lundi 28 février 2011

Blues, mots à maux


« Le blues est une façon de rentrer à la maison, mais dans une maison qu’on n’a pas et qu’on cherche à travers le monde, un monde du dedans où l’on va de rêve en rêve, de verre en verre, de femmes en femmes, de carrefour en carrefour, de nostalgie en crépuscule. »

- Charlie Parker sénior, selon Alain Gerber, Charlie, Fayard

Peut-être l’ai-je déjà souligné, Alain Gerber est un écrivain et un journaliste qui a consacré une longue partie de sa vie professionnelle à sa passion, la musique de jazz. La citation ci-dessus est tirée d’un roman dont le héros est le plus grand génie de cette forme d’art, l’altiste Charlie Parker. Remarquez, qu’il y a peu, en janvier 2009 en fait, le même Gerber a fait paraître un pavé racontant ni plus ni moins que l’histoire du blues, sur un mode hyper-lyrique, et mettant en vedette trois personnages, ex-esclaves, qui, à leur façon conquierent une certaine forme de liberté par la fuite, la musique et la magie… noire!! Un truc remarquable, qui s’intitule tout simplement Blues.

Remarquable, en fait, autant que ce Charlie magnifié par une écriture aussi virtuose et chantante que le plus beau solo du saxophoniste le plus créateur de l’histoire. Bref, si vous aimez la musique noire, voici deux bouquins remarquables publiés chez Fayard!

Martin Van Gogh

Mon ami Martin Bolduc a dû, à son grand dam, subir une importante opération chirurgicale, il y a quelques jours. Celle-ci visait à éliminer une horrible mastoïdite qui s’était inconsidérément développé dans son oreille gauche et qu’un précédent médecin n’avait jamais diagnostiqué. Mais laissons-le raconter : « Cette infection a été causée par un kyste, le Cholestéatome, qui s'est implanté dans mon oreille médiane depuis sûrement plusieurs années... Le chirurgien espère avoir complètement enlevé le kyste en question...» En tout cas, nous l'espérons!!

Alors, Martin est sorti de l'hosto le jour même de l'opération, un peu amoché, et se prenant pour une sorte de Van Gogh mutilé. Un de ses bons amis, quelqu'un qui lui veut tout le bien du monde, on s'en doute, l'a immortalisé à la Van Gogh. Voici le (splendide!) résultat...


Flo et Ged à la maison

Ma Loulou a ramené Gédéon et Florent de chez le dentiste, ce vendredi. L’expérience semble avoir été assez éprouvante pour l’hygiéniste et le médecin qui ont eu à subir le test d’hypnose de Florent. Qu’en est-il? Ce petit, lorsqu'il rencontre quelqu'un qu'il connaît pas ou peu, hésite avant de lui témoigner sa confiance. Pour ce faire, il plonge avec le plus grand sérieux du monde, son regard dans celui de son interlocuteur, un regard foudroyant d'autant plus difficile à affronter qu'il ne cesse que lorsque lui en a décidé. Et ça peut durer très longtemps et devenir très inconfortable pour la victime.

C'est la pénible mésaventure qu'a subie la jeune hygiéniste dentaire. Après l'avoir assis sur la chaise du dentiste, en lui demandant le plus gentiment du monde, d’ouvrir grand la bouche, Flo s'est mis à la fixer dramatiquement, plongeant son regard dans le sien. Décontenancée, la jeune fille passe les 20 minutes suivantes à essayer d'apprivoiser l'inquiétant enfant. rien à faire. Même l'intervention du dentiste, de Loulou et de sa mère, n'ont rien changé à l'affaire. Pour dénouer l'impasse, le bon dentiste le retourne dans la salle d'attente en lui disant qu'il ne peut lui remettre la surprise qu'il lui destinait... Flo a alors discuté longuement de la dite surprise avec sa grand-mère avant que le dentiste ne revienne le chercher. Plusieurs minutes plus tard, le pauvre homme était tout heureux d’avoir pu observer ses deux petites palettes avant. Au suivant!!! Et, oui, il l'a eu, sa surprise.

Flo, hors de chez le dentiste!

Rendu chez nous, Flo n’a pas arrêté de parler (un flot de paroles, hi, hi) et de raconter les histoires les plus drôles du monde. Avec son frère Gédéon, il s'est amusé comme un petit fou et. comme toujours, ses grands-aparents ont été conquis. Mais la journée n'était pas finie!

Tellement à l’aise, le petit, qu’il a joué dans le bain une demi heure avant, tout à coup, de sortir tout seul.

« Comment a-t-il fait?, demande, étonnée, Loulou. Son grand frère n’est même pas capable? » Je vais le chercher pour lui donner une serviette. Il me regarde avec reconnaissance et moi je jette un coup d’œil dans le bain… deux beaux étrons y flottent. Voilà pourquoi il était sorti si vite et tout seul, le Flo. N’avait aucune envie de rester en compagnie de sa merde… On le comprend.

Bref, leur court séjour nous a encore permis de voir qu'ils peuvent être de vrais anges tous les deux. Gédéon ne cesse de vouloir apprendre tout ce qu’on veut bien lui montrer. Il est habile dans les jeux d’apprentissage où ma Loulou le guide, il se montre attentif aux consignes et vif d'esprit. Comme son frère Florent, il est reconnaissant de nos gestes de tendresse et se montre généreux en tout temps, se fendant en quatre pour nous faire plaisir. Merci, amours!

Maëllie

Belle, magnifique et tendre aussi notre petite Maëllie qui aura 4 mois le 1er mars. Maman Marie-Pier nous a envoyé des photos que je m’empresse de vous soumettre…

Mon fils Jean-Philippe et la belle Maëllie. Les gros bras de la tendresse...

Belles filles en titi!!!

Le monde de Lucinda

Le Lucinda nouveau est arrivé. Il s’appelle « Blessed », et la chanson titre dresse un portrait de tous ceux qui, dans l’environnement de l’auteure/compositrice, méritent de titre de « béni ». Ils sont nombreux et, vous le devinez, ce sont des gens simples. Cet album, c’est du Lucinda Williams à son meilleur enfilant quelques tounes plus rock & roll et de longues ballades folk où sa poésie parle d’abandon, de difficulté d’être mais aussi de l’intensité fascinante de la vie (merveilleuse Awakening) et d’amour dans les grandes mesures. Écoutez ce Born to Be Loved avec la B-3 pour soutenir le propos et colorer à grands traits l’émotion. Les guitares de Greg Leisz et de Val McCallum font merveille, la basse de David Sutton marque parfois lourdement le temps et la madame, la madame a toujours cette voix qui est à l’origine des changements climatiques et qui fait fondre la glace la plus dure, attendri l’âme la plus sombre, convainc le plus irréductible Gaulois. Une voix chaude, bouleversante, à l’image du monde intérieure de cette Louisianaise d’exception. (Disque Lost Highway)

La guitare de Renbourn

John Renbourn est un musicien culte, vétéran de la folk anglaise, maître guitariste. Membre fondateur et pilier du groupe Pentangle dans les années 1960-1970 avec son inséparable collègue tout aussi brillant guitariste que lui, Bert Jansch, pendant une vingtaine d’années, il est déménagé en Amérique au tournant du 21e siècle. Initié aux musiques médiévales et renaissantes par sa mère, il subira fortement l’influence de renouveau des musiques folk américaines au début des années 1960 : bluegrass, jugband, etc.

