vendredi 3 février 2012

Le paradis, ça se gagne!

Du coeur du sentier des Falaises, on aperçoit la chute Delaney,
juste en face. Une fois en haut, la vue est fantastique. Ce sera pour une autre fois!

Beau jeudi, mi-ensoleillé, mi-neigeux, pas trop chaud mais pas froid non plus. En face de Neuville, les glaces dérivent paresseusement vers l’ouest, poussées uniquement par la marée descendante. Le vent, pour une fois, est allé souffler ailleurs. « Tiens, me dis-je à moi-même (n’ayons pas peur des pléonasmes), depuis le temps que je m’en convainc, c’est aujourd’hui que je vais faire de la raquette à la vallée du Bras-du-Nord.

Hein? Mais pourquoi faire 50 km, dont une dizaine sur une route toute de glace pavée, alors que tu peux prendre le bord de n’importe quel champ et, qui sait, y voir un autour des palombe ou une chouette rayée? Réponse, parce que dans les champs portneuvois, il n’y a pas de sentier des falaises qui grimpe comme dans la face d’un singe sur plus de trois km au cœur du paradis terrestre. Point, à la ligne.

Je me suis d’abord rendu compte, que la vallée est plus loin l’hiver que l’été. Sur la dernière portion de route, celle pavée de glace et dont la vitesse maximale est indiquée à 80 km/h, on roule 60 km heure au lieu de 100 comme on le fait l’été. Et quand on rencontre quelques camions-remorque, chargées de pitounes ou de bois en longueur, qui n’ont cure de la glace, on devient tout à coup assez poli dans sa conduite. Mais comme on est relaxe, pas pressé par le temps, et que la nature est de plus en plus sauvage et majestueuse, on s’en tape pas mal des vans…

Le beau chalet de l'accueil Shanahan.

Bon, une fois arrivée à l’accueil Shanahan, il n’y a personne. Le beau chalet est fermé la semaine et on a mis un tronc indiquant aux clients d’y déposer leur obole : 7 $ la rando. Comme il n’y avait pas de système de carte de débit, je dois 7$ à la Vallée (t’as noté Frédéric?!!)

Me voilà donc au paradis des arbres chargés de neige, au cœur de ce fjord où gèle le Bras-du-Nord de la rivière Sainte-Anne. De chaque côté, la montagne qui nous invite au dépassement. Comme il est déjà 13h10, je ne me dépasserai pas, n’ayant pas le temps de grimper jusqu’en haut le sentier des Falaises pour jouir de panorama magnifique qu’offre, en face la chute Delaney et la mer de montagnes où elle prend sa source. N’empêche, j’ai les raquettes au pied et m’apprête à grimper les deux premiers km et demi les plus pentus que je connaisse. Une fois l’effort consenti, ce sera un plaisir de redescendre.

Tiens, voilà deux autres clients qui arrivent. « Vous allez où, coté chute ou côté cap? »

« - On s’en va coucher au refuge du sentiers des Falaises? C’est la première qu’on vient ici, » m’explique le jeune homme dont la compagne fourrage dans l’auto à la recherche de son matériel.

« - Alors vous prendrez tout l’après-midi pour y arriver. Vous verrez, ça grimpe pour vrai. Il y a six km jusqu’au refuge, mais faites-le comme si vous en aviez 10…»

À voir leur sourire gentil et bienveillant, je me rends bien compte que, s’ils me reconnaissent quelque expérience des lieux, eux sont jeunes…

Ne vous y trompez pas. Nous sommes ici au bas de la montagne...

Alors je pars et, contrairement à ce que je croyais, c’est encore plus difficile que l’été! Les raquettes à crampons et les bâtons sont absolument nécessaires dans l’épaisse neige et la pente, si abrupte à certains endroits, nous entrainerait irrémédiablement vers le bas sans crampons. Mais, au cœur de ce silence, sous cette neige douce qui tombe sur les arbres déjà chargés, je sues des bouffées de sérénité et de bien être bien plus que de sueur. Enfin, presque… En fait, c’est l’exaltation qui m’envahit. Je grimpe, prend quelques photos avec mon téléphone pas trop intelligent et redescend après avoir atteint le premier plateau. Ça me fera six ou sept km et ça me suffit.

Je rencontre mes deux loustics au milieu de mon chemin de retour. Bordel, vont-ils passer tout la semaine au Refuge? Z’ont deux sacs à dos de 60 litres minimun, plein à ras bord, des bidules, sacs de couchage et autres cossins, attachés à toues les sangles qui tiennent les dits sacs.

« - Ouf, me dit le jeune homme, t’avais drôlement raison, ça grimpe en tab… » Et sa douce de rajouter : me semblait que c’était plus facile en hiver?

