lundi 2 juin 2008

L’aigle



L'aigle royal.
Photo : Yvon Troupin

Si vous êtes auditeurs de Première heure, l’émission matinale de la première chaîne de Radio-Canada à Québec, vous avez sans doute entendu parler de ce concours d’ornithologie où l’on doit raconter une observation qui nous a particulièrement marquée. Voici la mienne, en guise de chronique du lundi.

Alors voilà. Il y a quelques années déjà (mais c'est comme si c'était hier tellement la séquence est restée marquée dans ma mémoire), ma Loulou et moi avions planifié un séjour à l'Île-Verte, dans le Bas-Saint-Laurent. C’était en mai. Ce vendredi matin-là attendait que nous soyons arrivés au village de l’Île-Verte pour secouer sa gangue de nuages.

Après quelques achats (on n’allait quand même pas partir sur l’Île sans homards ni vin quand même...), nous voici au quai, qui est aussi un lieu d’observation de choix pour les ornithologues assidus que nous étions alors. Nous sortons donc nos jumelles et installons notre lunette d’approche sur la batture, à la recherche de canards et autres oiseaux marins plus rares que les goélands et les eiders à duvet.

Déjà, pas très loin un grand héron, nous faisait rigoler à tenter d’avaler un poisson de bonne taille... sur la largeur. Il fallait voir le gosier distendu du pauvre animal, comme si on lui avait entré un bâton de travers dans la gorge. Nous étions certains qu'il s'étoufferait. Mais ces bêtes là, c'est fait fort et, au bout d'un quinzaine de minutes, la proie était avalée.

Il n'était pas seul le grand héron sur les berges, plusieurs de ses congénères pêchaient et volaient dans les alentours. Comme celui-ci qui arrivait droit sur nous, à très basse altitude. Vers nous? Mais c'est farouche ces oiseaux là. Ça ne vole pas vers les gens! Plus il approchait, plus il était évident qu'il ne s'agissait pas du tout d'un héron.

« Loulou, dis-je soudain, un peu énervé mais gardant l'œil rivé à la lunette. Loulou, ce n'est pas un héron qui s'en vient, c'est, c’est… un aigle!

L'immense oiseau volait à quelques mètres à peine du sol, d'un vol lent et majestueux, comme s'il était seul au monde et « fonçait » droit sur nous! Il était tout à coup si proche que la lunette devenait inutile, et même les jumelles, soudain, ne servaient à rien. Il arrivait! Il est passé juste au-dessus de nos têtes, si près que nous avons entendu distinctement le shwoosh puissant de ses ailes qui battaient régulièrement l'air. Une bête immense, sombre, magnifique, divine. Un aigle royal dont nous avons pu admirer, en détail et à l'œil nu, le moirage du plumage qui fait croire qu'au noir de ses plumes brille l'or de ses taches.

Et il a poursuivi sa route, glissant doucement dans le ciel, nous laissant totalement médusés. Une apparition que nous évoquons encore aujourd'hui avec émotion.

Le chant des oiseaux

Pendant des années, le grand violoncelliste catalan Pau Casals, jouait en rappel lors de ses récitals, une adaptation d’une musique traditionnelle de chez lui intitulée Le chant des oiseaux (el cant dels ocells). Cette œuvre empreinte de douceur et de tristesse, Casals l’interprétait en signe de dénonciation du fascisme qui a longtemps gangrené son pays, l’Espagne. Il la jouait comme une invitation à se souvenir des affres des dictatures fascistes, de toutes les dictatures. On peut l’entendre sur cette page Web dans l’intimité de sa maison où en musique de fond à l’occasion d’un émouvant discours qu’il a prononcé à l’ONU en 1994.

Le combat ordinaire

Houlà, y en n’aura pas de facile pour d’aucuns. Comme mon fils cadet qui vient de casser ménage avec sa blonde et qui est tout chagrin. Sa mère, ses amis et moi, on le ramasse à tour de rôle lorsqu’à tout moment, un coup de déprime le frappe. À 26 ans, comme à n’importe quel âge d’ailleurs, rien n’est perdu sauf un amour et des rêves de bonheur et de vie commune qui s’estompent douloureusement, temporairement. Heureusement, tout n’est pas noir. Ses notes académiques volent très haut dans le ciel universitaire, il a un bon travail de guide au musée des Ursulines, un travail qui convient parfaitement à l’historien qu’il est en voie de devenir.