Fort de ce bagage, il a monté, au cours des 50 dernières années, une solide discographie centrée autour de son instrument de prédilection, la guitare acoustique à 6 ou 12 cordes. Et parce qu’il est toujours aussi passionné. Il vient de faire paraître Palermo Snow, une œuvre d’une grande beauté dans lequel il confirme le grand art qui est le sien, celui du maître de guitare, enfilant les compositions et les relectures de musiques anciennes (la transcription du prélude de la suite en sol pour violoncelle de Bach est tout simplement magique!), de folk (celtique et américain), de blues, de jazz. Pour varier le tout, comme si besoin était (!), il s’est adjoint deux clarinettistes qui viennent faire sourire les mélodies. Une œuvre de beauté. (Disque Shanachie)

vendredi 11 février 2011

Impressions hivernales


Le gros ne veut pas sortir et je le comprends. Il fait –13, mais avec le vent fou, on a l’impression de -100 au moins. Et comme c’est un vieux chat, douillet et doux, il préfère nettement servir de tapis, couché en face du poêle à bois, que de subir les attaques réfrigérantes des montagnes stonehamiennes. Et ce n’est pas moi qui vais le contredire.

Déjà, sortir rentrer le bois (sic) n’a pas été l’expérience la plus plaisante de la matinée. Le plaisir est venu, une heure plus tard, une fois étendu sur le divan avec roman et bandes dessinées et le Vivaldi venu me rejoindre en ronronnant comme une tondeuse à gazon.

Alors nous nous sommes remis dans la lecture des horreurs guerrières des Bienveillantes de Jonathan Littell, interrompue, à l’occasion, par l’écoute de belles musiques : les étranges improvisations du guitariste Marc Ribot sur Silent Movies, la folk inspirée d’Émilie Clepper sur What You See, la voix séduisante de Pierre Lapointe Seul au piano, la regrettée Abbey Lincoln dont la voix est bercé à la fois par le son enveloppant du saxo de Stan Getz et le violon alto caressant de sa fille Maxine Roach; Time for Love.

Comme quoi, la beauté peut, parfois, aider à supporter l’horreur… Reste que cette œuvre, Les Bienveillantes, devait être écrite et le talent de Jonathan Littel permet de faire de saisir toute l’ampleur de l’inhumanité de l’humanité. Ça se passe du côté nazi du monde, durant la campagne de Russie de 1941 et dans les camps de concentration, principal terrain d’intervention du personnage principal, officier nazi faisant son… travail, accomplissant son destin. La mort est partout, en statistiques astronomiques, en descriptions en odeurs immondes, en violences inouïes, toujours justifiées, évidemment. Un énorme pavé de quelque 900 pages qui attendait depuis plus d’un an sur ma table de chevet construit come une suite allemande de musique baroque : Toccata, Allemandes 1 et 2, Courante, Sarabande, Menuet (en rondeau), Air et Gigue. D’ailleurs, il est question de Bach, Couperin, Rameau et Scarlatti dans ce livre, comme si la musique la plus belle musique pouvait aller de pair avec l’inhumanité la plus abjecte. Troublant…

Parlant de beauté…

Parlant de beauté, voici notre petite Maëllie en portrait de la jeune fille qui se tient toute seule sur le ventre et qui en est bien fière. Surtout quand on n’a pas trois mois et qu’on est née tellement toute petite. Maintenant, madame est forte et, en plus, elle jase. Écoutez plutôt :


Musique

Dire que j’ai commencé cette chronique principalement pour causer musique, pour vous dire à quel point le Pierre Lapointe nouveau, Seul au piano, est bel et bon. Je persiste et signe, rien ne vaut la simplicité en musique. Une voix et un piano, quand on a quelque chose à dire et la poésie qu’il faut pour la raconter, il n’en faut pas plus. Et quelle voix! Enjôleuse, caressante, parfois grinçante, en tout cas bouleversante et qui nous raconte des histoires humaines, tendres ou improbables, et des élucubrations fantastiques sur un rythme constamment doux et confidentiel, avec une émotion à peine contenue. Surtout, il y a cette chanson « Moi, Elsie », écrite par Richard Desjardins pour Elisapie Isaac et mise en musique par Pierre. Il la fait ici, après la dédicataire, avec une douceur troublante. Un album de chevet…