Et elle a eu cette parole sage : « Bah, on met un pied un après l’autre, sans attente, jusqu’à ce qu’on arrive… »

Et moi de conclure : « le paradis. Ça se gagne, vous ne serez pas déçu, d’autant plus qu’on annonce un dégagement pour la nuit et que vous aurez droit à un coucher de soleil unique! »

Rêve de mort

Alors voilà, cette nuit j’ai été un condamné à mort (peut-être avais-je attenté à la vie d’un premier ministre canadien qui avait passé une loi rétablissant la peine de mort) amené par son geôlier dans un resto-bar. Là, il y avait un bar à nourriture, viande, fruits et légumes. Le maton me dit : « c’est ici. » Autour il y avait des clients, convives dont certains me semblaient familiers. Mais pas de potence, ni chaise électrique. Seulement un drap noir derrière le comptoir et de la même largeur que le dit comptoir…

« - On va derrière le comptoir, tu te couches dans l’espace, réservé à cette sous le comptoir. Deux secondes et tout es fini. Tu ne sentiras rien. »

« - Oui, mais pourquoi ici? »

« - D’où penses-tu que vient cette viande sur le comptoir, » répond-t-il?

Alors, je fais comme il demande et, l’instant d’après je suis mort. Je n’ai plus de corps mais encore toute ma conscience. Et je vois des gens se présenter pour goûter aux nouveaux plats soudainement arrivés sur le comptoir…

Il y a là de drôles de clients et je me sens de moins en moins « là » au fur et à mesure qu’ils se servent. Mais j’ai quand même le temps, avant de disparaître, de voir Duke Ellington se pointer et discuter avec… John Coltrane et la pianiste Geri Allen. Deux morts et une vivante me dis-je et j’essaie de crier que c’est impossible. Trop tard, je meurs.

C’est ma douce qui me réveille en ouvrant les volets de la chambre pour laisser entre le soleil qui vient de se lever au-dessus du Saint-Laurent…

« - Bonne journée mon amour! », chante-t-elle…

Musique

Maux arts…

Mozart m’emmerde souvent, même dans ses quatuors à cordes. Sauf la série de six qu’il a dédié à son maître dans le genre, Joseph Haydn. Ces œuvres ont souvent été enregistrées et par les plus grands ensembles. Mais voici que les petits jeunes du quatuor Ébène, s’y sont mis à leur tour et avec panache, c’est le moins que l’on puisse dire. Intitulé « Dissonances », à cause de l’étrange intro du quatuor en ut K. 465, l’album réunit également le sombre quatuor en ré mineur K. 421 et un divertimento (k. 138), que le petit Wolfie a composé à 15 ans au moment, il commençait à jouer dans les bobettes de sa cousine Maria-Anna.

Quoiqu’il en soit, il s’agit, dans les trois cas, d’œuvres magnifiques portées à leur paroxysme par un ensemble passionné, qui joue avec une ferveur et une unité rares. La qualité de l’enregistrement me semble parfaite, permettant d’entendre les plus infinis détails de chaque voix. Si vous n’êtes pas familier avec le genre, cet album est une belle entrée en matière. On a droit, là, à une musique faite pour les musiciens, pour leur permettre d’échanger entre eux avec le plus grand plaisir et pour notre plus grand bonheur. En ce qui me concerne, ça fonctionne totalement!!! À vous de vous faire une idée!!!

Leonard…

Qu’ajouter à tout ce qui a été dit et écrit sur ces vieilles idées si uniques? « Old Ideas » est un album de poésie typiquement cohenienne, sombre, angoissée et pessimiste mais aussi inspirée par une profonde spiritualité et un épicurisme sans compromis. C’est dit ou chanté avec une désinvolture et une simplicité qui ne peut que faire des adeptes. J’ai adoré « Lullaby » pour son côté country-folk saisissant et « Crazy to Love You » parce que Cohen la chante accompagné de sa seule guitare, ce qui ne s’était pas produit depuis quelques décennies. Mais le plus belle, la plus importante des chansons de ce grand disque demeure « Amen », pas parce qu’elle est de loin la plus longue, mais parce qu’elle parle de l’époque de vengeance cheap qui est de plus la nôtre, incarnée par les Harpeur et Boismenu de ce monde. Bref, de la chanson comme il s’en fait peu…

Julie…

Lors de précédant ouvrage, « Now What », la pianiste de jazz Julie Lamontagne avait invité l’excellent saxo ténor Don McCaslin à joindre son trio. Le résultat en a fait le meilleur album de jazz québécois de 2009. Et alors, que penser d’Opus Jazz, ce nouvel album tout en solo et réunissant sous un même chapeau des relectures d’œuvres de Fauré, Bach, Chopin, Debussy, Ravel, Brahms ou Rachmaninoff? Tout le bien possible si on aime la tendresse et la délicatesse mêlées à la science de l’improvisation. Un album pour faire rêver en douceur.

…et Suzie

Suzie Vinnick est une sorte de Big Mama Thornton blanche qui chante le blues avec intensité à cette différence près qu’elle est aussi une merveilleuse guitariste acoustique, une véritable virtuose de la six cordes. Avec Me ‘N Mabel, son troisième album, la dame a mérité le titre de chanteuse de l’année lors de l’édition 2011 du Canadian Folk music Awards.

Aucun commentaire: