samedi 2 janvier 2016

Ils ont fait mon 2015 (2), la musique

Après les bandes dessinées, la musique. Cette fois, juste des coups de cœur sans préoccupation de genres musicaux. Comme disait le Duke d’Ellington, il n’y a que deux sortes de musique, la bonne et la mauvaise, peu importe le genre où l’époque où elle a été composée. Alors voici!



D’abord, une sortie de fin d’année qui donnera un spectacle et à une suite à ce magnifique album intitulé « Rêves américains, tome 1, La ruée vers l’or ». C’est Thomas Hellman qui régale, raconte et chante 14 chansons de 24 carats qui emmènent de la ruée vers l’or à la chasse destructrice du bison en passant par la description de personnages plus grands que nature. L’histoire de l’Amérique à la façon Béliard, La folk dans ses plus beaux atours. Bonheur assuré.


Pour rester dans le genre (pas longtemps), voici Tamara Lindeman, une folksinger torontoise qui a fait de la délicatesse et de la douceur ses marques de commerce. Sous le nom de Weather Station, son groupe (?), vient de sortir un troisième album intitulé Loyalty. Que dire d’autre que la belle et riche voix de la chanteuse est redoutable de séduction, que ses rythmes chaloupants, les jeux de guitare acoustique nous font penser à une Joni Mitchell dupliquée et réinventée.


N’eussiez-vous qu’un album de musique vocale de Jean-Sébastien Bach (je sais, c’est impossible, mais si…), ce devrait être ce Köthener Trauermusik BWV 244a, musique funèbre pour le prince Léopold d’Anhalt-Cöthen, superbement interprété par l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, pour Harmonia Mundi. Utilisant parodie et reprises d’œuvres plus anciennes (certaines tirées de la Passion selon Saint-Mathieu), l’œuvre oscille entre chœurs et airs pour solo ou duos, souvent bouleversants, utilisant toute la richesse de la rhétorique baroque. Un grand moment de la musique occidentale.

Toujours chez Bach, un magnifique récital de clavecin (instrument splendide, prise de son d’un naturel à couper le souffle) d’un jeune  musicien prodige, Jean Rondeau, dont le seul défaut est de se coiffer en mettant son doigt dans une prise électrique. L’album s’intitule Imagine (à la Lennon), parce que certaines des œuvres choisies ont d’abord été composées pour d’autres instruments (luth ou violon). Et si l’ensemble est tout à fait séduisant, la transcription de la fameuse Chaconne pour violon, à elle seule, vaut qu’on se procure ce disque en tous points remarquable.


Billie Holiday aurait 100 ans cette année et plusieurs ont tenu à souligner, avec plus ou moins de succès, l’anniversaire de cette artiste du tragique. Je propose le Yesterday I Had the Blues du chanteur anglais José James, dont la principale qualité est d’avoir su se faire accompagner par une phalange de premier ordre : le pianiste Jason Moran, le contrebassiste John Patitucci et le batteur Eric Harland, quelques-uns des plus brillants musiciens de jazz du moment. Ça donne un disque émouvant qui compte quelques-unes des plus belles chansons qu’interprétaient Billie et qui sont devenu des classique de la musique occidentale : Fine and Mellow, God Bless the Child, Tenderly, God Bless the Child et surtout un Strange Fruit d’anthologie où tous les musiciens délaissent leurs instruments pour accompagner, a capella, le chanteur. 


Pour la modernité jazziste, la folie libertaire, la créativité, on regardera du côté du saxo alto Rudresh Mahanthappa et de son Bird Calls, en hommage à un autre libertaire effréné, Charlie Parker. En hommage seulement, parce que pour ce qui est de la ressemblance, on repassera. Le Newyorkais propose une musique du 21e siècle, très structurée et très libre à la fois, musique savante, envolées délirantes, de l’énergie à l’état pure portée par un quintette bien soudé.


L’an dernier, il y a eu le cycle de mélodies tragique du Wintereise de Franz Schubert porté par l’unique Matthias Goerne, né pour chanter ce cycle. Cette année, c’est le bel album du pianiste David Fray, consacré au même Schubert, qui retient l’attention. Autour d’un programme centré sur la magnifique sonate-fantaisie en sol majeur D. 894, à mon goût, la plus belle œuvre pour piano du compositeur et de la fantaisie en fa mineur pour piano à 4 mains  en compagnie de ce vieux maître de Jacques Rouvier. Alors, on a là ce qu’il faut pour bien faire apprécier ce délicat compositeur : poésie, lyrisme, sens mélodique extrême, allant et rythme berçant (même dans les forte). Et bien sûr, l’album s’intitule Fantaisie!