Et il y a la superbe folk d’Émilie Clepper, la fille de Québec et du Texas, amie de mon fils Nicolas, qui vient de faire paraître son deuxième opus,

, aussi dépouillé et vrai que le premier, qui raconte des histoires intimes faites d’amour, de voyages et d’amitiés, un disque aux arrangements encore une fois minimaux, des guitares, une basse, un violon à l’occasion, une batterie chuchotant des sons délicats. Le monde d’Émilie que je fais mien en tout temps. Freight Train, par exemple, c’est ma musique…

samedi 5 février 2011

Une journée (remarquable) dans la vie de Sophie...


Le texte qui suit est celui de l'auteure et communicatrice Sophie, militante on ne peu plus active de Québec Solidaire. Comme le parti politique célébrait ses cinq ans d'existence le 4 février 2011, Sophie a passé une journée, en préparation de cet événement, avec... Laissons-la plutôt raconter ces heures inoubliables.


Bonjour les amis!

Je suis à la maison par cette froide journée d'hiver. Perdue dans mes pensées, j'ai eu envie de partager avec vous ma journée d'hier.
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J'ai quitté la maison un peu avant 7 h, le froid de l'air m'a instantanément brûlé les poumons - vous s'avez à quel point j'aime le froid. J'ai donc grelotté au volant de la voiture jusqu'à un café de La Petite-Patrie où je devais rejoindre David, un collègue de travail, et Fabian, un vidéaste. Notre mission : effectuer une courte entrevue avec quelques personnages clefs pour le 5e anniversaire de Québec solidaire.

Premier arrêt : la Confédération des syndicats nationaux (CSN), nous rencontrons France Lévesque, présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux. Une femme sympathique et dynamique qui, malgré son horaire chargé, accepte de nous recevoir. Elle nous parle des droits des travailleurs et travailleuses du service de la santé, de l'équité salariale, des dernières négociations au CSSS Jeanne-Mance et de l'importance de l'existence de QS qui, en tant que parti politique, défend les valeurs d'équité et de justice sociale. Après le tournage elle nous quitte à la course et, malgré qu'elle soit en retard à son prochain rendez-vous, elle prend quand même le temps de nous remercier chaleureusement de lui avoir donné la chance de parler de ses valeurs et ses convictions.

Je suis un peu mal... Après avoir dérangé cette femme, avoir déplacé à peu près tous les meubles dans son bureau et l'avoir mise en retard, elle nous remercie.
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Deuxième arrêt, rue St-Denis, on rencontre la directrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Heidi Radjen. Je ne la connais pas et je n’ai pas eu le temps de googler son nom sur le net. Françoise nous a brièvement parlé d'elle en tant que militante pour le maintien du registre des armes à feu. David et Fabian mettent en place le matériel pendant que je discute seule avec Heidi dans son bureau. Elle est sympathique et douce elle ne parle pas très fort et est un peu nerveuse. J'installe le micro et la dirige dans la salle de conférence ou nous nous sommes installés. La pièce est petite et les lumières de tournage surchauffent l'atmosphère. Pour faire de la place, les gars ont empilé les chaises et les tables les unes sur les autres ce qui bloque partiellement la porte. Je sens un malaise que je ne saisis pas sur le moment. Heidi commence, on est les trois coincés dans un coin, on bloque complètement la porte et on la regarde... Après quelques prises, ça ne fonctionne pas. On change de place ça aère l'espace et dégage la porte. Elle recommence, ça roule! Elle parle de l'importance du maintien du registre des armes à feu, des cas violences conjugales par armes à feu, on écoute attentivement. Elle nous dit qu'elle connait Françoise depuis plus de vingt ans, du temps qu'elle était présidente de la fédération des femmes du Québec. Elle nous explique aussi l'importance du geste qu'Amir a posé lorsqu'il a déposé à l'Assemblée nationale une motion sans préavis, adoptée à l'unanimité, pour le maintien du Registre canadien des armes à feu. Puis elle nous parle de la tuerie qui a eu lieu dans son école, la Polytechnique...

