lundi 21 juillet 2008

Le bonheur de Dieu


J’ai un ami qui n’aime pas vraiment mon écrivain préféré, Jacques Poulin. Je voulais lui prêter La tournée d’automne, en prévision de nos vacances communes sur la Côte-Nord, mais il a décliné l’offre, à ma grande surprise. Faut dire que cet ami, généreux comme pas un, est aussi une bombe d’énergie, un personnage d’une sociabilité hors du commun, extravertie. Comment pourrait-il alors apprécier l’écriture économe et précise de Poulin, son univers d’une timidité maladive, ses personnages tout en confidence, qui doutent sans cesse et qui sont perpétuellement en quête d’amour. De plus, l’univers de l’écrivain est totalement marqué de sa passion immodérée des chats. Mon ami n’aime pas les chats.

Or, il y a tout cela dans La tournée d’automne. Un personnage principal timoré, bien décidé à ne pas vieillir et qui veut prendre les moyens pour… Une Marie qui deviendra, le temps d’un périple sur la Côte-Nord, son amour, et des chats à toutes les deux pages. À mon avis, il s’agit-là plus d’une fable que d’un roman, une fable d’amour vrai. Lisez- plutôt :

« Elle souriait au lieu de répondre, alors il passa un bras sous sa tête et l’autre autour de sa taille, et il la serra doucement contre lui en lui caressant le dos sous son tee-shirt. Ensuite, il se mit à lui embrasser le visage à petits coups, comme lorsqu’on goûte à quelque chose; il s’attarda plus longuement autour des pommettes. Elle se laissait faire, avec un air timide mais aussi avec un évident bien-être : cela se voyait à la lumière qui filtrait de ses yeux mi-clos. (…) Soudain, ils entendirent, tout près, les miaulements d’un chat. »

Et entre ces échanges amoureux (qui n’aboutissent jamais), il y a le paysage de la Côte-Nord, magnifiquement décrit, c'est-à-dire avec grandeur et pudeur à la fois.


Dieu est heureux
Toute cette introduction pour dire que nous avons passé la fin de semaine sur la Côte-Nord, aux Grandes-Bergeronnes, en compagnie de Dieu, Gédéon, notre petit-fils dont c’était le baptême du camping. « Faire du Pang-king, » comme il dit si bien.

Chanceux, nous avons pu profiter de la plus belle fin de semaine de l’année sur ce territoire. Nous sommes arrivés le vendredi, en fin d’après-midi, au camping municipal Bon-Désir. Là, nous nous sommes installés sur un site donnant directement sur la mer et les îlets d’en face, bourrés d’oiseaux de mer, goélands, eiders, cormorans.

Après un souper rapide et une histoire de bateaux, de brume, de corne-de-brume et de mer que Loulou et moi avons inventée, le petit s’est endormi, à deux ans et demi, pour sa première nuit sous la tente. Il a filé un 12 heures en ligne, le piaillement incessant des oiseaux et le corne des navires n’arrivant pas à le réveiller. Nous, ce fut autre chose. Dans son sommeil, cet enfant est une vraie girouette. Toute la nuit durant, il a parcouru les quatre coins de la grande tente que nous avions empruntée, nous obligeant à tout bout de champ, à le rapatrier entre nous. Même qu’à un moment donné, il s’est littéralement rué sur mon oreiller et la tête de mon sac, ne me laissant plus de place pour dormir. Ma blonde riait aux larmes pendant que je chuchotais un « calice de tabarnac! » bien senti.

Heureusement, le samedi matin, il faisait un temps de paradis avec, dans un ciel vierge, un soleil éclatant inondant une mer étale. Au programme de la journée : une visite sur les crans de roche pour admirer la mer, une autre au lac Gobeil pour se baigner et une sortie aux baleines pour Gédéon et Loulou pendant qu’en kayak je sillonnerais le grand fleuve.

On a tout fait! Même que c’était peut-être un peu trop en une seule journée. S’il a été ravi par cette mer infinie, Gédéon a été conquis par le lac et la plage que fréquentent uniquement les gens des environs. S’il n’avait eu promesse d’aller sur le bateau voir les baleines, nous y serions encore. D’ailleurs la photo ci-dessous dit tout sur le bonheur de Dieu à la plage…

Vers 15 heures, ma douce et Gédéon sont venus me conduire chez Mer et Monde Écotours pour que je puisse mettre mon kayak à l’eau. Pendant que je sillonnais cette mer étale entre le quai des pilotes des Escoumins et le camping Bon-désir où j’ai mis pied à terre, ma douce voguait avec Gédéon sur le Famille Dufour II, un beau bateau moderne conçu pour la visite des baleines. Les chanceux ont pu observer la baleine à bosse dans toute sa splendeur et sa façon spectaculaire de plonger en levant haut la queue. Ils ont vu aussi quelques grands rorquals communs et des petits rorquals qui pèsent tout de même quelques tonnes. Bref, une belle sortie et un Gédéon toujours aussi heureux de ce qui lui arrivait.

Côté mammifère marin, ce fut plus tranquille dans la zone où je me trouvais. Cependant, en m’aventurant loin au large du Cap-Bon-Désir, je suis tombé en plein cœur d’un troupeau de bélugas (et de bélufilles!) des plus sympathiques. Même que certains individus plus curieux se sont amusés à tourner autour de moi quelques minutes. Émerveillé, je suis resté immobile dès que je les ai aperçus et jusqu’à ce qu’ils s’éloignent.

Cette visite fut d’autant plus étonnante que ça faisait quand même trois heures que j’étais sur l’eau sans avoir rien vu. Quelques minutes auparavant j’avais même répondu à un couple d’Anglos en kayak qui s’informaient de mes observations : « No wind, no whales, just sun and... great fun. » Ils ont ri et je suis reparti, préférant de loin la solitude au cœur de la mer que l’obligation de prolonger une discussion dans la langue de Shakespeare.

Puis, je suis retourné au camping, écouter les oiseaux de l’île d’en face, lire La tournée d’automne et attendre Loulou et le petit-fils. Voici le paysage qui s’est offert à moi en cette fin de journée où la brume a, tout à coup, envahi les environs…
Nous sommes revenus le dimanche après une autre nuit agitée à courir après Gédéon qui a continué, dans son sommeil, à naviguer dans la tente. Nous l’avons ramené chez nous où ses parents sont venus le chercher.

Au moment du départ, nous lui avons demandé s’il avait aimé le camping et il s’est dirigé droit sur notre auto, au lieu de celle de ses parents, et il a dit : « Ui. Encore aller en Pang-King! » Ouf!

Musique
Encore de la folk song, celle d’Émilie Clepper, cette fois. Émilie qui est Québécoise par sa mère et Texane par son père, écrit des chansons en anglais (sauf Strangers to Misery qui est bilingue), s’accompagne fort bien à la guitare, chante avec style d’une voix au vibrato serré et chaleureux des chansons aux mélodies enchanteresses.

En décembre dernier, Émilie Clepper sortait son premier album, prémonitoirement intitulé Things may come, et depuis le début de l’année, multiplie les concerts. Elle a fait, entre autres, la première partie de la jazzwoman Émilie-Claire Barlow à l’Espace 400e et celle de nulle autre que Feist au Festival d’été de Québec. Conquis, le journaliste David Desjardins, a dressé un joli portrait d’elle dans Le Soleil du 14 juin dernier, portrait intitulé Émilie Clepper : ce petit supplément d’âme. La preuve de la grande qualité de la dame : elle est aussi une grande amie de mon fils Nicolas. C’est tout dire!

Bonne semaine!


Gilles Chaumel

Le lundi 21 juillet 2008

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