Le chant de la nuit, si cher à Schubert, est également porté par un jeune pianiste de jazz allemand, Michael Wollny. Son Nachtfahrten, bien que de confection très contemporaine, laisse planer tout du long une sorte de spleen schubertien que ses compagnons, le contrebassiste Christian Weber et le batteur Eric Schaefer, appuient avec tout le mystère et la subtilité voulue. Irrésistible.


Enfin, un magnifique disque de musique de chambre de la seconde moitié du 19e siècle qui réunit des œuvres pour piano et violon de Guillaume Lekeu, César Franck et de Lili Boulanger. Enregistré à compte d’auteur par le violoniste Frédéric Bednarz et la pianiste Natsuki Hiratsuka, cet album, publié sur Métis Island Music, est empreint d’un romantisme à la fois ardent et plein de retenu. La sonate de Lekeu, ce jeune surdoué mort à 24 ans, reçoit ici la lecture la plus convaincante que je connaissance. La musique d’un dimanche après-midi, tout juste avant le crépuscule. Pour l’apéro quoi!!!


vendredi 1 janvier 2016

Ils ont fait mon 2015 (1)


Des palmarès, des palmarès… Il y en a tant et tant qu’on pourrait faire un palmarès des palmarès, du meilleur au plus moche. Reste que tout cela est tellement subjectif. Le mien, sans prétention, concerne musiques et livres qui ont marqué mon année, à titre d’animateur des émissions Folk d’Amérique, Millénium et Midi-Jazz, sur les ondes de www.ckrl.qc.ca.

Allons-y... avec la bande dessinée comme chapitre premier!


À tous seigneurs, tous honneurs, la meilleure bd de l’année revient au deuxième tome des Vieux Fourneaux, alors déjà le troisième est déjà paru outre Atlantique. On est d’ailleurs en droit d’être un peu en tabarnac que Dargaud n’ait pas jugé bon de nous l’envoyer avant les Fêtes. Mais bon, l’attente vaudra la peine puisque déjà, ce deuxième tome est aussi génial que le premier. Ces vieux anars de Pierrot, Mimile, et Antoine (et sa géniale petite-fille Sophie qui répare toutes leurs bêtises) s’amusent à foutre tant et tant le bordel chez les richards que c’est drôle à en pisser… sans compter leurs histoires d’amour anciennes et nouvelles qui chient dans les grandes mesures. Les Vieux fourneaux tout en haut de la liste.


Mais tout juste à côté, il y a Le Sculpteur de Scott McCloud (édité chez Rue de Sèvres en version française), l’histoire en blanc, bleu, noir de David Smith jeune sculpteur désespéré qui signera un pacte faustien pour, enfin, pouvoir sculpter ce qu’il veut, comme il veut et quand il le veut. Et il le voudra beaucoup, beaucoup. Mais il aura deux ans pour le faire avant de mourir. Mais voilà, il y a l’amour… Ce bouquin est une brillante réflexion sur l’art et la vie; le dessin, tout en rondeur, est percutant; et le scénario de ce pavé 485 pages est drôlement bien ficelé!



Manu Larcenet rides again en mettant en images, et quelles images, le sombre roman de Philippe Claudel Le rapport de Brodeck, , chez Dargaud. Mais c’est lui, le Manu, qui adapte le texte à ses cases et dresse des portraits juste des inquiétants habitants de ce village qui n’acceptent pas la différence. Dessin grandiose en noir et blanc, nature magnifiée, humains dépravés et une étincelle d’intégrité. Une grande œuvre.


Bob Morane fait un retour époustouflant et remarquable  sur la scène de la bd. Et avec un titre révélateur : Renaissance! Bien sûr, Henri Verne n’est plus, mais les scénaristes Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray réinventent en quelque sorte les personnages, mais dans un présent d’une actualité criante. L’action se passe en bonne partie au Nigéria de 2012 où la France… et la Chine se disputent les ressources naturelles. S’en suit une histoire aux rebondissements incroyables où l’on reconnaît les « tics » personnages d’Henri Vernes, le Bob, Bill Ballantine, Ylang Ylang et où se profile, à la fin de ce premier tome, l’inquiétante Ombre jeune. Ai déjà tellement hâte de lire la suite de ce diptyque !!! (Éditions Le Lombard)



Enfin, ce bandit dévoyé et amoral de Tylor Cross récidive mais … « la chance tourne. Ce qui devait être un coup sans risque, garanti sur facture, se transforme en descente aux enfers pour Tyler Cross. Un enfer qui porte le doux nom d'« Angola », la plus grande prison de haute sécurité des États-Unis, entourée de marécages et écrasée par le soleil torride de Louisiane. » Une histoire à la James Lee Burke, mais où le méchant est le bon…