Après le tournage nous nous sommes retirées dans son bureau et nous avons parlé des politiques de Stephen Harper. Nous avons discuté du 5e anniversaire de pouvoir du parti Conservateur et de la promesse électorale de monsieur Harper a fait en fin de semaine dernière en faveur de l'abolition du registre des armes à feu, sous prétexte qu'il coûte trop cher.

Rendue dans l'auto, j'ai googlé le nom de Heidi Radjen sur mon iPhone. Elle a vécu 45 minutes d'horreur lors de la tuerie à la Polytechnique en 1989. Elle est l'auteure du livre December 6th: From the Montreal Massacre to Gun Control.
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Troisième arrêt, un appartement de 1890 parfaitement restauré. Nous y rencontrons Jean-Marc Piotte, directeur retraité du département de science politique de l'UQAM, docteur en sociologie diplômé de la Sorbonne à Paris et auteurs de plusieurs ouvrages. Après avoir bardassé son salon et installé notre équipement, il débute. Visiblement inconfortable avec la caméra, il me parle à moi pendant que Fabian filme. Il raconte les politiques de commerce dans le monde, parle de ses inquiétudes par rapport à l'environnement, aux droits de l'homme. Des gouvernements actuels qui pensent plus aux corporations et à leurs propres intérêts plutôt qu'à la population. Il explique l'importance du rôle d'Amir à l'Assemblée nationale et à quel point il souhaite voir Françoise siéger à ses côtés pour nous rappeler que la place des femmes dans notre société est encore à faire dans bien des milieux.

Pendant que David et Fabian rangent le matériel, il me fait visiter sa maison. Je lui demande pourquoi il y a tant de photos de Beyrouth sur ses murs. Il me répond qu'il a enseigné à l'Université Saint-Joseph de 2003 à 2006. Je lui demande s'il était présent lors des 33 jours de bombardements en 2006 pendant le conflit israélo-libanais.

Je n'ai pas eu de réponse alors on a parlé de vélo et puis, nous sommes partis vers un autre rendez-vous.
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Quatrième arrêt, centre-ville, une tour à bureau Peel/René-Lévesque face à la Sunlife. On vient voir Maître Julius Grey, avocat spécialisé en droit administratif, en droit constitutionnel et en droit de l'immigration. Il se décrit lui même comme étant un humaniste libertaire occupant la gauche modérée du spectre politique. Quand on arrive, sa secrétaire nous informe qu'il est encore à la cour et nous ouvre son bureau pour qu'on s'installe. Je me dis au fond de moi même qu'on ne peut pas être un riche avocat juif de gauche et être ponctuel en plus, les gauchistes ne sont jamais à l'heure. J'informe les gars de faire le montage et démontage rapidement, monsieur Grey est surement un homme très occupé, on va faire ça vite et propre!

Quand il entre dans son bureau, nous l'occupons littéralement. Il nous serre chaleureusement la main en s'excusant mille fois de sont retard et il nous dit : « J'ai tellement eu peur de vous manquer! ». Il s'installe, on tourne. Il parle d'immigration, de droit citoyen, de David contre Goliath. Il félicite Amir pour son remue-ménage à l'Assemblée nationale et Françoise pour les causes qu'elle porte.

Une fois la caméra éteinte, ce résident de Wesmont confie qu'il envisage peut-être une carrière politique...
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Quatrième arrêt, Île-Perrot. On doit rencontrer le sombre poète, chanteur, acteur, réalisateur et joueur de pool : Dan Bigras. Il est tard, je n’ai pas mangé et je suis fatiguée. Dan nous reçoit dans son studio, on dirait qu'une tornade est passée, il nous explique qu'il est en déménagement, qu'il revient en ville dans Hochelaga. On installe le matériel, ça sent la bouffe. J'entame la discussion avec Dan, on jase de son nouveau condo, il m'explique exactement où il est situé, qu'il l'a acheté parce qu'il sera à deux pas du refuge. On parle du sud, de son fils de 15 ans, du mien de 2 ans, on conclut qu'ils sont tous les deux en crise d'adolescence. Dan s'installe à la caméra, fait un discours imagé et poétique à la Richard Desjardins. C'est dans la boîte, on remballe, on s'embrasse, il m'invite en avril à sa maison de campagne, en République dominicaine. Malheureusement en avril je serai à Cuba. Dans l'auto, les gars me disent : « t'aurais pu le dire Sophie que tu connaissais Dan Bigras » je réponds: «Je ne le connais pas, c'est la première fois que je le vois, il est sympa quand même! »

30 minutes de route plus tard, nous sommes de retour dans La Petite-Patrie. Fin de la journée.
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Aujourd'hui je suis assise dans mon fauteuil je pense à ces gens qui sont l'élite de leur domaine, mais qui se soucient du sort de notre société autant que du leur. Je pense à ma rencontre avec Ariane Émond et Dany Laferrière en décembre dernier, je pense au travail quotidien que je fais avec Amir et Françoise.

Je me demande souvent si ce que je fais est marginal ou utopique, je n'ai pas la réponse, mais de rencontrer ces gens me donne envie de continuer.

Je n'ai pas la prétention de changer le monde, mais de côtoyer des gens qui le font, ça donne l'impression d'y participer un peu.

Bonne journée!

Sophie

vendredi 4 février 2011

Nébulosité variable autres considérations...

Photo : Le Refuge
Nébulosité variable

Rien ne vaut le plein air en montagne pour remplir le vide existentiel. Salvateur... pour le temps que ça dure. Faut croire que, parfois, le vide est trop plein et qu’il faut le vider pour mieux faire le plein. Bien nébuleux tout ça, sans doute aussi nébuleux que mon état d’esprit…

Alors, partir comme ça, par un beau matin neigeux, prendre la montagne par la raquette ou le ski de fond, grimper dans le froid le long des trois chutes pour atteindre le gîte avant de redescendre vers l’Abri pour regrimper vers la corniche et sa Tanière, un parcours d’une quinzaine de km, par monts et par vaux, ça replace son humain. Mais en fait on ne sait pas trop où ça le replace, mais enfin…

De quelles montagne je parle? Mais de celles du Refuge de Saint-Adolphe, pardi!

Photo : Le Refuge

Reste que dans la montagne, quand l’effort est tel que j’oublie le vent et le chant des oiseaux, j’écoute les folies de Vivaldi. Sa musique est celle du plein air et de la vie la plus intense qui soit. À bout de souffle et en sueur, elle me fait sourire et même rire. J’ai l’air un peu mongol de m’éclater de même tout seul dans le bois, mais c’est pas grave. Là je m’assume…


Le combat ordinaire

Mais avant de sortir, j’ai relu, en ligne, les quatre tomes du Combat ordinaire, cette extraordinaire bande dessinée de Manu Larcenet, parue en 2008 chez Dargaud éditeur. Il y a là un anti héros que tout effraie, qui est victime d’angoisse morbide, dont le père, victime d’Halzeimer, se suicide, mais que l’amour d’Émilie poursuit envers et contre tout. Un vrai chef-d’œuvre artistique dont voici quelques extraits.

1

À propos de la vie…

Pour celui qui veut changer de vie : « Il va falloir renaître si vous changez de vie, vous devrez être plus attentif à tout ce qui vous entoure parce que, comme pour un enfant, votre survie en dépendra… » - le p’tit vieux de la guerre d’Algérie

2. À propos de la vérité…

« Rien n’est occulté sinon pour être dévoilé, rien ne se cache sinon pour être révélé. » - ??? Le combat ordinaire, vol.1, p. 36

3. À propos du vivant…

« Quand j’ai vue son cercueil, j’ai pensé qu’il était trop petit, que ton père n’y entrerait jamais… et pourtant si. On paraît plus grand vivant que mort. » - La veuve, vol. 3, p 44

4.

