lundi 29 mars 2021

Grand vent de Sikon

 


      Grand vent d’ouest qui a enfin chassé la gangue grise de nuages qui nous a mouillée depuis trois jours. Plein ciel bleu tacheté de blanc, venteux tant et tant, fret un peu, ciel lumineux qui offre un méchant contraste avec le fleuve brun de ses limons sérieusement brassés et ressassés. Marcher le nez haut dans le vent, respirer fort, suivre la rive, voir les outardes monter puis disparaître dans les vagues, entendre les arbres grincer, secoués qu’ils sont à hue et à dia, compatir à la complainte assourdie des oiseaux qui ont cru trop tôt le printemps arriver… alors qu’on en est encore à sikon, le pré-printemps des six saisons des Atikamekw. Mais miroskamin ne saurait tarder malgré les soubresauts d’un hiver qui souhaite s’attarder maintenant que son temps est passé. 

     Rien n’est plus plaisant que d’affronter ce vent vivifiant en compagnie de la reine de la marche intense, ma belle Loulou, que le dehors et la nature font grandir à chaque pas. C’est une belle journée que ce lundi, à Neuville.

 

     Je me remets, pour la dixième fois au moins, dans la lecture des beaux carnets de La reconstruction du paradis de mon écrivain fétiche, Robert Lalonde, ce vivant de la nature : « Et puis soudain, au son du Printemps de Vivaldi émanant du casque d’écoute de mon voisin de siège, le pays s’ouvre, et ce sont les vastes champs blancs, cernés de chênes, de bouleaux, de hêtres hibernant, sentinelles espérant debout la fête verte de mai, les parois rocheuses déversant sur une glace couleur absinthe leurs précoces écumes bouillonnantes, et enfin la haute et large contrée sans frontières, survolée de corneilles en muettes noces fuyant le noir fond des bois, les montagnes, encapsulées de leur glace du même bleu que le ciel et sur  laquelle le couchant lance de rouges éclairs – on dirait un incendie au-dessus d’une avalanche de plâtre. Ensuite, il n’y a plus du vieux soleil que le tournoiement d’ombres dans un firmament couleur de corail et vite, le jour s’éteint dans un contentement de beau monstre qui s’endort. » p. 139

 

    Comment ne pas être inspiré par tant de grandeur et de beauté?  C’est la conscience du monde de nature qui nous entoure à laquelle nous convie le grand écrivain, et j’y souscrit avec un fervent bonheur. 







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