrement des concertos de Bach est en tous points remarquable. Son association de longue date avec L'ensemble baroque de Venise d'Andrea Marcon est un peur bonheur.

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