À propos de la culpabilité…

« La culpabilité, c’est la lâcheté devant la vérité de l’être… » - le psychiatre, Le combat ordinaire, tome 4, p. 12

5. À propos des petits enfants…

« Ma fille est formidable. Elle et moi avons eu plus ou moins deux ans de tendre méfiance mutuelle jusqu’à ce qu’elle commence à parler, brusquement. J’ai alors découvert l’étendue vertigineuse de sa soif d’information et sa volonté obstinée à s’adapter.

« Si je devais intégrer autant de découvertes révolutionnaires en si peu de temps, je deviendrais fou. Car le monde n’a rien de logique ! Il est truffé de subtilités, de pièges, de fausses pistes, si bien qu’il faut être tenace et en veille permanente pour en suivre le flot.

« Dans son sillage, ma fille me contraint à tout repenser sous des angles forcément différents. Forte de sa minuscule vie, elle m’éduque. Je lui voue un authentique respect, bien distinct de l’affection instinctive qu’elle m’inspire. »

- Manu Larcenet, Le combat ordinaire, tome 4, p.7, Dargaud éditeur.

6. À propos de la poésie et du désespoir…

« Le pur désespoir pose des questions tellement essentielles qu’il ne peut s’accommoder d’idéologie… L’escroquerie idéologique, c’est de convaincre qu’il existe une vérité, le réel n’importe plus alors que dans la mesure où il peut se plier pour s’y conformer. Pourtant, la rue ou les métastases sont abyssalement indifférentes au CAC 40 ou à la ligne di parti…

« On m’objectera sans doute qu’elles le sont tout autant de la poésie, et on aura tort. Délestée de toute logique, la poésie et la seule manière de remarquer ce qui est précieux. Depardon, Brassens, Myazaki, bonnard, Jarmush, Sempé, Tom Waits, Cézanne, Monty Python, Monet, Brel, Desproges, Klee, Cartier-Bresson, Springsteen, Céline, Harvey Keitel, Baudelaire, Vangogh… la poésie rachète tout. »

- Manu Larcenet, Le combat ordinaire, tome 4, p. 28, Dargaud éditeur.

Musique

Bill Frisell, le guitariste des jazz complexe, s’est laissé séduire par la bossa Nova de Vinicius Cantuaria. Un musique douce, chaleureuse, tendre et à peine dissonante à l’occasion qu’on écoute en rentrant de l’hiver, après voir pris un bain chaud et fait du feu dans le poêle. Deux guitares, quelques perçus et la choix de ténor chaude de Vinicius qui chante en portugais et en espago. On n’en demande parfois pas plus à la vie… Psst, ne le dites à personne mais c’est le cadeau que je réserve à mon amie Peggie qui vient juste de fêter son anniversaire.

Le monde plus sérieux du quatuor à cordes nous emmène parfois sur des chemins poétiques inattendus, même sur la musique pourtant souvent si convenue que celle de W.A. Mozart. C’est la démonstration que fait le Jerusalem Quartet dans son dernier opus où l’on peut entendre l’extraordinaire andante du quatrième quatuor de Wolfie, composé à l’âge de 16 ans ! On retrouve aussi le quatuor dit « La chasse » dans une interprétation toute en finesse.

Enfin, je ne souviens plus si je vous ai déjà causé du Bomata trio, cet ensemble québécois qui fait dans le jazz mâtiné d’orientalisme et qui met en vedette le contrebassiste et compositeur Jean-Félix Mailloux, le percussionniste Ziya Tabassian et le clarinettiste Guillaume Bourque. Et bien c’est fameux, enveloppant, rythmé. Langoureux, vivant. Ne vous en privez pas…

À bientôt!