Bref, c’est le mythe de Sisyphe qui se perpétue. Roule ta pierre mon homme ou cent fois sur le métier, remets ton ouvrage bonhomme. Et ce n’est pas parce que c’est lancé sous forme de boutade que c’est plus drôle pour autant.

Bon, ce chapitre s’intitule Le combat ordinaire, non seulement à cause des histoires de vie de mon fils qui pourraient aussi être celles de bien d’autres et parfois des plus tristes encore, mais à cause d’une bande dessinée qui porte ce titre. Peut-être même que je vous en ai déjà causé. Cette semaine est paru le quatrième et dernier tome de ce roman (ça fait plus sérieux pour certains) illustré, une œuvre émouvante, poignante même, à bien des égards. Il s’agit de la vie un peu tourmentée d’un photographe et ce ceux qui l’entourent. C’est ce que j’ai lu de mieux dans le genre depuis, depuis… mon premier Astérix à l’âge de 7 ans. Voilà. Et si vous êtes gentils je peux vous prêter la série à condition que vous en complétiez la lecture en une semaine. Je ne saurais m’en séparer plus longtemps.

Ti-vieux 101
Cette semaine, avec ma Loulou, j’ai suivi mon cours de ti-vieux 101 ou comment devenir un ti-vieux responsable et heureux à la retraite. Bien foutu ce cours. T’apprends tout ce qu’il faut pour ne pas laisser tes proches dans la merde par ton inconscience, que ce soit en matière testamentaire, financière et tutti quanti. T’apprends même qu’à ta retraite, si t’as des goûts diversifiés et des désirs multiples, tu ne vas pas t’ennuyer et tu vas même faire des jaloux parmi tes ex-collègues toujours travailleurs. Même qu’avec la pénurie d’emplois annoncée, tu pourras continuer à travailleur un ti peu si tu veux, mais quand tu le voudras et comme tu le voudras.

Le paradis quoi! Le paradis avant la fin de vos jours. Pour un athée comme moi, c’est parfait. N’empêche, ce que tu retiens au bout du compte, c’est que t’en as un bon bout de fait et qu’il te reste à te préparer à mourir. Fait chier.

Pour être dans le ton, même la chronique de Foglia de ce week-end s’y met. Ti-vieux, ‘stie!

Quand même, à la fin du cours, j’ai lu à la demande de la gentille organisatrice ce texte d’un dénommée Jacques Brel :

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir
et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns.

Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer
et d’oublier ce qu’il faut oublier.

Je vous souhaite des passions.

Je vous souhaite des silences.

Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil
et des rires d’enfants.

Je vous souhaite de résister à l’enlisement,
à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque.

Je vous souhaite surtout d’être vous.

Amen.


Gilles Chaumel

Le lundi 2 juin 2008

P.S. Les geais bleus sont revenus en force après quasiment six mois de désertion. J’en compte une douzaine au moins dans les arbres entourant les mangeoires de la maison. Les roselins au chant magnifique sont aussi revenus, tout comme les chardonnerets jaune vif qui ont remplacé les sizerins flammés. Les colibris sont aussi au rendez-vous et les pics sont toujours là au grand plaisir de Gédéon pour ça semble être les oiseaux préférés.

P.P.S. Musique. Il s’appelle K (non, pas comme Kafka, il est Suisse mon K) et il chante. Il n’a pas 30 ans mais déjà, il a quelque chose à dire. Son album, L’amour dans la rue, est plein d’amour justement, et de tendresse aussi (Je suis bien, Zazi, L’amour dans la rue). Un disque comme un acte de foi en l’humanité mais non sans en dénoncer les abus (Les nantis, La cendre). Guitare sèche, piano, une rythmique parfois folle souvent douce, de la belle et bonne chanson qu’on réécoute à satiété.

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